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Festival international du film de Rotterdam

7 février 2017

CINÉMA /
ÉVÉNEMENT
Texte : Maxime Labrecque

TOP 5 DES CINÉASTES À SURVEILLER

Récemment, lors de mon passage au International Film Festival of Rotterdam (IFFR), j’ai eu le plaisir de siéger au jury FIPRESCI dont la mission était de remettre un prix dans la catégorie Bright Future. Parmi les 19 premières mondiales de cette sélection – qui regroupe des premiers ou seconds longs métrages – nous vous proposons une liste de 5 films à voir et, par conséquent, autant de réalisatrices et de réalisateurs dont la carrière est à surveiller de près. Des œuvres prometteuses qui démontrent déjà une maîtrise du médium cinématographique et qui n’ont rien à envier aux grands maîtres. 

António um dois tresAntónio Um Dois Três
Leonardo Mouramateus (Portugal)
Cette œuvre présente plusieurs variations sur le même thème. Dans un rythme beaucoup moins effréné que Cours Lola Cours, le cinéaste propose avec humour et sensibilité de jouer avec les contingences et explore par le fait même diverses combinaisons. Le ton est naturel et le film devient une sorte de mise en abyme d’une situation toute simple : la visite d’un jeune homme chez son ex, pour qui il a encore des sentiments. Par le biais d’une pièce de théâtre à même le film, cet épisode, qui arrive ou non selon les versions, est rejoué de différentes manières. Le montage n’opère pas de division claire entre chaque épisode, ce qui fait d’autant plus travailler cognitivement le spectateur. Les dialogues, notamment ceux entre le père et le fils, sont particulièrement savoureux et le film est rythmé par la chanson I Put a Spell on You, sorte de motif récurrent et révélateur

A Brief ExcursionA Brief Excursion
Igor Bezinovic (Croatie)
Une œuvre décalée et mystérieuse, qui pourrait s’avérer un étrange hybride entre Trainspotting, Picnic at Hanging Rock et Drinking Buddies. Autant de styles différents qui définissent cette œuvre enivrante et enivrée, qui se déroule dans la campagne croate. La voix-off du protagoniste ponctue tout le film, donnant ainsi une touche très personnelle et ouvrant une fenêtre à l’intériorité du jeune homme errant. Ses pensées et fantasmes sans filtre accompagnent les images qui sont pratiquement muettes autrement. Il s’agit d’un road trip atypique, où le but évanescent – voir des fresques dans une chapelle isolée – réunit un groupe d’étrangers pendant une journée. Leur errance par une chaude journée d’été est ponctuée de rencontres improbables et de divagations passagères. Un à un, les personnages s’effacent, disparaissent sans raison, ajoutant une touche de mystère à ce film qui débutait pourtant de manière très réaliste

Corpo ElétricoCorpo Elétrico
Marcelo Caetano (Brésil)
Ce pays offre des œuvres très fortes depuis quelques années. Corpo Elétrico, dont le titre est tiré d’un poème de Walt Whitman, s’intéresse à un jeune homme de 23 ans, designer dans une usine de textiles. À mi-chemin entre les responsabilités de son poste et la folie de sa jeunesse, le protagoniste est suivi de près par la caméra lors de ses rencontres et escapades nocturnes. Ce film galvanisant, qui fait une incursion dans le milieu des Drag Queens, présente un jeune homosexuel en quête de plaisirs mais aussi de sens. La mise en scène permet de suggérer notamment l’intérêt du personnage principal envers un nouveau collègue, sans pour autant devenir démonstrative. L’énergie et la sensualité qui se dégagent de ce film – qui n’a d’ailleurs pas été scripté mais répété d’après les intentions du réalisateur – sont doublées d’un jeu efficace de la part des comédiens. Le travelling arrière, alors que la bande se dirige dans un bar en mobylette, marque l’imaginaire. Il s’agit d’un portrait sincère d’une jeunesse errante et ouverte aux possibilités.

Banseom PiratesBamseom Pirates Seoul Inferno
Jung Yun-Sook (Corée du Sud)
Ce documentaire sud-coréen suit de près le groupe punk-métal Bamseon Pirates. Avec une caméra à l’épaule et un rythme entraînant, ponctué par la musique du groupe, le film constitue un commentaire social percutant. Les musiciens prennent ainsi part à de nombreuses manifestations et leur album Seoul Inferno critique vivement, de manière satirique, la société dans laquelle ils vivent. Ce faisant, ce documentaire dépasse le cadre classique pour aborder plusieurs problèmes sociaux en Corée du Sud, notamment les lois sur la sécurité publique, la privatisation de l’Université et les relations avec la Corée du Nord. Avec beaucoup d’humour et de bruit, d’animations PowerPoint, d’images d’archives et de concerts, les musiciens se confient à la caméra, autant dans leurs moments de gloire que de déconvenue. Il s’agit d’un documentaire à la forme éclatée, qui mélange adroitement politique et musique afin de nous renseigner de manière inusitée sur de nombreux sujets tabous en Corée.

Pela janela
Caroline Leone (Brésil-Argentine)
Lauréat du prix FIPRESCI, cette magnifique coproduction entre le Brésil et l’Argentine dresse avec une subtilité et un souffle surprenant, le portrait d’une femme d’un certain âge à un tournant de sa vie. Récemment licenciée et défaite par cette nouvelle, elle accepte l’offre de son frère, le jovial José, à l’accompagner jusqu’à Buenos Aires afin de servir de chauffeur à la fille de son employeur. La comédienne principale, Magali Biff, offre une performance toute en nuances. Taciturne, toute ses émotions passent par l’habile mise en scène et les expressions qu’elle laisse transparaître. Là aussi, il s’agit d’un road movie qui mélange avec beaucoup de tact et de subtilité émotions et commentaire politique. Les relations entre certaines classes sociales sont présentées avec justesse, et le film constitue de plus une réflexion sur la vieillesse et la nécessité d’être utile à la société. Même si le sujet n’est pas particulièrement léger, Caroline Leone l’aborde avec humour et délicatesse, en plus de proposer quelques scènes marquantes. Le passage par les chutes Iguaçu, ou encore la chanson que la protagoniste entame dans la minuscule chambre qu’elle partage avec son frère en Argentine, ajoutent une touche d’espoir et de beauté à cette œuvre poignante.

Pela Janela

Prix de la FIPRESCI au Festival international du film de Rotterdam

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