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Maxime Giroux

16 janvier 2015

« J’AI OSÉ AVEC CE FILM ET CE PERSONNAGE DES CHOSES QUE JE NE M’ÉTAIS JAMAIS PERMISES AUPARAVANT… »
Propos recueillis par Sami Gnaba

Maxime GirouxAvec Félix et Meira, Maxime Giroux signe un troisième film incontournable. Une œuvre sensible, lumineuse, mélancolique, dans laquelle le réalisateur porte brillamment son jeune cinéma vers la maturité. En mettant en scène la quête de désir et de liberté d’une femme hors de sa communauté restrictive, quelque chose dans son cinéma s’est libéré, imprimant dans ses images une émotion, une épaisseur psychologique, une tendresse jusque-là inédites… Rencontre.

En présentant Félix et Meira à la dernière édition du FNC, tu as parlé d’un film fait dans l’adversité. De quelle adversité parlais-tu ?
J’ai parlé d’adversité pour plusieurs raisons. Premièrement, pour bien des gens dans le milieu du cinéma québécois, je n’existais pas encore. Jusque-là, j’avais réalisé deux films qui ont été difficiles à faire. Donc aller chercher des subventions, c’est une tâche qui reste encore très difficile pour moi. Le film n’a pas été financé par la SODEC; on a eu Téléfilm Canada seulement… Heureusement que j’avais Metafilms, les producteurs Sylvain Corbeil et Nancy Grant, qui ont cru et appuyé le projet dès le départ.

Ensuite, adversité parce que, quand on a pensé à l’idée de ce film-là, avec Alexandre Laferrière, ça s’est fait assez naïvement. On était dans le Mile End, buvant un café. On regardait les gens passer quand je lui ai suggéré de faire un film avec des Juifs hassidiques. Ce sont nos voisins, mais on ne les connaît pas. C’était assez naïf donc, mais après ça, tout au long de l’écriture et de la fabrication du film, on s’est rendu compte de toute la difficulté et des défis qui étaient à surmonter avec un tel sujet. Et des pièges aussi, autant d’un point de vue technique (les costumes, le maquillage, les objets qui décorent les maisons des personnages) que d’un point de vue moral et éthique. Qu’est-ce que je peux dire, qu’est-ce que je peux montrer, jusqu’à quel point je peux aller avec mon sujet sans que cela devienne caricatural ? Je voulais une certaine retenue dans mon portrait de cette communauté, sans pour autant faire un film austère.

Puisque notre idée de ce qu’est un Juif hassidique ‒ des gens austères, vêtus de noir, non communicatifs ‒ ne correspond pas du tout à la réalité, une fois qu’on les rencontre à l’intérieur de leur communauté. Quand tu les rencontres, ils sont plus grands que nature. Ils possèdent une personnalité beaucoup plus exubérante que ce que j’aurais cru… Il y a donc eu plein de défis comme ça qu’on a dû surmonter pendant toute la fabrication du film. Trouver les comédiens a été un autre défi incroyable. Je ne pensais pas y arriver… Si on avait su toute l’ampleur des défis que notre idée de départ allait engendrer, on ne l’aurait jamais fait. Mais étant naïfs, un peu comme notre personnage de Félix, on est allés jusqu’au bout. Et une chance qu’on y est allés, parce que faire ce film a été l’une des aventures humaines et cinématographiques les plus extraordinaires que j’aie vécues.

Texte complet : Séquences (nº 294 > Janvier-Février, pp. 6-8)

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