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Gulîstan, terre des roses

19 janvier 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Déterminées à freiner les avancées du groupe armé État islamique, de jeunes femmes peshmerga appartenant au bras armé du Parti des travailleurs du Kurdistan attendent l’affrontement.

CRITIQUE
★★★★
Texte : Charles-Henri Ramond

MOURIR POUR SES IDÉES

Une porte se ferme sur Sozdar, combattante du PKK partant à la rencontre de son ennemi juré : L’État islamique. Puis, dans un silence absolu, les noms des protagonistes du film défilent lentement sur un fond noir. Qu’adviendra-t-il d’eux, de leur cause et de leur pays le Kurdistan? Marqués par ces questionnements essentiels, les derniers instants de Gulïstan, terre de roses de la jeune Zayné Akyol sont d’une intensité rare. Tout comme l’était, 85 minutes plus tôt, la scène d’ouverture dans laquelle la même Sozdar, nous dit droit dans les yeux son désir d‘avoir sur le visage une cicatrice bien visible qui la rendrait encore plus belle. Une trace de guerre inscrite à jamais, à l’image de son indéfectible volonté de mourir pour défendre ses idées. Entre ces deux séquences, véritables marqueurs de l’histoire d’une région troublée, et incidemment deux des moments les plus forts du cinéma documentaire québécois récent, la réalisatrice offre un déroutant portrait de femmes. Suite

Mr. Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin

RÉSUMÉ SUCCINCT
Ohad Naharin, chorégraphe israélien de réputation mondiale, mélange des styles, des modes d’expression et des médias pour créer des spectacles de ballet d’une rare beauté et d’une grande modernité. Des entrevues, des reportages et des images de ses archives personnelles illustrent sa contribution artistique et son approche pédagogique.

LE FILM DE LA SEMAINE
CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

LEÇON DE MAÎTRE

Tomer Heymann est un cinéaste sensible, affectueux, tourmenté, ce qui explique fort probablement le côté psychoanalytique de ses films, mais aussi provocateur, dans le bon sens du terme, se voulant interventionniste sur tous les sujets qui le préoccupent. Dans I Shot My Love (Séquences, nº 275, p. 41), le journal filmé positionne le cinéaste face à son homosexualité, totalement assumée, voire même imposée à sa famille, parti pris d’autant plus bouleversant qu’il est accompagné d’Andreas Merck, son amant non-juif, d’origine allemande, et que ça se passe en Israël où, il est vrai, est un pays accueillant pour la communauté gaie depuis quelques années, mais seulement dans les grandes villes (Jérusalem, fort probablement exclue). Nous les avions rencontrés tous les deux à Montréal. Ce fut une expérience à la fois troublante et réconciliatrice avec la vie.

Mr. Gaga_Critique 1

Avec Mr. Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin, Heymann est arrivé à un point de maturité tel que son ADN cinématographique, composé d’éléments formels et narratifs d’une profonde rigueur, se confond avec celui d’un des plus célèbres chorégraphes de la danse moderne d’aujourd’hui : l’israélien Ohad Naharin. L’homme, le danseur, le chorégraphe et le conjoint – il est hétéro, a eu relation qui a fini tragiquement par la mort de son épouse, Mari Kajiwara, danseuse étoile au Alvin Ailey American Dance Theater de New York. Il a ensuite épousé Eri Nakamura, danseuse au Batsheva Dance Company, qu’il dirige depuis 1990. Ils ont une fille.

Pourquoi mentionner son hétérosexualité? Justement parce que le discours de Naharin sur la fonction organique du mâle est empreinte de sages vérités qui puisent leurs sources dans l’observation du quotidien, dans les arcanes dramatiques du service militaire, dans tout ce qui unit le masculin à la société et à l’art. Et lorsqu’il s’agit de danse, le regard devient d’autant plus impartial.

«  Prix public du Meilleur documentaire »
Aspen Filmfest 2016

Cet aspect biographique se juxtapose avec un sens inné de la transition aux extraits chorégraphiques, non seulement montrés, mais expliqués par Naharin comme s’il s’agissait d’une classe de maître soigneusement orchestrée, définissant le corps et ses parties tel un archéologue aguerri de l’anatomie.

On le voit le plus souvent dans des répétitions. Affable et en même temps abrupt, il expose ce mélange binaire de sensibilité israélienne qui navigue constamment, conflits guerriers obligent, entre la séduction du collectif, l’engagement personnel, un certain cynisme de survie et finalement, un rapport au monde totalement réaliste.

Entre Tomer Heymann et Ohad Naharin, une complicité
tenace, une rigueur dans le mouvement, pour l’un celui du
corps, pour l’autre celui de la caméra, mais tout compte fait,
une aventure collective qui s’anime devant les spectateurs
comme une offrande visuelle riche en mutations.

Ses étudiants-danseurs se fâchent, décident de quitter et finissent par y retourner. Oharin le sait et c’est ainsi qu’il arrive à créer des chorégraphies hallucinantes, belles, fougueuses, révoltées, sexuelles et d’une humanité prise entre l’acharnement et l’abandon. Des images d’archives montrent la genèse d’un homme qui ne s’apprêtait pas à une carrière de danseur. Heymann, fidèle à sa réthorique documentaire, se fait un plaisir immense lorsqu’il montre ses bouts de home movies (films amateur) qui, pour lui, représente une des pierres angulaires de sa formation.

Mr. Gaga est un film sur Ohad Naharin, mais aussi une méditation sur le cinéma et sur le réel, posant également un questionnement affectueux et intelligent sur le regard. Entre Tomer Heymann et Ohad Naharin, une complicité tenace, une rigueur dans le mouvement, pour l’un celui du corps, pour l’autre celui de la caméra, mais tout compte fait, une aventure collective qui s’anime devant les spectateurs comme une offrande visuelle riche en mutations.

On soulignera l’incident produit au cours du 50e anniversaire de l’État d’Israël lors de la présentation d’un ballet et la digne, et responsable intervention politique du danseur à l’égard de son pays. Comme ce «Mouvement Gaga», qui fait fureur en Israël, réconciliant l’individu à la culture, à l’autre et à son propre corps. C’est là un autre engagement diplomatique de la part de Naharin. Israël, c’est aussi une partie de la population qui ne croit pas aux exigences insoutenables de son gouvernement, qui pense autrement. Il serait sage et juste de le prendre en compte.

Mr. Gaga_Critique 2

Sortie : vendredi 20 janvier 2017
V.o. :  anglais, hébreu  / s.-t.f. & s.-t.a.
Mr. Gaga

Genre :  DOCUMENTAIRE – Origine : Israël / Suisse / Allemagne / Pays-Bas  – Année :  2015 – Durée :  1 h 40  – Réal. : Tomer Heymann – Dist./Contact :  Métropole.
Horaires :  @  Cinéma BeaubienCineplex

CLASSEMENT
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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Nelly

RÉSUMÉ SUCCINCT
Jeune adulte et ex-prostituée, Isabelle Fortier est l’auteure d’un roman à saveur autobiographique devenu célèbre au Québec et en France. Sous son nom de plume, Nelly Arcan, elle mène une carrière publique, mais elle a de la difficulté à concilier ses identités multiples.

CRITIQUE
★★★
Texte : Élie Castiel

ÉCRIRE SA VIE

Si Nuit # 1 (2011) révélait une réalisatrice prometteuse grâce à la maîtrise de la mise en scène d’un huis clos amoureux ouvert sur toutes les possibilités, portrait en somme d’une certaine jeunesse urbaine de québécois, le film suivant, Les êtres chers (2015), affirmait l’ouverture de la jeune cinéaste à aborder un autre cinéma, plus grand public, même si au fond, le thème du mal de vivre se retrouve dans ses deux premières production et plus encore dans Nelly.

Et puis l’adaptation de Putain et Folle de la tristement suicidée Nelly Arcan. Film-synthèse d’une écriture autobiographique qui privilégie le moi, courant littéraire très en vogue aujourd’hui, résultat sans doute d’une société où le collectif perd du terrain.

La mise en scène, prise entre deux textes de la littérature bourgeoise, oscille d’une approche à l’autre; l’élégance côtoie le bas-fond, la rhétorique rejoint le langage jouissivement licencieux. Par la voie de son personnage, Émond semble dire que nous naviguons tant bien que mal dans un monde sexualisé  quelle que soit notre condition sociale. Ce qui est vrai au fond.

La beauté diaphane et miraculée de Mylène MacKay, que nous
avons remarqué dans l’excentrique et surréaliste Endorphine
(2015), d’André Turpin, s’harmonise avec le portrait d’un
personnage complexe empreint d’une dose de sérénité envoûtante
qui manifeste la sexualité avec une sensualité limpide, sans honte.

Ces fondements narratifs qui traversent le film ne sont sans défauts et les transitions paraissent parfois un peu balourde. La beauté diaphane et miraculée de Mylène MacKay, que nous avons remarqué dans l’excentrique et surréaliste Endorphine (2015), d’André Turpin, s’harmonise avec le portrait d’un personnage complexe empreint d’une dose de sérénité envoûtante qui manifeste la sexualité avec une sensualité limpide, sans honte. La direction photo de Josée Deshaies (entre autres, Saint Laurent de Bertrand Bonello, en 2014) brosse un tableau de cet univers comme une caresse interdite et pourtant avouée.

Pas aussi réussi que ses deux premiers longs métrages, Nelly confirme tout de même que la réalisatrice se dirige vers la bonne voie avec assurance et sincérité. Une chose est certaine : le cinéma québécois s’universalise, montrant jusqu’à quel point les personnages décrits sont le résultat d’une mondialisation culturelle, partageant avec tous les peuples occidentaux une pensée commune. Un tel constat confirme également qu’il y a quelque chose de politiquement souterrain dans le nouveau film d’Émond. Et en plus, c’est intensément sexy.

Nelly

Sortie :  vendredi 20 janvier 2017
V.o. :  français

Genre :  DRAME BIOGRAPHIQUE – Origine : Canada [Québec] – Année :  2016 – Durée :  1 h 39  – Réal. : Anne Émond – Int. : Mylène Mackay, Mickaël Gouin, Sylvie Drapeau, Catherine Brunet, Mylia Corbeil-Gauvreau, Francis Leplay – Dist./Contact : Séville.
Horaires :  @  Cinéma BeaubienCineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 16 ans
(Érotisme)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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