En salle

Anomalisa

23 janvier 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Michael Stone atterrit à Cincinnati où il doit donner le lendemain une conférence sur le service à la clientèle. De sa chambre d’hôtel, il téléphone à sa femme, puis, après hésitation, il décide d’appeler son ancienne amoureuse, Bella, qui accepte de le rejoindre au bar de l’établissement. Ils ne se sont pas vus depuis dix ans, et la rencontre tourne au vinaigre.

Anomalisa

CRITIQUE
★★★

LES LIMITES DE L’IMITATION
Texte : Guillaume Potvin

Une cafetière dans une chambre d’hôtel. Un hublot d’avion strié par la pluie. La lueur rouge des chiffres affichés sur le compteur d’un taxi. Ce sont de tels détails qui frappent dès les premières minutes d’Anomalisa, le dernier film écrit et réalisé par Charlie Kaufman (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Being John Malkovich). Autrement insignifiants, ces détails sont ici, au contraire, presque miraculeux puisque les personnages d’Anomalisa sont des figurines à la peau feutrée et les décors dans lesquels ils naviguent sont une reproduction de notre monde réduite à l’échelle de Barbie. Chaque photogramme – car il s’agit d’animation de volume ou stop motion – est un espace que nos yeux découvrent, à la recherche de ce détail qui trahirait l’exactitude de la reproduction. Mais en vain.

C’est dans cet univers que nous suivons Michael Stone, auteur et consultant en service à la clientèle, alors qu’il se rend à Cincinnati pour y donner une conférence. La vraisemblance paradoxale de l’animation et des décors nous place dans un état mental semblable à celui du protagoniste qui passera la fin de semaine dans le simulacre de maison qu’est sa chambre d’hôtel. Non que sa véritable maison est beaucoup plus accueillante; sa femme et son fils lui sont désormais étrangers, tout comme chaque personne qu’il rencontre. Ceci est évoqué par de brillants choix de mise en scène qui ne devraient pas être révélés avant le visionnement. Déconnecté de l’humanité et profondément déprimé, l’alcool devient son remède de choix.

L’amour est une thématique chère à
Kaufman et peu de scénaristes l’auront
exploré de manière aussi décalée que lui.

Un soir, alors qu’il est déjà enivré, il rencontre Lisa, une jeune femme esseulée qui lui apparait comme un ange rédempteur. Il éprouve un attachement instantané pour elle et la connexion qui se développe entre eux est touchante à voir.

L’amour est une thématique chère à Kaufman et peu de scénaristes l’auront exploré de manière aussi décalée que lui. En ce sens, ses idées sont toujours aussi inspirées et Anomalisa les illumine sous une lumière suffisamment différente de ses autres films. C’est cependant la base de sa trame narrative – d’un cliché atypique pour Kaufman – qui fait souffrir le film. Car quel est le récit d’Anomalisa à son plus simple? N’est-il pas celui d’un célèbre misanthrope qui trouvera en une jeune femme le remède temporaire à sa mélancolie, quitte à tromper sa femme?

Bref, non seulement Lisa représente-t-elle un autre épisode regrettable de la vie de Michael, mais elle semble être complètement accessoire au récit. Une sorte de manic pixie dream girl intellectualisée. Cet archétype – une jeune femme caractérisée uniquement par sa capacité à percer la carapace émotionnelle d’un protagoniste masculin — est profondément sexiste et dépassé. Bien dommage de le trouver dans un film autrement excellent.

Sortie
vendredi 22 janvier 2016
Version originale
anglais

Genre : ANIMATION – Origine : États-Unis – Année : 2015 – Durée : 1 h 31 – Réal. : Charlie Kaufman, Duke Johnson – Voix : David Thewlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan – Dist. / Contact : Paramount.
Horaires : @ Cineplex

CLASSEMENT
Général

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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