Recensions

Ce qu’il y a de terrible avec Ivan…

31 décembre 2014

« VOIR DES FILMS NE SUFFIT PAS… »

RECENSION
>> Élie Castiel

Dans la collection « Vert Paradis » chez Hermann, Ce qu’il y a de terrible avec Ivan… est une réflexion analytique, une conversation (presque de salon) entre un essayiste-réalisateur et le cinéma. Une discussion le plus souvent animée sur l’un des films les plus influents de Sergueï M. Eisentein, Ivan le terrible, œuvre charnière du cinéaste controversé.

Le choix du film d’Eisenstein n’est pas fortuit, mais au contraire, un engagement intellectuel, une prise de position sur le cinéma et ses multiples fonctions. À travers le film d’un des géants du cinéma mondial, les plans, les cadrages, les transitions, les aspects narratifs, la grandeur du spectacle, la majestuosité des personnages : tout converge vers une analyse du presque plan par plan. Sur ce point, Jean-Louis Leconte est exigeant. Pour comprendre le cinéma, pour mieux l’apprécier, pour le situer dans un contexte intellectuel et non pas mercantile, Leconte insiste : « Sans l’éducation qui passe inévitablement par la connaissance de l’histoire du cinéma, le spectateur est donc une cible facile à atteindre. Mais voir des films ne suffit pas, encore faut-il apprendre à les voir, et pour cela rien ne remplace la confrontation entre les œuvres du passé et celles d’aujourd’hui… » (p. 33).

Cette déclaration renferme sans doute une certaine éthique du regard, geste moral qui se perd de plus en plus de nos jours. Le dialogue, le vrai, est celui entre un auteur (Leconte) et son fils. Parler de la vie, parler du cinéma, situer le point de rencontre entre la fiction et la vie, entre l’art et le fait d’exister. Ces impératifs qui, pour certains esprits d’aujourd’hui, pourraient paraître pour le moins anachroniques sont exposés ici comme s’ils faisaient partie du développement intellectuel.

Ce qu’il y a de terrible avec Ivan… est écrit dans un français précis, comme un roman, sans fioritures, évitant les écueils de la rhétorique. Le recours aux chapitres (sans titres ni numéros) facilite également la lecture. Entre l’auteur et le lecteur, une sorte de relation privilégiée ne cesse de faire du chemin tout au long de l’ouvrage.

Mais en fait, ce qu’il y a de terrible avec Ivan… c’est surtout que, pour Leconte, l’engagement envers le film du réalisateur ait été un processus intellectuellement palpitant.

Jean-Louis Leconte
Ce qu’il y a de terrible avec Ivan…
(Coll. « Vert Paradis »)

Paris : Hermann, 2013
127 pages

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