25 janvier 2018
RÉSUMÉ SUCCINCT
Trois héros et le célèbre cheval Yuliya vivent de nouvelles aventures.
Réalisation
Konstantin Feoktistov
Genre
Animation
Origine : Russie – Année : 2017 – Durée : 1 h 15 – Dist. : KinoFilm Corp.
Horaires & plus
@ Cineplex
Classement
Tout public
revuesequences.org
« La vie va et vient, à l’instar de la montée et du reflux de la marée ». Cette phrase, prise du programme de la soirée, confirme la spiritualité qui imprègne ce spectacle grandiose, inusité, une découverte, car il serait injuste de dire que nous sommes en plein dépaysement; au contraire, et à juste titre, si on saisit le bien-fondé de la chorégraphie dont nous sommes les témoins privilégiés, on reconnaît, à titre d’humain, que le cycle de la vie est un éternel recommencement, de la naissance à la mort. Un rendez-vous avec la grandeur de la nature, le rapport entre l’être et l’animal, entre le terrestre et l’aquacole, leurs correspondances, leurs agressions inévitables, leur limpidité.
Mais c’est aussi le rappel qui confirme que les sociétés occidentales doivent ultimement cesser de courir sans but. Sur ce point, Lin Lee-Chen donne aussi une leçon de comportement à son pays et à d’autres contrées du monde, réglés, aujourd’hui, selon une vision de l’Ouest, où la lenteur n’est pas une qualité, mais un défaut qui mine le progrès économique.
© Michel Cavalca
D’une pensée symétrique exemplaire, la chorégraphe, mythique dans son pays, soumet le corps des danseurs à un rapport avec les divers et multiples mouvements de la vie : générosité et agressivité, amour et turpitude, autonomie et collectivité… Ça relève également autant du théâtre que de l’opéra, amoureux, tragique, en symbiose avec les éléments de l’existence et les règles scéniques de la représentation.
Si en premier lieu nous ne reconnaissons pas la grammaire chorégraphique, nous restons attentifs à ce qui se passe autour de ce décor prestigieux et d’un raffinement exemplaire, respectueux, le temps de situer notre sens de la perspective dans un domaine inconnu et pourtant si proche de nous. Il suffit de bien comprendre l’individu et sa culture pour parvenir à une symbiose humaine; en filigrane, The Eternal Tides aborde subtilement la notion du vivre-ensemble, qui n’est pas simplement respecter l’autre, mais le comprendre, essayer de lire entre les lignes ce qui nous dérange en lui et réaliser que nous avons tort. Thème d’actualité au Québec dont nous avons hâte qu’il disparaisse. Sans doute, le jour où les individus apprendront à raconter leurs histoires et celles des autres.
Finalement, The Eternal Tides se conjugue au passé et par un tour inhabituel de prestidigitation, se transforme en une mise en abyme du présent. Comme la vie, subtile, élégante, agressive et en même temps d’une radieuse beauté.
LES MARÉES ÉTERNELLES
Chorégraphie : Lin Lee-Chen – conception visuelle : Lin Lee-Chen – lumières : Cheng Kuo-Yang – costumes : Wang Chia-Hui – chanteur : Hsu Ching-Chwen – batterie : Ho Yi-Ming, Hsiao Ying – danseurs : Corps de ballet du Legend Lin Dance Theatre – production : National Performing Arts Center / National Theater & Concert Hall, Taïwan (Chine) – diffusion : Dance Dance.
Durée
2 h (sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 27 janvier 2018
20 h – Place des Arts (Théâtre Maisonneuve)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
23 janvier 2018
Le théâtre expérimental a ceci de particulier qu’il soumet le spectateur à un rapport avec son intellect. Les notions du politique, social, individuel et collectif se retrouvent sur un même espace, le temps d’un dialogue entre les créateurs et le public, la plupart du temps, des complices d’une obsession sur la condition humaine.
Toujours est-il que l’artiste multidisciplinaire Hanna Abd El Nour utilise le mythe comme intervenant à une cause malheureusement malmenée par l’exil, l’ailleurs ; oui, un autre espace inconnu qu’il tente d’amadouer pour finalement retrouver un sens, même minime, de la dignité. Il est dommage que les paroles de Jerusalem in my Heart, étrangement mélancoliques, sortes de mélopées orientales n’étaient pas traduites en surtitres, contrairement aux disciplines comme l’opéra, ou dernièrement, quoique de façon limitée, dans le significatif Warda, au Prospero.
Il est entouré, ou plutôt devient acolyte-victime de Stefan Verna, autre déplacé, expatrié qui, certes, parle moins mais véhicule la pensée par le biais d’une course effrénée à travers un espace scénique en forme de désert. Mais un désert fait de sables mouvants que les quatre protagonistes de cette traversée sans doute biblique tentent d’éviter.
Oui, bien entendu, il y a cette icône de la danse et de la dramaturgie québécoise, Marc Béland, qui proche de la soixantaine, soumet son corps, encore jeune, à une dynamique de la représentation qui a à voir avec la notion d’obsession : passion pour le geste, amour du mouvement, relation incontournable avec la scène, mais surtout un regard jeté sur le spectateur qui oblige ce dernier à intervenir.
L’ensemble des comédiens © Joseph Elliott Israel Gorman
C’était mon cas, à la première rangée, à quelques pas de lui; je réponds par une expression complice du regard (sans doute, un réflexe dû à mes cours d’interprétation dans un passé lointain, caressé aussi par de très brèves paroles échangées avec lui lorsque nous habitions, je suppose, dans le même, comme on dit ici, « bloc appartement »). Pendant quelques secondes, j’ai eu la chair de poule, mais sensation vite ramenée sur terre par la participation des autres membres de l’équipe.
Les éclairages, faisant partie des personnages, se mettent à la disposition de cet acte de création que remet en question l’expérience théâtrale. Et puis une fin qui n’en est pas une… confirmant de façon à la fois émouvante, sensible et volontairement agressive que « tout change », tel que Arriola nous le rappelle constamment.
Mais une chose est claire : dans la politique actuelle en termes de culture, ce n’est pas une catégorie à part qu’il faut inventer pour ceux venus d’ailleurs; au contraire, ils doivent totalement s’intégrer à l’intérieur de la culture officielle. Les autres endroits du Canada le font; la France l’a toujours fait; les États-Unis (rien à dire à ce sujet; sur ce plan, c’est parfait); quant au Québec, seuls la danse et le théâtre ont courageusement entamé quelques pas. Il ne reste que le cinéma; parce que cette forme de représentation est plus populaire. C’est donc une question politique. Le défi est donc lancé.
En attendant, le geste créatif de Hanna Abd El Nour est d’une lucidité obsédante qui s’abandonne dans les méandres fragiles et incontournables de l’expérience humaine. Bouleversant, édifiant, essentiel.
Direction artistique : Hanna Abd El Nour – direction de production : Pierre-Yves Serinet – dramatugie et mise en scène : Hanna Abd El Nour – assistance à la mise en scène et régie : Camille Robillard – éclairages : Martin Sirois – costumes : Fruzsina Lanyi – graphisme et web : Hugo Nadeau –– chant, musique et conception sonore : Radwan Moumneh (Jerusalem in My Heart) – distribution : Sylvio Arriola, Marc Béland, Stefan Verna – production : Volte 21 – diffusion : La Chapelle Scènes Contemporaines.
Durée
1 h 20 (sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 3 février 2018
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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