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Angoisse cosmique ou le jour où Brad Pitt fut atteint de paranoïa

16 mai 2014

LIBERA ME

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★ ½

Lorsqu’on assiste à une pièce de théâtre sans véritable récit, nous sommes, contrairement à nos habitudes, bousculés par l’incertitude et l’inquiétant. Force est néanmoins de souligner que la mise en scène de Michel Nadeau surprend par l’utilisation de l’espace, par le mouvement qui s’opère autour de ce territoire scénique, plaçant les trois personnages sous constante tension dans leur discours écologique.

Le débat n’est pas nouveau, mais toujours d’actualité. Les nouvelles technologies, les enjeux face à la manipulation de la terre ont changé notre façon de voir le monde, mais nous ont également enchaînés, selon l’endroit où on se trouve, dans une sorte de carapace qui conforte nos vies et nourrissent nos exigences du présent.

Pièce d’une ironie cinglante, Angoisse cosmique est avant tout un dialogue à trois personnes qui parlent de la planète terre, de ce que nous en avons fait, mais aussi de l’amour comme ultime havre au possible naufrage. Mais ce sont des discours de salon, des mots qu’on injecte à droite et à gauche, sans véritables conséquences. Le plus souvent, les trois comédiens s’adressent au public, faisant de lui le témoin privilégié d’un débat sur le sujet.

Il y a le risque du discours moralisateur, des mots facilement pris du langage écologique et versés au public pour qu’il réagisse, de réparties plus instinctives que réfléchies, d’écoeurements inattendus, de tout ce qui constitue le comportement humain.

Les spectateurs peuvent se voir devant un miroir au fond de la de scène où un écran vidéo à la droite diffuse des extraits de conférences ou discussions sur le sujet, dont les plus évidents sont nul doute celui d’Une vérité qui dérange, avec Al Gore, et l’intervention de Luc Ferry sur la fin évidente du sacré dans nos vies. Cet accessoire scénique permet à la pièce de tirer son épingle du jeu et dans le même temps réussit intelligemment à procurer aux trois comédiens des instants de pause.

Car le texte de Christian Lollike traduit par Catherine Lise Dubost est grave, important, actuel, trop lourd à porter. Les trois protagonistes prennent-ils tout cela au sérieux ? Ils rient souvent, déconnent tout le temps, le couple s’aime, se dispute pour des choses sans importance, tous trois se prennent pour Brad Pitt. Et que fait justement Pitt dans tout cela ? la question n’a nulle réponse, sauf qu’il pourrait s’agir que parmi les personnalités du monde artistique, Pitt est celui qui a le plus bravé la tempête face aux réactionnairs de tout acabit. Peut-être que la prochaine fois, on pensera peut-être à Sean Penn ou à Angela Jolie, apôtres, eux aussi, d’une planète saine.

En attendant, nous continuons à surconsommer et sommes de plus en plus apathiques devant la question. Il est évident que le texte de Lollike nous en fait prendre conscience. C’est déjà un tout petit pas dans la bonne direction. Quant à Michel Nadeau et ses comédiens, ils s’en tirent du mieux qu’ils peuvent, même si on sent par-ci, par-là quelques hésitations, notamment dans les transitions et les renversements de situations.

En fin de compte, une présentation satisfaisante pour un texte éclairé. La planète continue néanmoins son travail de rétrogression, en attendant qu’un bon samaritain que certains nomment « messie » puisse enfin nous libérer.

[ DISCOURS ÉCOLOGIQUE ]
Texte 
: Christian Lollike – Traduction : Catherine Lise Dubost – Adaptation / Mise en scène :Michel Nadeau – Décors : Marie-Rene Bourget Harvey – Costumes :Daphnée Lemieux-Boivin – Éclairages :Jean-François Labbé – Montage musique : Yves Dubois – Montage vidéo : Lionel Arnould – Comédiens : Emmanuel Bédard, Claude Breton-Potvin, Hughes Frenette – Production : Théâtre Niveau Parking | Durée : 1 h 15 (sans entracte)  – Représentations :Jusqu’au 24 mai 2014 – La Licorne.

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) ½ (Entre-cotes)

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