9 novembre 2017
Yorgos Lanthimos serait-il devenu le nouveau Theo Angelopoulos, tenant d’une filmographie universaliste plutôt que cantonnée en Grèce ? La réponse nous paraît positive, mais contrairement à l’auteur, entre autres, du Voyage des comédiens (O Thiassos), centrant ses récits et par défaut ses personnages dans une Grèce où mythe antique et histoire contemporaine inspiraient la communauté du monde, Lanthimos, lui, semble faire du volte-face, en tout cas, à en juger par ses deux récents films.
Depuis The Lobster (Le homard), Lanthimos s’est en quelque sorte exilé, comme si son pays n’avait plus rien à lui offrir, utilisant pour les rôles principaux des acteurs connus et non-grecs. Comme si pour s’assurer de continuer à faire du cinéma, il fallait aller ailleurs.
Cela étant dit, Lanthimos conserve son hellénisme intact si on voit bien de près. La Grèce des tragédies, des problèmes de famille quasi incestueux, de luttes intestinales, de joutes opposant divers groupes. Mais surtout, il s’agit ici de vengeance. D’une vengeance à deux visages et aux multiples personnages.
Les clins d’œil au Buñuel de L’Ange exterminateur (El ángel exterminador), au Pasolini de Teorema et en quelque sorte à l’ultime Kubrick, Eyes Wide Shut, relèvent d’une riche et puissante cinéphilie. Et ses intéressants Canines (Kynodontas) et Alpes (Alpeis) sans présentent sans crier gare dans quelques moments saisissants (à vous de les découvrir).
Suspense, drame psychologique, essai sur le plan et ses multiples variations, tout cela au même temps. Ce qui est vrai, c’est que Lanthimos n’est pas encore prêt à céder aux impératifs des pays autres que la Grèce quant au traitement de ses films. Mais pourra-t-il demeurer intègre pour longtemps ou finira-t-il par retourner en Grèce pour filmer ? Ou encore, se recycler ailleurs ?
Oui, nous aimons les vedettes adulées, mais n’est-il pas temp de promouvoir celle de son propre pays ? Dans ce sens, Yorgos Lanthimos, en quelque sorte, réagit bizarrement aux préceptes culturels de la mondialisation… et la Grèce est un petit pays, aujourd’hui politiquement, socialement et économique endetté.
À en juger par ses deux prochaines productions, et quelles que soient les conséquences, Yorgos Lanthimos a encore choisi de tourner loin de chez lui.
Genre : Suspense psychologique – Origine : Grande-Bretagne / Irlande – Année : 2017 – Durée : 2 h 01 – Réal. : Yorgos Lanthimos – Int. : Colin Farell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Raffey Cassidy, Sunny Suljik, Alicia Silverstone – Dist. : Entract Films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc – Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Todd Haynes déçoit rarement. Avec son dernier film, il montre une fois de plus sa capacité à raconter des histoires prenantes, dans un contexte d’époque convaincant. Avec Wonderstruck, il effectue un peu ce que Martin Scorsese avait fait avec Hugo, quelques années auparavant. Une œuvre en apparence plus légère, centrée sur l’enfance et une quête bien personnelle. À présent, le réalisateur fait s’entrecroiser deux histoires distinctes, l’une en 1927 et l’autre en 1977, à New York, alors que deux enfants sourds partent à la quête de leurs origines, armés de leur instinct et de leur ténacité à toute épreuve.
Cette adaptation du roman de Brian Selznick emploie constamment le montage parallèle, qui permet d’entrecroiser les deux histoires, que le spectateur devine intrinsèquement liées. Comme toujours, la direction artistique est impeccable chez Haynes. Son immersion en noir et blanc dans le New York des années 1920 est remarquable et les accents funk et colorés de l’été de 1977 le sont tout autant.
Son parcours archéologique permet de montrer diverses strates historiques de New York, notamment le Museum of Natural History – lieu de fascination et source d’émerveillement – qui occupe une place primordiale chez les deux protagonistes. La scène finale, devant le panorama de la ville, alors que celle-ci sombre dans un black-out total, s’avère impressionnante. Au final, cette histoire bien charmante en vérité se regarde avec toute la famille et met de l’avant des personnages touchants.
Genre : Drame – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 57 – Réal. : Todd Haynes – Int. : Oakes Fegley, Millicent Simmonds, Julianne Moore, Jaden Michael, Michelle Williams, Cory Michael Smith– Dist. : Entract Films.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Oui, tout à fait, elles sont abandonnées. Les hommes leur ont volé la parole. C’est pour cette raison, avant tout, que Antioche est un texte écrit au féminin, un cri du cœur et de l’âme exprimé à travers les vers de la poésie antique, l’exubérance de la jeunesse d’aujourd’hui et la maturité de l’âge adulte. Trois femmes, trois époques. Un mélange d’époques et de cultures. Des prénoms venus d’ailleurs : Inès, Jade et de très loin dans le temps, Antigone, qui, miraculeusement, par le biais d’une mise en scène, pour les circonstances, multiforme, transforme le temps et réinvente la notion d’intemporalité. Grâce aussi au texte libérateur de Sarah Berthiaume, octroyant au féminin une faculté d’articulation contagieuse.
Sarah Laurendeau (Antigone), à gauche; Sharon Ibgui (Inès, la mère), au centre, et Mounia Zazhzam (Jade, la fille d’Inès), à droite >> © Marie-Andrée Lemire
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