En couverture

Rosas – Anne Teresa De Keersmaeker

5 mai 2017

DANSE
★★★★
Texte : Élie Castiel

Rain
LA VERTICALITÉ DU GESTE

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© Anne Van Aerschot

Le dernier spectacle de la saison 2016-2017 de Danse Danse est magique, atteint par la finesse et la grâce, une pièce dont la simplicité et le raffinement concilient grand public et connaisseurs ; comme ça devrait l’être.

Tout d’abord une musique enlevante, Music for 18 Musicians, de l’électrisant Steve Reich qui, dès le départ, annonce ses couleurs : rythme, séduction, sensualité. C’est aussi du côté des lumières de Jan Versweyveld  et des costumes de Dries Van Noten : pastel, accents de l’arc-en-ciel, luminosité diurne donnant une atmosphère printanière. Et un décor scénique du même Versweyveld  d’une grande perspicacité, priviliégiant la circularité de l’espace.  Tout cet attirail au profit d’une chorégraphie exceptionnel, Rain, sans véritable thème, simplement créée pour le plaisir de danser.

L’horizontalité contemporaine cède la place à une verticalité qui ose réclamer son retour et son prononcer, revendiquant le territoire scénique, ne serait-ce que le temps de quelques représentations. Car Rain est un voyage dans une autre époque de la danse moderne, plus proche du public et moins réservée. Louons cependant les efforts des groupes de danse moderne d’aujourd’hui pour ramener un plus large auditoire aux lieux de présentation.

L’art n’a pas de limites. Il se perpétue incessamment.
Même après plus de quinze ans, Rain n’a pas pris une ride.

On tombe et on se redresse, on danse seul et en groupe, on se touche et on se détache. Ces gestes chorégraphiques ne sont-ils pas après tout les mouvements de foules du quotidien. Rain est un spectacle urbain, magnétique, d’une magie qui atteint le public dans son intériorité. Cette aventure collective avec le mouvement ne peut que laisser des traces indélébiles d’un point de vue chorégaphique. Les  sorties et retours de scène, eux horizontaux par défaut, se transforment en quelque chose de transcendant. La scène est une véritable géométrie des lieux.

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© Anne Van Aerschot

Rain est aussi une expérience aussi sensorielle qu’envoûtante.  Créée en 2001 par la compagnie Rosas, elle n’est proposée à Montréal que seize ans plus tard. Bien entendu, nous sommes devant de nouveaux danseurs qui s’éclatent sur scène pendant plus d’une heure. Gestes répétitifs, mouvements sinueux ; ça ressemble en quelque sorte à des exercices de réchauffement avant d’entamer la vraie choréraphie. Mais c’est uniquement de cela qu’il s’agit, ramenant cet art illustre à ses racines premières.

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© Anne Van Aerschot

Elle sont sculpturales, ils sont beaux. Ils bougent comme s’ils étaient suspendus dans l’air et le temps. Et une fois sur terre, ils défient les lois de la gravité avec un élégance incommensurable, élégiaque, rendant l’art de danser poétique. Le public, conquis, vient d’assister à une session de transe collective inoubliable. L’art n’a pas de limites. Il se perpétue incessamment. Même après plus de quinze ans, Rain n’a pas pris une ride.

Séquences_Web

Chorégraphie : Anne Teresa De Keersmaeker. Musique : Steve Reich (Music for 18 Musicians). Décors/Lumières : Jan Versweyveld. Costumes : Dries van Noten. Danseurs : Laura Bachman, Lav Crnčević, Léa Dubois, Anika Edström Kawaji, Zoi Esftathiou, Frank Gizycki, Robin Haghi, Uika Hashimoto, Laura Maia Poletti, Soa Ratsifandrihana, Luka Švajda. Production 2001 : Rosas & De Munt/La Monnaie (Bruxelles). Coproduction 2016 : De Munt/La Monnaie (Bruxelles), Sadler’s Wells (Londres), Les Théâtres de la Ville de Luxembourg  | Repésentations : Jusqu’au 6 mai 2017 – 20 h / Places des Arts (Théâtre Maisonneuve. Durée : 1 h 10 (sans entracte).

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.  ★★ Moyen.   Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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