20 octobre 2016
Quatre ans après le très touchant Né quelque part, le franco-algérien Mohamed Hamidi aborde encore le thème des origines dans La vache, une comédie alerte, vive, classique et agréablement surannée, n’hésitant pas à emprunter des clichés, leur donnant même une touche colorée qui leur attribue un pouvoir intemporel.
Ce qui frappe d’emblée, c’est toute l’attention portée à cet humble paysan algérien venu en France avec sa vache, Jacqueline, pour participer au Concours tenu au salon de l’Agriculture, à Paris. Détail ironique, et c’est intentionnel de la part de Hamidi ; malgré les évènements dramatiques survenus en France ces derniers temps, il est accueilli en grande pompe par ses semblables français. Beau message de solidarité, résultat d’une meilleure compréhension de ce qu’est « vraiment » la mondialisation. Le discours politique peut sembler présenté au second degré, mais n’empêche qu’il assume une puissance humaniste.
Le montage parallèle entre la France et l’Algérie, dans un petit village perdu où les quelques habitants ont comme principale occupation de ne pas se mêler de leurs affaires et que subvenir aux besoins de la famille tient du miracle, permet au réalisateur de ce qu’il connaît le mieux, tentant de rallier les mentalités pour adopter une vision plus humaine de l’existence.
Il choisit le cinéma qu’il considère comme arme puissante pour changer les esprits et s’il n’y a que quelques-un qui seront touchés par ses mots qui parlent de solidarité, d’entente entre les peuples et de possibilité de réussir, c’est déjà quelque chose d’acquis.
La charmante ruminante Jacqueline, à l’instar de ses consoeurs, se tient tranquille. Sans doute parce qu’elle a un maître (formidable Fatsah Bouyahmed) qui lui voue une admiration sans bornes et un amour incomparable. Si le cœur peut changer l’âme de l’individu, le pari de Hami aura amplement réussi.
Et finalement, comment rester de glace devant le court extrait de l’excellent La vache et le prisonnier (1959) de l’incomparable Henri Verneuil, avec un Fernandel plus grand que nature, et d’où La vache de Hamidi prend très librement ses sources. La France n’occupe plus l’Algérie, mais l’amour que les Algériens ont gardé pour la langue de Molière ne s’est en aucun point éteint. Le principal intéressé, originaire d’Afrique du Nord (le Maroc) peut très bien confirmer cet émouvant engagement.
Genre : COMÉDIE – Origine : France – Année : 2015 – Durée : 1 h 32 – Réal. : Mohamed Hamidi – Int. : Jamel Debbouze, Lambert Wilson, Fatsah Bouyahmed, Hajar Masdouki, Fehd Benchemsi, Catherine Davenier – Dist./Contact : Séville.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Présenté l’an dernier aux RIDM* lors desquels il avait obtenu une mention spéciale, Manoir est de ces visions du réel fabriquées dans la connivence et le long terme qui parviennent à transcender leur sujet en faisant reposer leur film sur une esthétique fictionnelle résolument à l’écart de la norme documentaire. Cadrages étudiés, caméra fixe, plans évocateurs et silences criants de vérité constituent les couleurs d’une palette cinématographique des plus riches, réduisant l’information factuelle au strict minimum pour mieux laisser respirer le propos.
Ce qu’il y a de fascinant dans Manoir, c’est la façon organique avec laquelle le spectateur est inclus d’emblée, invité à faire le tour du propriétaire par lui-même, sans être guidé outre mesure. On y découvre alors des gens meurtris, mais également une solidarité dans la détresse, des addictions et de la folie où les mondes imaginaires arrivent à la rescousse. L’un invoque le retour d’une ancienne blonde, l’autre roucoule du Elvis Presley pour se souvenir du bon vieux temps, un troisième s’est mis en tête de réparer son vieux bazou, synonyme de liberté autant que de fuite en avant. Les confidences d’un fatalisme qui fait froid dans le dos émergent, les blessures remontent, les moments de doute affleurent. Mais aussi, un lien bien réel se révèle, et tant bien que mal une véritable communauté autonome parvient à régir les comportements. Quelque chose comme une fratrie sereine soudée face aux problèmes personnels. Dans ce lieu figé dans le temps, situé dans la marge, toute notion de normalité disparaît.
Puis par l’entremise d’une pancarte posée sur la propriété montrée en cadrage serré nous apprenons que ce « manoir » est promis à démolition. Pas de voix hors champ, de commentaire ni de sous-titres. Placé au milieu du film, ce plan symbolique du drame qui se joue sous nos yeux caractérise l’épure, sans pathos ni sensationnalisme.
Comme tant d’autres services sociaux ou initiatives humaines que l’on aura sacrifiés à l’autel des profits immédiats, cette toile fragile sera prochainement chose du passé. C’est alors qu’avec évidence nous apparaît, outre notre condition de privilégié, notre société, aussi malade et meurtrie que ces quelques laissés-pour-compte pour qui l’on n’a rien trouvé de mieux comme hébergement qu’un motel abandonné. Pour Paul, Johnny, Philippe, Nathalie, Gilles et d’autres, il ne reste de la vie au Manoir Gaulin que des objets entassés dans quelques boîtes, et après eux, un centre commercial flambant neuf. Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe étaient là pour capturer cet entre-deux. En plus d’être une réussite formelle indéniable, leur Manoir est une captivante immersion au plus creux du mal-être québécois.
* dans une version plus longue de 13 minutes semble-t-il.
Genre : DOCUMENTAIRE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2014 – Durée : 1 h 10 – Réal. : Pierre-Luc Latulippe, Martin Fournier – Dist./Contact : Les Films Leitmotiv.
Horaires : @ Cinémathèque québécoise
CLASSEMENT
E/C
(Exempté de classement)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Second long métrage de Nathan Morlando, Mean Dreams offre un amalgame pour le moins étonnant de polar en milieu rural, de drame psychologique sur l’enfance maltraitée et même de suspense d’horreur. Si l’approche choisie par les auteurs offre au film le charme d’une série B surannée, elle ne lui permet jamais de trouver le rythme nécessaire pour conserver l’attention du spectateur. Malmené par de trop nombreuses ruptures de ton, le récit cède à l’invraisemblance des mauvais thrillers et n’évite pas la langueur des drames psychologiques qui veulent trop en dire.
La direction d’acteurs est hésitante, en particulier dans le cas de Bill Paxton et Sophie Nélisse qui ne parviennent jamais à prendre la mesure de rôles mal définis. Somme toute, cette production ontarienne s’avère aussi inutile que bien des œuvres de genre, financées par les institutions gouvernementales canadiennes dans le seul but de gonfler les rangs d’une industrie qui tourne à vide.
Genre : SUSPENSE – Origine : Canada – Année : 2016 – Durée : 1 h 45 – Réal. : Nathan Morlando – Int. : Sophie Nélisse, Josh Wiggins, Bill Paxton, Colm Feore – Dist./Contact : Entract Films.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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