En salle

Manchester by the Sea

24 novembre 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
À la suite de la mort de son frère, père d’un adolescent, un homme solitaire doit s’occuper de son neveu alors que tout semble les diviser.

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CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

CHOC ! L’AMÉRIQUE DE TRUMP
L’EMPORTERA-T-ELLE AUX OSCARS ?

Troisième long métrage de Kenneth Lonergan, après le sensible You Can Count on Me (2000) et l’inconstant, mais adroit Margaret (2011), Manchester by the Sea sera sans aucun doute l’un des favoris dans la course aux Oscars 2017. Pour la finesse de la mise en scène, lente, poétique, s’en tenant à l’essentiel, prenant le temps de filmer les personnages, des individus pris dans l’engrenage des responsabilités familiales et des incertitudes face au deuil. Mais avant tout, c’est un film sur la vie, celle qui passe, se transforme au gré des situations et transforme les êtres selon ses caprices.

Et dans ce drame fort émouvant, un refus catégorique de pathos gratuit ; au contraire, une distance face aux douloureux événements, une volonté de continuer à vivre après la mort d’un être cher, s’habituer à l’absence, essayer de bâtir un semblant d’avenir, repousser les regrets, avancer à grands et petits pas.

Entre l’extraordinaire Moonlight, de Barry Jenkins, et
Manchester by the Sea, la course aux Oscars s’avère serrée…

Pour vivre ces émotions, des comédiens formidables qui rendent chaque instant une belle page d’anthologie. Lorsque Lee Chandler, personnage taciturne victime d’une tragédie familiale dont nous apprendrons les tenants par des flashbacks aussi intelligents que magnifiquement intégrés grâce au montage habile de Jennifer Lame… embrasse la joue de son frère à la morgue, la douleur qu’il porte en lui est manifeste et les larmes, discrètes, mais sincères, procurant notre émotion palpable et complice. Avouons que l’Amérique représentée est celle qui a probablement voté pour Donald Trump ; parce qu’il s’agit d’une Amérique majoritaire, silencieuse et ignorée. Lonergan lui donne la place qu’elle mérite.

Mais le film illustre aussi cette Amérique encore sous le poids d’un catholicisme, si pas toujours pratiqué, faisant toujours partie de l’ADN social. Une Amérique dont les habitants cherchent encore des boulots face au chômage, un endroit où chacun se débrouille du mieux qu’il peut et où vivre, c’est savourer chaque moment de survie.

C’est justement ce qui fait la force de ce film fort habile et qui nous met le cœur gros, sans larmoiements, mais avec courage et détermination. La rédemption transparaît chez les personnages ; notamment dans celui de Lee, magnifiquement incarné par un Casey Affleck en pleine possession de son rôle, se l’accaparant pour mieux le mouler à l’idée qu’il se fait de l’art d’interprétation. Nous avons devant nos yeux une sorte de Marlon Brando calme, tempéré, vivant au gré des temps actuels, c’est-à-dire tristes, décourageants mais offrant de temps en temps de courts laps de répit.

Les influences juives et catholiques du cinéaste
sont probablement pour quelque chose dans
ce film inattendu et d’un humanisme absolu.

S’il fallait imaginer Manchester by the Sea comme un roman, on le classifierait dans la section Americana dans n’importe quelle bibliothèque publique ou universitaire du pays. Même si le film est une fiction originale, jamais littérature populaire et cinéma n’ont atteint un tel degré de complicité. Ici, Lonergan n’est pas simplement un cinéaste, mais se présente comme un poète contemporain de l’image, ajoutant par son choix musical quelque chose de sacré. Sur ce point, les événements se déroulant sur fond d’Adagio en G mineur d’Albinoni demeure l’un des grands moments du film.

Et comme conclusion, un grand point d’interrogation, montrant que la vie n’est pas simplement un conte de fée, mais qu’au contraire, il faut s’y adapter pour pouvoir la poursuivre. Entre l’extraordinaire Moonlight, de Barry Jenkins, et Manchester by the Sea, la course aux Oscars s’avère serrée, sans compter sur les autres candidats. Lorsque le mélo se substitue à une émotion à l’état brut, ça fonctionne et on ne peut que se réjouir. Les racines juives et catholiques du cinéaste sont probablement pour quelque chose dans ce film inattendu et d’un humanisme absolu.

Sortie : vendredi  25 novembre 2016
V.o. : anglais ; s.-t.f.
Manchester by the Sea

Genre :  DRAME  PSYCHOLOGIQUE – Origine : États-Unis  –  Année :  2016 – Durée :  2 h 17  – Réal. :  Kenneth Lonergan – Int. : Casey Afleck, Michelle Williams, Gretchen Mol, Lucas Hedges, Kyle Chandler, C.J. Wilson – Dist./Contact :  Métropole.
Horaires : Cinéma du ParcCineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Langage vulgaire)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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