En salle

The Lobster

24 mars 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Récemment séparé, David est admis dans un hôtel de villégiature où les célibataires disposent de 45 jours pour trouver l’âme sœur, à défaut de quoi ils seront transformés en l’animal de leur choix. D’emblée, David opte pour le homard, puis fraternise avec d’autres hôtes en quête d’un jumelage qui doit reposer sur le partage d’une caractéristique commune, socle de la vie à deux.

LE FILM DE LA SEMAINE
« Prix du jury »
Festival de Cannes 2015

CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

L’amour au temps de la dictature civile

Coproduction oblige, on craignait que pour son premier film en langue anglaise, Yorgos Lanthimos ne subisse les obligations souvent néfastes du compromis. Rien de cela. Le metteur en scène grec demeure sincère à sa démarche, ne recule devant rien pour même helléniser subtilement certains de ses personnages, David (excellent Colin Farrell) en particulier. Ce dernier, moustache méditéranéenne, bedaine accueillante, le type d’individu à qui on donnerait le bon dieu sans confession, se lance dans un aventure menée par un cinéaste qui n’a pas laissé son humour toxique et le ton bizzaroïde que l’on retrouve dans Canine (Kynodontas) et Alpes (Alpeis).

Il y a là un geste jouissif de provocation, mais dans le même temps un acte politique délibéré. Tenant compte de la situation aussi bien économique que sociale et politique qui fragilise de plus en plus son pays, cette propostion est d’autant plus courageuse qu’elle place le cinéma d’auteur dans son piédestal.

Avouons tout de même que The Lobster est mieux structuré que ses précédents films, là où la saveur bordélique de la mise en scène s’apparentait à un surréalisme cinématographique nouvelle vague. Car avant tout, Yorgos Lanthimos appartient à cette génération actuelle de (jeunes) cinéastes grecs pour qui, le 7e art est vraiment une expression artistique qui n’a pas affaire avec le côté mercantile. On soulignera qu’en Grèce, le cinéma commercial n’existe plus.

Avec The Lobster, Yorgos Lanthimos continue sa démarche
atypique, s’éloignant des normes, sûr de lui, manipulant
le cinéma à sa guise selon un sytème où prime l’autonomie.

Et il y a une narration, certes alambiquée, c’est son style, mais qui se permet d’intéressants et puissants arguments sur les nouvelles formes de l’amour et du couple. Dans ce récit inhabituel, deux parties bien distinctes : celle où à l’hôtel des futures couples, ne pas réussir à trouver l’âme sœur signifie se transformer en animal ; d’autre part, après une surprenante évasion, c’est la rencontre avec les « Solitaires », ceux qui prônent le célibat, au risque de punir sévèrement ceux qui s’y opposent.

Deux systèmes de valeurs que le cinéaste politise dans un combat incessant entre la liberté individuelle et le fascisme quotidien des dirigeants. Ce qui est étonnant, c’est de constater que ni la gauche ni la droite n’ont réussi à proposer un système de gouvernement adéquatement solide et viable pour la société. C’est par le biais de la métaphore et de la symbolique que Lanthimos lance ces idées sur la vie, la société et sur ce que la politique peut engendrer comme faiblesses, incertitudes et défaillances.

Malgré ces obstacles, il y a une histoire d’amour sincère, celle à laquelle nous nous identifions dans ce récit intentionnellement handicapé et qui nous réserve une finale d’une poignante force dramatique, laissant le spectateur loin de son confort cérébral, l’obligeant à redéfinir ses valeurs.

Et pourquoi David aurait-il choisi de devenir « lobster / homard » ? Simplement pour pouvoir vivre le plus longtemps possible afin d’être présent lorsque la société aura retrouvé son équilibre tant souhaité. Avec The Lobster, Yorgos Lanthimos continue sa démarche  atypique, s’éloignant des normes, sûr de lui, manipulant le cinéma à sa guise selon un sytème où prime l’autonomie.

Sortie : vendredi 25 mars 2016
Version originale : anglais / S.-t.f.
Le homard

Genre :  SATIRE SOCIALE – Origine :  Irlande / Grande-Bretagne / Grèce / France / États-Unis  –  Année :  2015 – Durée :  1 h 59  – Réal. : Yorgos Lanthimos – Int. : Colin Farrell, Rachez Weisz, Léa Seydoux, John C. Reilley, Ben Whishaw, Ariane Labed –  Dist. / Contact : Métropole.
Horaires :  @  Beaubien Cinéma du ParcCineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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