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Get Out

23 février 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Chris, un jeune artiste afro-américain, se rend dans la maison familiale de Rose, son amoureuse blanche, pour assister à un grand rassemblement amical. Mais le comportement étrange et agressif de certains invités et des domestiques plonge le jeune homme dans l’anxiété.

CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

CRIMES AU MUSÉE DES HORREURS

Une surprise de taille. Délirant, surprenant, époustouflant, alliant avec une verve éclatante, instantanée, sans le moindre effort, différents genres, tel se présente Get Out, le premier long métrage sidérant de l’Afro-américain Jordan Peele (plus d’une quarantaine de productions à son actif, comme comédien, cinéma et surtout télé, tous genres confondus). Avec l’Oscar du meilleur film attribué à Moonlight et ce nouveau film à ne louper sous aucun prétexte, non seulement l’afro-américanitude s’impose à Hollywood, mais aussi une nouvelle génération de voteurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, nourrie d’un cinéma américain indépendant qui ose crier son nom. Les prochaines années nous le confirmeront, on l’espère.

La mise en scène de Jordan Peele évoque, par moments furtifs et éloquents,  aussi bien Hitchcok, Polanski, que Carpenter et autres cinéastes qui ont su aborder, à leurs façons, le cinéma de genre. Sans doute des hommages percutants qui ont pour nom : talent incontestable. Comme respectable proposition dans Get Out : le racisme ordinaire, celui envers les Afro-américains d’une nouvelle Amérique nostalgique des années de gloire indécentes, vautrées dans un sommeil profond, inégalitaires, sans jugement moral. Le lieu : une sorte de petit musée des horreurs où entre la vie et la mort, la dérision n’a plus de limites.

Un film dévergondé par son approche, instransigeant par sa
présentation de la dictature raciale caucasienne  et déconstruisant
adroitement les codes de la mise en scène en proposant
quelque chose d’innovateur dans le cinéma d’auteur grand public.

Get Out

Thriller, cinéma d’horreur, film d’action, petit désordre amoureux, les genres se confondent et s’enchevêtrent pour former un tout logique selon les normes actuelles, fou, déplacé, bordélique, je m’en-foutiste, ne se gênant pas pour capter les instants et les séquences les plus diablement abracadabrantes de ce début d’année cinématographique.

Et derrière ces personnages blancs, insensibles, faussement libérés, impudiques, sans éthique, riches mais ignorants, un jeune héros noir, timide jusqu’à un certain point, dépassé par les événements et ne reculant devant rien pour tabasser sa copine blanche lorsqu’elle se présente comme une véritable fleur du mal.

Dans la salle, les spectateurs applaudissaient à tout bout de champ, et à raison. Réaction totalement justifiée pour un film dévergondé par son approche, instransigeant par sa présentation de la dictature raciale caucasienne et déconstruisant adroitement les codes de la mise en scène en proposant quelque chose d’innovateur dans le cinéma d’auteur grand public. Paradoxe entre ces deux termes qui, de plus en plus, devient une réalité. Qui a dit que le cinéma est mort ? Les nouveaux cinéastes prouvent tout à fait le contraire. Et nous n’en sommes que plus fiers. Surtout, quand l’humour est également de la partie.

Sortie :  vendredi 24 février 2017
V.o. :  anglais

Genre :  SUSPENSE  – Origine : États-Unis –  Année :  2017 – Durée :  1 h 44  – Réal. :  Jordan Peele – Int. :  Daniel Kaluuya, Allison Williams, Lakeith Stanfield, Catherine Keener, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones  – Dist./Contact :  Universal.
Horaires : @  Cineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence / Langage vulgaire)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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I Am Not Your Negro

RÉSUMÉ SUCCINCT
À partir du manuscrit de James Baldwin, Remember This House, toujours inédit, l’auteur proposait un regard personnel sur les assassinats des leaders Malcolm X, Martin Luther King Jr. Et Medgar Evers. Le cinéaste Raoul Peck se penche sur la question.

CRITIQUE
★★★★★
Texte : Charles-Henri Ramond

SOLITUDES JAMAIS CONFRONTÉES

Depuis son remarqué Lumumba (2000), nous avions quelque peu perdu de vue Raoul Peck. Le cinéaste haïtien nous revient en force avec ce rappel à l’histoire évoquant la lutte mouvementée – et encore terriblement féroce – pour les droits civiques des Afro-Américains. Basé sur les textes de l’auteur James Arthur Baldwin (1924-1987) lus par Samuel L. Jackson et incarnant l’essence même de cet auteur visionnaire, I Am Not Your Negro s’inscrit d’emblée comme l’un de ces documentaires indispensables, opérant une fusion parfaite de la complexité de l’essai philosophique et de l’évidence de la démonstration factuelle.

Des émeutes de Watts ou d’Oakland dans les années 60 jusqu’à celles toutes récentes de Ferguson, en passant par l’insupportable tabassage de Rodney King, Peck nous emmène sur le chemin de croix traversé par les noirs américains, jeunes ou vieux, intellectuels ou ouvriers. Il nous rappelle à quel point la route a été longue avant l’arrivée de Barack Obama au pouvoir, et relie le sort dramatique de millions de citoyens au combat mené par l’homme blanc pour éradiquer les Indiens d’Amérique.

« L’histoire des noirs, c’est l’histoire de l’Amérique.
Ce n’est pas une belle histoire. »

Teintées de défaitisme, les pensées de Baldwin, plus que jamais actuelles malgré les décennies écoulées, se retrouvent synthétisées dans les portraits des figures emblématiques de la défense de la cause noire que furent Malcolm X, Martin Luther King Jr et Medgar Evers, amis personnels dont il voulait en faire le sujet de son dernier ouvrage qui ne fut jamais publié. De cette analyse en profondeur du mal qui ronge la société étasunienne, on retiendra la rhétorique haute en couleurs de l’auteur, jamais vindicatif – il a d’ailleurs tenté de rester indépendant des courants idéologiques de l’époque – mais toujours juste, à l’image de cette phrase résumant à elle seule toutes ses théories : « L’histoire des noirs, c’est l’histoire de l’Amérique. Ce n’est pas une belle histoire. »

I Am Not Your Negro

Outre les extraits d’entrevues accordées par Baldwin, le film repose sur de nombreux passages de longs métrages de fiction produits par Hollywood, qui viennent justement réaffirmer l’impact du cinéma populaire sur l’inconscient collectif américain, véhiculant d’un côté la suprématie d’un fantasme américain blanc, cristallisée dans le duo Gary Cooper et Doris Day, et de l’autre, une représentation fausse ou trompeuse des noirs. Face à ces deux solitudes en apparence irréconciliables (ces « expériences jamais confrontées »), Baldwin conclut en guise d’avertissement que « rien ne peut changer si on ne l’affronte pas ». Adressé de prime abord au peuple Américain, ce message prophétique d’une rare force de conviction nous interpelle tout autant.

Sortie :  vendredi 24 février 2017
V.o. :  anglais  / s.-t.f. ; version française
Je ne suis pas votre nègre

Genre :  DOCUMENTAIRE  – Origine :  États-Unis / France –  Année :  2016 – Durée :  1 h 35  – Réal. :  Raoul Peck –– Dist./Contact :  Métropole.
Horaires : @  Cinéma du ParcCineplex

CLASSEMENT
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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Les oubliés

RÉSUMÉ SUCCINCT
En 1945, après cinq années d’Occupation, des millions de mines restent actives sous les plages du Danemark. Un groupe de jeunes soldats allemands défaits est retenu de force au pays pour entreprendre la périlleuse opération de nettoyage.

CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

LE CHAGRIN ET LA PITIÉ

Ici, ce n’est pas la guerre, mais l’après, où des soldats-gamins allemands prisonniers au Danemark sont chargés de déminer les côtes nationales. Ils sont ahuris, perdus dans un microcosme dangereux, ne sachant rien de la Convention de Genève datant de 1929, interdisant d’obliger des prisonniers de guerre à effectuer de lourdes taches, particulièrement lorsqu’elles s’avèrent dangereuses. Dans cet endroit coupé du monde, le mot d’ordre est la vengeance, quelle que soit le visage qu’elle présente et sur qui elle dresse ses griffes.

En concentrant l’objectif de la caméra sur les personnages
(tous les jeunes, excellents) plutôt que sur le récit,
le cinéaste rallie sa proposition : les fils tendus entre la haine
et le pardon, entre le mépris et la déférence,
entre le chagrin et la pitié, entre vivre et se laisser mourir.

Magnifiquement filmé, dans un Cinémascope qui octroie à l’horreur ses plus ignobles interstices et où la tragédie s’oppose à la fausse sérénité des lieux, Les oubliés est un récit qui culmine vers le dur et long chemin de la rédemption. Malgré les apparences, ni vainqueurs, ni vaincus. Simplement, une vision de l’Allemagne de la fin de la Seconde Guerre mondiale, différente de celle que nous avons l’habitude de voir. Ces jeunes soldats, savaient-ils ce qu’ils faisaient ? Étaient-ils d’accord avec la politique établie ? Pour sauver leur peau, ne faisaient-ils qu’obéir aux ordres ?

À ces questions existentielles, Martin Zandvliet n’y répond pas dans ce troisième long métrage d’une puissance qui pousse le spectateur à repenser ses idéaux. Manipulateur ? Peut-être. Révisionniste ? Certainement pas. Mais fortement poussé par un désir de déconstruire l’Histoire en présentant l’individu dans toute son humanité.

Land of Mine

Pour illustrer cette proposition, il fait appel à l’acteur danois Roland Møller, forte gueule, carrure de casse-gueule, mais en même temps armé d’une force intérieure qui le pousse à finalement extérioriser ses émotions à l’état brut.

La mise en scène, limpide, épurée, sans effets gratuits (même si certains spectateurs seront mal à l’aise face à quelques effets graphiques insupportables) reproduit une certaine réalité, souvent cachée, de l’aventure humaine. Et en concentrant l’objectif de la caméra sur les personnages  (tous les jeunes, excellents) plutôt que sur le récit, le cinéaste rallie sa proposition : les fils tendus entre la haine et le pardon, entre le mépris et la déférence, entre le chagrin et la pitié, entre vivre et se laisser mourir.

Réaliste, sensoriel, grave, triste et lourdement interrogateur, Les oubliés s’incruste dans le fort intérieur des êtres pour en retirer les mystères les plus cachés, ceux de l’âme et de la conscience.

Sortie :  vendredi 24 février 2017
V.o. :  allemand, anglais, danois / s.-t.f. ; s.-t.a.
Land of Mine / Under sandet / Unter dem Sand

Genre :  DRAME DE GUERRE  – Origine : Danemark / Allemagne –  Année :  2015 – Durée :  1 h 41  – Réal. :  Martin Zandvliet – Int. :  Roland Møller, Louis Hoffmann, Joel Basman, Mikkel Følfgaard, Emile Belton, Oskar Belton – Dist./Contact :  Métropole.
Horaires : @  Cinéma BeaubienCineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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