18 mai 2017
Genre : Science-Fiction – Origine : États-Unis / Allemagne / Pays-Bas – Année : 2017 – Durée : 1 h 31 – Réal. : Tim Smit – Int. : Don Alphonso, Chloe-May Cuthill, Tygo Gernandt, Bérénice Marlohe, Mike Libanon, Dan Stevens Greg – Dist. : Mongrel Media.
Horaires
@ Dollar Cinema
Classement
NC
(Non classé – Exempté)
Albert Serra est un réalisateur de biopics hors du commun. Il ne s’intéresse pas à la vie de ses sujets, mais à leur mort. Opposé à l’approche hollywoodienne qui force de réels événements à se conformer à la structure classique, le réalisateur se base sur les témoignages des contemporains de Louis XIV pour construire le récit. Il porte une attention particulière à l’exactitude de ses scènes. Ainsi, les écrits et la recherche prennent presque toute la place de la scénarisation. Que reste-t-il alors? De la mise en scène, seulement. C’est celle-ci qui donnera, par les choix de la réalisation, le sens au récit. Serra arrive brillamment à rendre actuel ce témoignage authentique de la mort d’un grand.
Incontournable, l’immense Jean-Pierre Léaud littéralement couronné de ce Louis XIV malade et fragile livre une performance naturaliste. Même si ce type de jeu est, aujourd’hui, un réflexe au cinéma, ce choix est, ici, beaucoup plus porteur de sens. En fait, c’est par contrepoids que l’interprétation de Léaud devient intéressant, car tout le reste de sa cour utilise un jeu classique, c’est-à-dire technique, précis, protocolaire. Cette direction d’acteurs témoigne d’une profonde compréhension de l’esthétique du jeu. Léaud devient le personnage exclu, car la maladie lui empêche de maintenir l’étiquette qu’il a lui-même érigée. Cet empire de bonnes manières l’éloigne de la guérison. Il est impossible d’être droit devant la maladie et peut-être se rend-il compte au fond que toute cette monarchie n’est qu’un théâtre d’imposteurs. C’est comme si la maladie, cet événement traumatique, vient remettre en question tout ce que le roi a mis en place.
L’air grave, Louis XIV encourage son petit-fils héritier d’éviter les erreurs de son règne. Il somme l’enfant de fuir les batailles, de rester en paix avec ses voisins et de chérir son peuple. Cette grande remise en question réaffirme l’inévitable esprit critique provoqué par le traumatisme. Tout perd son sens, l’absurdité de la vie saute aux yeux et il est alors impossible de se débarrasser de cette vision. Serra met donc en scène les moments où les médecins se contredisent. Ils empêchent le roi de voir ses chiens, de manger des fruits; ils lui refusent la douleur à la jambe. Ils font appel à des diagnostics et des traitements improvisés. Autant, la parade ridicule de ces prétendus médecins est due à nos connaissances de la science, mais elle fait écho à l’esprit critique de Louis qui, sur son lit de mort, grandit et se nourrit de son malheur.
Le film n’est pas sans humour et ceci souligne toute l’absurdité de cette fin, car le rire est l’une des formes de critique des plus efficaces. C’est là où la mise en scène est géniale, car ce n’est pas le jeu ou même la scène en soi qui fait rire, mais bien la mise en scène. Par exemple, au moment de la mort du roi, Serra choisit de filmer longuement un serviteur en pleurs qui manifestement peine à faire couler les larmes. Encore, l’autopsie de l’Homme-État est une succession de procédures risibles où, par exemple, la raideur du rein est due à la grande sudation de son propriétaire… Les discours sont loin d’être plus sérieux. Lorsque les savants de la faculté de médecine interrogent le charlatan engagé dans une ultime tentation de sauver le monarque, ceux-ci ne font pas honneur à la raison des Lumières. Les arguments échangés sont d’un ridicule extraordinaire. Cet humour qui nous enseigne est digne de Molière, sans doute le plus illustre exemple de la critique par le rire.
Pourquoi raconter cette mort aujourd’hui ? Louis XIV a dit un jour : « L’État, c’est moi! » Lorsqu’on voit ce Moi-État malade, on ne peut que se ramener à notre époque où la politique reprend en absurdité. Pendant un long moment, Louis XIV nous regarde d’un air sévère et nous disant : « Avez-vous compris? ». Il faut bien retenir une chose de cette œuvre. C’est que l’expérience traumatique rend les parades sociales ridicules, remet en question la raison comme principe fondateur. C’est la maladie de l’État qui rend critique. Ce crépuscule d’une idole n’aura jamais été aussi essentiel, aujourd’hui.
Genre : Chronique historique – Origine : Espagne / France / Portugal – Année : 2016 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Albert Serra – Int. : Jean-Pierre Léaud, Patrick d’Assumçao, Marc Susini, Irène Silvagni, Bernard Belin, Jacques Henric – Dist. : Axia Films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
D’enfant de la balle jouant sur les fortifications des pourtours parisiens à vedette internationale de la photo, Robert Doisneau et son inégalable « gentillesse humaine », comme le dit l’auteur japonais Toshiyuki Horie, ne cesse de susciter l’admiration, comme en témoignent les documentaires déjà faits sur le sujet. Cependant, malgré ces précédentes productions, Robert Doisneau, le révolté du merveilleux, documentaire produit par la télévision réalisé à la première personne par Clémentine Deroudille, sa petite-fille, nous permet d’appréhender ce poète de l’image comme on l’a finalement assez peu vu.
Le film s’appuie sur quelques extraits vidéo, trop peu hélas, mais surtout sur les nombreuses archives photographiques minutieusement ordonnées. Au-delà du cliché et de sa surface bien lisse, on découvre alors ce qui rendait unique le regard de l’artiste. Car en regardant de plus près ce qui pourrait être pris pour de la captation anecdotique d’un instant joliment kitsch, on décèle une réflexion aussi universelle qu’intemporelle sur son temps et son environnement.
Comme personne n’avait jamais osé le faire auparavant, Doisneau s’est intéressé aux petites gens, aux ouvriers, en gros à tous ceux qui sont habituellement très loin des feux de la rampe. Il a passé sa vie à les montrer dans leur quotidien, à leur redonner une existence tout en faisant ressortir le beau au milieu de la laideur, ou comme il le disait si simplement à « magnifier les décors usés du quotidien ». Voir Robert Doisneau, le révolté du merveilleux c’est donc replonger avec le regard de ce grand humaniste dans 50 ans d’histoire de notre monde. Et ce n’est pas rien.
Autre texte
du même rédacteur
Séquences
Nº 309 (Juillet-Août 2017)
En kiosque : Juillet 2017
Genre : Documentaire – Origine : France – Année : 2016 – Durée : 1 h 17 – Réal. : Clémentine Deroudille – Dist. : FunFilm.
Horaires
@ Cinéma Beaubien
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Avec Edge of Tomorrow / Un jour sans lendemain (2014), Doug Liman continuait sa démarche de cinéaste solide, rigoureux, ne succombant pas aux temps morts, faisant de sa mise en scène un véritable combat entre les protagonistes et le concept de temps. Cette temporalité est d’autant plus importante dans The Wall, ce mur qui sépare les deux forces qui s’opposent dans le terrain miné du conflit irakien en 2007. La durée du film établit les enjeux.
La virilité du soldat américain est vite remplacée par un sentiment de peur, de refus de la mort, montrant jusqu’à quel point l’homme, en opposition à la femme, s’est construit socialement des codes de conduite tout à fait artificiels en se basant sur la force. Dès que les dangers se présentent, la nature suit son cours pour laisser l’humain devant un fait accompli. Et les deux ennemis, par voix d’un dialogue par radio, soulèvent la question des différences de cultures.
L’Irakien, sensible à sa propre condition, et se basant sur l’étranger venu d’ailleurs, confirme sa force par la voie de la raison. Le G.I., se croyant vaincu, tente par tous les moyens de gagner cette lutte des mots qui, qu’on le veuille ou pas, finira par la mort de l’un ou de l’autre.
Film subtil dans sa démarche, grave par ses images, intelligent par le propos et par son écriture, du scénariste Dwain Worrel, dont c’est ici son deuxième scénario en solo après Walking the Dead (2010). Le sable et la chaleur sont ici des ennemis incontrôlables, des éléments narratifs bien choisis pour montrer l’irréconciliable rapport entre l’être et la nature, entre la vie et le néant. Mais aussi entre le plan et sa morale, précepte selon lequel le cinéma est un arsenal intellectuel de tous les possibles.
Les lois de la nature s’imposent. Ce mur qui sépare la victime de son indicible assaillant, n’est en quelque sorte que la métaphore de ces sables mouvants de l’existence.
Genre : Drame de guerre – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Doug Liman – Int. : Aaron Taylor-Johnson, John Cena, Spencer Thomas, Laith Nakli – Dist. : Entract Films.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence / Langage vulgaire)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Comédie – Origine : Chine – Année : 2017 – Durée : 1 h 43 – Réal. : Lei Huang – Int. : Lei Huang, Hai-Qing, Wang Xun, Lee Lichun, Li Sun – Dist. : NA (non attribué).
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
11 mai 2017
2025 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.