En salle

Là où Atilla passe…

28 janvier 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Attila, un jeune homme d’origine turque, mène une existence recluse, monotone et solitaire. Ses nuits blanches sont hantées par des souvenirs d’enfance de son pays natal, avant son adoption par Julie et Michel, un couple montréalais. Décrocheur scolaire, mal dans sa peau, il travaille dans un restaurant et refuse de suivre une thérapie avec un psychologue.

Là où Atilla passe

CRITIQUE
★★★

EXIL INTÉRIEUR
Texte : Élie Castiel

Après La ferme des humains, le second long métrage du canado-turc Onur Karaman propose le profil d’un exil forcé par les enjeux de l’adoption. Pris en charge par des parents québécois après avoir été témoin d’un drame familial, Atilla, jeune homme turc ayant grandi à Brossard, ne peut effacer l’image qui le hante depuis l’incident qui l’a conduit jusqu’au Canada.

Ce fantasme, finalement dévoilé, servira de conclusion au film et justifiera la rédemption qu’on peut deviner dès le début, une sorte de bienveillante réconciliation avec soi-même. Intentionnellement, Karaman opte pour la simplicité, prend conscience de ses faiblesses en ce qui a trait à la réalisation, même pour un deuxième film, évite la démonstration poussive, préférant la narration directe, d’une linéarité le plus souvent naïve, mais sincère.

Jusqu’ici, et ça risque bien de continuer, le cinéma québécois a presque toujours évité de montrer des personnages issus des communautés culturelles. Les films d’ici affichent une québécitude « pure laine » qui place l’autre dans une position autant d’inconfort que de non-appartenance. Par ailleurs, lorsque, rarement, les québécois anglophones tournent, ce sont leurs coreligionnaires francophones et les allophones qui sont absents. Aux fameuses deux solitudes tant décriées, semble s’ajouter une troisième, celle venue des ailleurs.

Ces idées de résistance sont peut-être bonnes et
multiples, mais bien loin de réconcilier l’ici et l’ailleurs,
Karaman préférant le repli sur soi ou encore mieux la fuite.

Ce que semble montrer Là où Atilla passe…, titre révélateur, c’est qu’avant tout, cette noble aventure qu’on appelle intégration et assimilation est certes encouragée, mais difficilement réalisable. Karaman a eu le courage d’élever la voix, mais reste prudent pour ne pas trop choquer. Si Julie Deslauriers et Roy Dupuis s’avèrent des personnages crédibles, sincères, convaincus du bien fondé du thème abordé, les autres semblent vivre dans une bulle protectrice. Est-ce par hasard si le personnage du psychologue est tenu par un haïtien et que les fêtes entre ami.es sont marquées par l’absence flagrante de personnages québécois ? Les murs de séparation ne semblent pas s’effrondrer de sitôt.

Ces idées de résistance sont peut-être bonnes et multiples, mais bien loin de réconcilier l’ici et l’ailleurs, Karaman préférant le repli sur soi ou encore mieux la fuite. Il est cependant rafraîchissant de noter qu’en lisant attentivement le générique final, des noms de plusieurs ethnies s’affichent sans complexe. Sur ce plan, le cinéma d’ici fait presque totalement défaut. Est-ce bien le fruit du hasard ou simplement une question d’attitude protectionniste ?

Une bonne note néanmoins pour Émile Schneider. L’image qui ne cesse de hanter son jeune Atilla empêche celui-ci de manifester clairement sa vraie personnalité ; sur ce point, le comédien habite son personnage avec une grâce à la fois hautaine et vulnérable, mais qui finit par rendre complètement les armes lorsque les affres de la réalité frappent à la porte.

Sortie
vendredi 29 janvier 2016
Version originale
français, anglais, turc / s.-t.f. ; s.-t.a.
There Where Atilla Passes

Genre : DRAME PSYCHOLOGIQUE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2015 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Onur Karaman – Int.: Émile Schneider, Roy Dupuis, Dilan Gwyin, Julie Deslauriers, Cansel Elçyn, Hafid Sitout – Dist. / Contact : K-Films Amérique.
Horaires : @ Beaubien Cinéma du Parc

CLASSEMENT
Visa GÉNÉRAL – Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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