En couverture

École nationale de cirque 2018

31 mai 2018

Critique
ESPACE CIRCASSIEN
| Élie Castiel |

 

 SAPIENCE

★★★ ½

Redéfinir les lois de la pesanteur

Mizuki Shinagawa dans Sapience (Crédit photo : © Roland Lorente)

Anthony Venisse, concepteur, n’y va pas de main morte. Sa mise en piste possède les attributs du nouveau spectacle circassien en vogue depuis des décennie. Le cirque est aujourd’hui synonyme de corps alertes, imberbes, sculpturaux, parfois musclés, juste ce qu’il faut. La mission est de montrer les morceaux de bravoures des artistes, totalement au courant des attentes de ces nouveaux spectateurs, plus critiques, plus aptes à interpréter tels ou tels gestes, tels ou tels mouvements. Mais les artistes finissent par gagner, car l’ovation debout (standing ovation) ne résiste guère.

Sapience, synonyme de sagesse ou d’humanisme. Promesse tenu par ses instruments que sont la corde lisse, les sangles aériennes, le cerceau, la mât chinois et autres accessoires scéniques de piste magnifiquement manipulés par les performants.

Pour faire changement, on est dans le royaume de la musique classique, hormis un ou deux morceaux. L’élégance est de mise et, comme d’habitude, la sensualité arrive par instinct. La mobilité (et les contorsions) l’exigent. Mais les exécutants sont également au courant qu’ils font face à des spectateurs et que ceux-ci ont l’œil positivement inquisiteur. Ce rapport entre l’espace public, les estrades, et l’imaginé, la représentation, devient tout d’un coup, le temps que dure le spectacle, l’arène de tous les possibles.

Les numéros sont quasi parfaits. Quelques petites (légères) failles sont les bienvenues, justement en raison de la démarche sincère des éxécutants, à l’aise et d’un enthousiasme délirant, possédant la scène comme s’il s’agissait d’un espace privilégié. Aérien (et ce n’est pas un jeu de mots) tant les lois de la pensanteur sont magnifiquement redéfinies.

Deux belles soirées en perspective. Deux façons
de voir le monde et les gens par le biais de la
représentation. Inutile de dire : à ne pas rater
… pour finir ce printemps en beauté !

 BAROK XXI

★★★ ½

Rites de passage

Guillaume Larouche dans Barok XXI (Crédit photo : © Roland Lorente)

Plus ludique, enjoué, volontairement maladroit, on dirait même parfois enfantin, grand public, notamment dans le choix des accompagnements musicaux : Marlene Dietrich et son Moon River côtoie Nicole Lapointe qui reprend Le temps est bon, interprété par Isabelle Pierre dans Les mâles (1970), le film de Gilles Carle, et un Ah que la vie est belle final époustouflant, rassembleur, libérateur, donnant une envie de bouger, de l’énergie, même aux plus réfractaires.

Entre ces morceaux bien choisis, le trapèze impose son côté pérenne, la roue Cyr se laisse voir dans tous les sens et, entre autres, la planche coréenne et la corde volante ne laissent guères obstacles à l’imagination. La chorégraphie est aussi dans ce Barok XXI un hommage au célèbre Vogue de Madonna.

Un rappel que le nouveau cirque ne tient pas seulement sur la performance des artistes, mais également dans les musiques choisies. Sont-elles en correlation avec chaque numéro proposé. Ici, le passé, le présent et le futur, trois signes du temps qu’affrontent avec joie ces jeunes qui voient le monde dans son aspect le plus positif. Mais dans le même temps, nous obligent à croire fermement que sans l’art, la vie n’est que néant et les choses ne changent pas.

Deux belles soirées en perspective. Deux façons de voir le monde et les gens par le biais de la représentation. Inutile de dire : à ne pas rater… pour finir ce printemps en beauté !

Représentations
En alternance, jusqu’au 10 juin 2017
La TOHU.

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]

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