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4 septembre 2014

L’ENFANT (CHEZ) TRUFFAUT
INTROSPECTION ET RÉSILIENCE

Les quatre cents coups

Texte : Patricia Robin

Les premières œuvres sont souvent celles qui représentent le plus les meurtrissures de la vie. Nombre de cinéastes se sont dévoilés en mettant en scène métaphoriquement les blessures qui les ont forgés. Sorte de phénomène de résilience, le fait de les partager leur permet d’évoluer et de poursuivre des carrières marquantes. Dans notre devoir de mémoire soulignant le départ, en 1984, d’un des pères de la Nouvelle Vague française, il importe d’évoquer les motivations profondes qui ont guidé François Truffaut dans deux de ses films impliquant enfance et abandon, des moteurs personnels de sa propre existence.

Avec Les Quatre Cents Coups, François Truffaut entre sur la scène internationale en dirigeant Jean-Pierre Léaud qui deviendra son alter ego dans la série des « Aventures d’Antoine Doinel » : Antoine et Colette (dans le film à sketches L’Amour à vingt ans – 1962), Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) et L’Amour en fuite (1979) [1]. Dédié à André Bazin, son père spirituel décédé le premier jour du tournage, ce premier long métrage met en scène un adolescent de quatorze ans, qui cherche à prendre sa place au sein de sa famille recomposée, sèche les cours pour se balader avec son copain ou aller au cinéma. Tel un titi parisien, Doinel erre dans les rues de la Ville lumière, surprend sa mère embrassant un amant, trahissant du même coup son beau-père et lui-même. Alors qu’on lui demande de disparaître à la maison comme à l’école, Doinel tente de s’inscrire dans sa propre histoire en racontant n’importe quoi aux adultes, en écrivant sur les murs de la classe lorsqu’il est en punition derrière le tableau noir, en volant une machine à écrire et en s’évadant du centre pour jeunes contrevenants. On reconnaît là les grandes lignes de l’enfance de Truffaut : abandon maternel, amitié avec Robert Lachenay, désertion de l’armée et réconfort par le cinéma. Ce dernier deviendra un exutoire et Doinel, l’incarnation de cette enfance bafouée. Comme il l’annonçait à Cannes, en 1957 : « Le film de demain ressemblera à celui qui l’a tourné… ». Cette autobiographie romancée permet à Truffaut non seulement d’évacuer ses mauvais souvenirs, mais de tracer les premiers traits de caractère de son Antoine, ce gamin loquace, téméraire et ayant besoin d’espace. Il le suit avec une caméra nerveuse qui, comme lui, ne tient pas en place. Truffaut laisse toute la liberté à Antoine alors qu’il se confie à la psychologue du centre de redressement avec une spontanéité déconcertante; après le vol de la trop lourde machine à écrire, l’adolescent Léaud, filmé en improvisation, rappelle la légèreté du cinéma.

 Dossier complet : Séquences, nº 292 (Séptembre-Octobre 2014), p. 5-21.

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