19 juillet 2017
Un peu à l’instar de John Carter en 2012, cette superproduction de Luc Besson nous arrive beaucoup trop tard. Après tous les Star Wars (surtout les épisodes I, II et III), après tous les Star Trek (surtout le chapitre VI : The Undiscovered Country) et ses dérivés à la télé (surtout Deep Space Nine), après Avatar (et tous les films de James Cameron) et même si longtemps après son propre succès d’il y a vingt ans, The Fifth Element, ce Valerian ressemble à un gros catalogue comprenant des scènes déjà vues, une intrigue archi-connue et un dénouement ultra-prévisible (l’amour, toujours l’amour!), avec en plus un climax qui repose sur le sempiternel compte à rebours (s’arrêtant à 007 dans Goldfinger, à 001 dans Valerian).
Mais comme pour John Carter, cette fantaisie de l’espace sans substance impressionne sur le plan visuel et elle comporte son lot de plaisirs coupables. Avec un budget deux fois plus important que celui de Fifth Element, Besson a décuplé les effets visuels et il a réussi à créer un univers encore plus foisonnant de formes, de couleurs et de mouvements que le précédent. On plonge dans un immense sundae constitué de textures variées, plus virtuelles les unes que les autres, nous enveloppant dans une expérience immersive de jeu vidéo. La séquence dans le « Big Market » se révèle une incroyable expérience de double réalité, où deux univers coexistent en parallèle dans le même espace-temps (un peu comme dans la série Fringe) et dans lesquels les visiteurs peuvent interagir en mettant des lunettes de détection qui leur permettent d’acheter des items provenant de l’autre monde. Cette idée est brillante et très complexe visuellement, démontrant le talent extraordinaire de Luc Besson à manipuler le cadre, les mouvements de caméra et la mise en scène.
On retrouve aussi dans ce Valerian l’humour bon enfant et la désinvolte de Luc Besson. Il sait très bien qu’il ne réinvente pas la roue et il s’amuse avec les conventions du genre. Ainsi, la séquence d’ouverture s’organise autour de la célèbre chanson de David Bowie, Space Oditty, maintes fois entendue dans les films, mais si parfaitement adaptée et synchronisée au montage des événements qui s’enchaînent autour de l’évolution de la station spatiale internationale qu’on a l’impression que c’est la première fois qu’elle est aussi bien utilisée, surtout depuis que l’astronaute Chris Hadfield l’a justement chantée dans cette même station spatiale en 2012. Toute cette séquence est d’ailleurs très amusante, avec tous ces extraterrestres qui défilent pour serrer la main des humains, comme ces derniers le font depuis le premier arrimage Apollo-Soyouz le 17 juillet 1975. Si vous êtes attentifs, vous allez même reconnaître les visiteurs de Fifth Element. 800 ans plus tard, la station spatiale s’est transformée en une vaste cité intergalactique accueillant mille civilisations, un concept magnifique. Dommage que le reste du film ne soit pas à la hauteur de cette fascinante prémisse.
Inspiré de la bande dessinée Valérian et Laureline de Pierre Christin (texte) et Jean-Claude Mézières (dessins), le film inverse les rôles et il aurait dû s’intituler « Laureline et Valérian », car la jeune femme prend rapidement les devants dans cette exubérante aventure. Son interprète, Cara Delevingne, vient rejoindre la demi-douzaine d’héroïnes bessonniennes depuis Nikita. Elle nous hypnotise tellement avec son regard intense, sa désinvolture, sa grâce et son intelligence qu’elle nous fait pratiquement oublier son partenaire Dane DeHaan, qui ressemble à un jeune Leonardo Di Caprio et qui s’en tire tout de même bien dans ce rôle plus conventionnel. Mais oubliez Valérian, oubliez les Pearls (qui ressemblent aux Na’Vi d’Avatar), oubliez tous les autres extraterrestres (toujours aussi anthropomorphisés malgré leurs formes diverses), oubliez ce complot militaire dépassé, oubliez les couleurs et les effets visuels, oubliez surtout la musique tonitruante, car c’est Laureline le véritable plaisir coupable de ce gros trip d’acide.
Genre : Aventures / Science-fiction – Origine : France / États-Unis – Année : 2017 – Durée : 2 h 17 – Réal. : Luc Besson – Int. : Dane DeHaan, Cara Delevingne, Ethan Hawke, Clive Owen, Rihanna, John Goodman – Dist. : Les Films Séville.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
17 juillet 2017
Michael Wong (à gauche) ; moment de tournage (à droite)
Nous profitons de la tenue de Fantasia, pour parler du court métrage d’un jeune cinéaste chinois qui nous avait envoyé un lien de son premier court métrage il y a de cela quelques mois. Un film qui, bizarrement, dans un pays qui ne cesse de remettre en question et innove constamment les images en mouvement, rompt avec le cinéma de genre, fort abordé, mais demeure, par sa franchise, d’une haute tenue artistique et conceptuelle.
FILM COMPLET
(Nos remerciements au réalisateur)
Effectivement, The Story of 90 Coins évite farouchement le film de genre normalement attribué aux jeunes cinéastes chinois qui débutent, optant plutôt pour un romantisme inconditionnel proche d’un certain cinéma grand public raffiné et bien intentionné. Acte de bravoure qui, en effet, situe ce jeune réalisateur prometteur dans le rang d’une nouvelle génération de réalisateurs (et ils ne doivent pas être trop nombreux) qui méritent tout de même un certain respect puisqu’ils refusent, on l’observe nettement bien, et catégoriquement, de rejeter les modèles des anciens.
Sur ce point, Zhang Yimou (et pourquoi pas Jean Negulesco) ne sont pas très loin, sans doute dans ce qu’ils possèdent, notamment dans leurs premiers films, de resplendissant, de leurs rapports harmonieux aux personnages, de leurs petites nuances cachées qu’il nous faut deviner. Mais il y a déjà chez Wong une maîtrise qui consiste à souligner sa franchise, son savoir-faire technique, son rapport au plan, le côté ensoleillé des images et une structure d’ensemble nette.
Si The Story of 90 Coins est simple dans son schéma narratif, il n’en demeure pas moins que ce premier court métrage, premier film pour ainsi dire, se savoure grâce à sa prise de position intellectuelle, évitant le politique (ce choix, on le respecte) : ne pas succomber aux lois technologiques ridiges d’un présent trop pressant pour les jeunes cinéastes, assumer entièrement sa vision du cinéma, oser transgresser le cinéma d’auteur en le déconstruisant ; c’est-à-dire en le confrontant à ses propres fantasmes et codes établis. Car le film est avant tout un dialogue (parfois gentiment pervers) entre le cinéma grand public et celui d’auteur.
Une histoire romantique, et pourquoi pas ? Le récit d’une promesse. Oui, « promesse », mot tabou de nos jours, mais que Wong ose remettre aux goût du jour comme si pour reconstruire le monde, il aurait fallu revenir en arrière. Avec The Story of 90 Coins, titre on ne peut plus empreint de nostalgie et de mélancolie, nous sommes devant trois comédiens irréprochables : ils croient au projet, se lancent dans une sorte de mise en abyme entre la vraie vie, celle hors du film, de son cadre, et l’univers de la caméra. Comme chez les comédiens d’autres générations.
Impossible de voir la différence, et c’est là le petit tour magique que nous offre Michael Wong, un film-hommage réussi à un cinéma d’hier. Il faudra que dans ses prochains essais, il s’accorde à ce 21e siècle qui a, cinématographiquement parlant, énormément de choses à lui offrir. Il ne tient qu’à lui de faire des choix pour un premier long métrage, mais sans que son honnêteté, son humanité contagieuse et sa passion du cinéma n’en souffrent. Ce qui est vrai, c’est que tout en conservant son originalité, détourner astucieusement le concensus actuel du cinéma d’auteur est toujours possible.
Titre original : JIUSHI MEI YINGBI DE GUSHI – Origine : Chine – Année : 2015 – Durée : 9 min. 23 sec. – Scén. : Gao Xiaofei – Idée : Jackie Bai – Images : Jian Liwei – Mont. : Song Kaiyi – Son : An Wei – Mus. : An Wei – Int. : Jose Acosta (Andre), Han Dongjun (Wang Yuyan), Zhuang Zhiqi (Chen Wen) – Prod. : Liu Yunsong – Contact : E&T Films.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
13 juillet 2017
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