En salle

Miséricorde

1er juin 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Au Québec, en venant en aide à la mère d’un jeune Autochtone mort sur le bord d’une route, happé par un camion, Thomas Berger, d’origine suisse, policier dans son pays, souhaite retrouver la paix, tourmenté par un souvenir douloureux.

CRITIQUE
★★ 

Texte : Guillaume Potvin

TOURISME NORDIQUE

Un homme est au volant d’une voiture de location. Une agente de la SQ enceinte sort d’une voiture de patrouille. Deux hommes discutent dans une camionnette. Une femme sort d’un camion dix-huit roues. Ce sont de telles images qui comblent la majeure partie du dernier film du réalisateur helvetico-italien Fulvio Bernasconi : on monte à bord de véhicules, on les habite le temps d’une discussion ou d’une rumination, puis on s’en dégage. Les voitures ici servent de confessionnal, de salle d’interrogation, d’isoloir, voire de lit. Elles servent à tout sauf générer des images prenantes.

 Entre ces scènes de voiture trop nombreuses, quelques haltes routières dans des lieux qui contiennent tout le potentiel d’un polar sordide ou d’un western moderne : les néons d’un motel reflétés dans une flaque d’eau, les banquettes d’un greasy spoon de camionneurs et les sombres forêts mystérieuses, mines à ciel ouvert et longues routes anonymes de l’Abitibi-Témiscamingue. Mais ces images ont, pour la plupart, la fonction d’établir la situation et sont immédiatement délaissées au profit de séries insipides de champ/contrechamp en plans rapprochés. Il n’y a pas d’effort pour véritablement investir ces espaces, les faire parler, ou même d’y planter des actions concrètes de personnages. Sans parler que ces rares actions significatives carburent aux blessures psychologiques des personnages qui ne se révèlent à nous que peu à peu, et ce, toujours par la parole au lieu des gestes.

C’est dans cette équivalence sous-entendue entre
violence objective (les inégalités systémiques et historiques
perpétrées envers les premières nations) et violence subjective
(les actions (in)volontaires des protagonistes) que
se révèle le fantasme pervers des créateurs du film.

Miséricorde

Pourtant, les visées de Miséricorde se valent d’être saluées : ce sont de toute évidence de grands thèmes qu’il sonde — la justice, la culpabilité, le pardon — et ce sont d’encore plus grands paysages qui l’inspirent, soit ceux du Nord québécois et de la réserve anishnabe du Lac Simon. Mais à voir le résultat final, c’est à croire que ses créateurs ne savaient pas comment meubler le deuxième acte de leur récit : le départ et l’arrivée du voyage sont clairs, quoique convenus, mais le chemin qui les relie révèle de sérieuses lacunes.

Mais même si on peut pardonner ses nombreux défauts techniques (le montage, le mix sonore et la colorisation sont tous particulièrement pauvres), le récit de Miséricorde recèle une insinuation dommageable, un sous-entendu sournois, qu’on ne peut ignorer. Il s’agit de sa façon d’évoquer que le rétablissement des bonnes relations entre peuples autochtones et blancs dépendrait d’excuses sincères de la part des offenseurs blancs. C’est dans cette équivalence sous-entendue entre violence objective (les inégalités systémiques et historiques perpétrées envers les premières nations) et violence subjective (les actions (in)volontaires des protagonistes) que se révèle le fantasme pervers des créateurs du film. Aussi sincères soient-elles, les excuses ne suffisent pas toujours.

Sortie :  vendredi 2 juin 2017
V.o. :  français

Genre :  Drame  – Origine : Suisse / Canada –  Année :  2016 – Durée :  1 h 30  – Réal. :  Fulvio Bernasconi – Int. : Jonathan Zaccaï, Evelyne Brochu, Marthe Keller, Marco Collin, Marie-Hélène Bélanger, Charlie Acouette – Dist. :  Filmoption International.

Horaires
Cinéma Beaubien

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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