1er juin 2017
Fort apprécié lors de sa présentation à Cannes en 2016, le film de Paolo Virzi arrive finalement sur nos écrans au retour des beaux jours, ce qui est de circonstance puisqu’il se déroule dans la chaude Toscane en plein été. Béatrice (Valérie Bruni-Tedeschi) est une mythomane bavarde et excessive issue de la haute bourgeoisie qui reçoit des soins à la Villa Biondi, une clinique psychiatrique pour femmes. S’y amène Donatella (Micaela Ramazzotti), une jeune femme maigre, couverte de tatouage et sujette à une grave dépression. Malgré leurs différences, l’une et l’autre se lient d’amitié et en profiteront pour se faire la malle et vivre un road-movie hors du commun.
Paolo Virzi définit modestement son film comme « une promenade à l’extérieur d’une structure clinique qui s’occupe de femmes avec des problèmes, dans cet hôpital psychiatrique à ciel ouvert qu’est l’Italie ». Il y a beaucoup de Thelma et Louise (1991) mais aussi quelque chose de La vie est belle (1997) dans ce film échevelé et terriblement touchant, porté par un scénario travaillé au laser ainsi que par un couple d’actrices virtuoses. On ne peut s’empêcher d’aimer ces deux femmes victimes de leurs troubles intérieurs mais aussi d’un monde masculin qui les exploite, même s’il demeure nuancé dans ses brefs portraits masculins. Paolo Virzi a l’intelligence de montrer ses personnages féminins sous leurs versants les plus à pic, pour ensuite nous mener vers des plaines plus tendres, nous permettant ainsi d’embraser la souffrance qui les unit. ‘Je suis née triste’ dit Donatella dans une magnifique scène où elle révèle son passé. ‘Moi aussi’, lui répond Béatrice.
Avec ce film, Paolo Virzi poursuit sa critique de la société italienne, qui nous avait donné il y a trois ans le très beau Capital humain (2014) également interprété par Valérie Bruni-Tedeschi. Cette fois encore, la confrontation entre les classes sociales permet des changements de perspectives originaux. Bruni-Tedeschi confirme avec ce rôle sa merveilleuse capacité à montrer les failles de la haute bourgeoise italienne, qu’elle connaît d’ailleurs fort bien, étant elle-même issue d’une richissime famille (l’un des canaux de Venise, non loin de la place Saint-Marc, porte d’ailleurs le nom des Tedeschi). Son personnage débalancée, toujours à la limite de l’hystérie, s’oppose joyeusement à celui, introverti et fragile, joué par une Micaela Ramazotti sublime de vérité dans sa souffrance muette.
Une belle œuvre, en somme, burlesque et intime, sur l’amitié et l’insoutenable fragilité des êtres. Comme un Modigliani filmé.
Genre : Drame – Origine : Italie / France – Année : 2015 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Pablo Virzi – Int. : Valeria Bruni Tedeschi, Micaela Ramazzotti, Bob Messini, Sergio Albelli, Tommaso Ragno, Valentina Carnelutti – Dist. : Axia Films.
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Un homme est au volant d’une voiture de location. Une agente de la SQ enceinte sort d’une voiture de patrouille. Deux hommes discutent dans une camionnette. Une femme sort d’un camion dix-huit roues. Ce sont de telles images qui comblent la majeure partie du dernier film du réalisateur helvetico-italien Fulvio Bernasconi : on monte à bord de véhicules, on les habite le temps d’une discussion ou d’une rumination, puis on s’en dégage. Les voitures ici servent de confessionnal, de salle d’interrogation, d’isoloir, voire de lit. Elles servent à tout sauf générer des images prenantes.
Entre ces scènes de voiture trop nombreuses, quelques haltes routières dans des lieux qui contiennent tout le potentiel d’un polar sordide ou d’un western moderne : les néons d’un motel reflétés dans une flaque d’eau, les banquettes d’un greasy spoon de camionneurs et les sombres forêts mystérieuses, mines à ciel ouvert et longues routes anonymes de l’Abitibi-Témiscamingue. Mais ces images ont, pour la plupart, la fonction d’établir la situation et sont immédiatement délaissées au profit de séries insipides de champ/contrechamp en plans rapprochés. Il n’y a pas d’effort pour véritablement investir ces espaces, les faire parler, ou même d’y planter des actions concrètes de personnages. Sans parler que ces rares actions significatives carburent aux blessures psychologiques des personnages qui ne se révèlent à nous que peu à peu, et ce, toujours par la parole au lieu des gestes.
Pourtant, les visées de Miséricorde se valent d’être saluées : ce sont de toute évidence de grands thèmes qu’il sonde — la justice, la culpabilité, le pardon — et ce sont d’encore plus grands paysages qui l’inspirent, soit ceux du Nord québécois et de la réserve anishnabe du Lac Simon. Mais à voir le résultat final, c’est à croire que ses créateurs ne savaient pas comment meubler le deuxième acte de leur récit : le départ et l’arrivée du voyage sont clairs, quoique convenus, mais le chemin qui les relie révèle de sérieuses lacunes.
Mais même si on peut pardonner ses nombreux défauts techniques (le montage, le mix sonore et la colorisation sont tous particulièrement pauvres), le récit de Miséricorde recèle une insinuation dommageable, un sous-entendu sournois, qu’on ne peut ignorer. Il s’agit de sa façon d’évoquer que le rétablissement des bonnes relations entre peuples autochtones et blancs dépendrait d’excuses sincères de la part des offenseurs blancs. C’est dans cette équivalence sous-entendue entre violence objective (les inégalités systémiques et historiques perpétrées envers les premières nations) et violence subjective (les actions (in)volontaires des protagonistes) que se révèle le fantasme pervers des créateurs du film. Aussi sincères soient-elles, les excuses ne suffisent pas toujours.
Genre : Drame – Origine : Suisse / Canada – Année : 2016 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Fulvio Bernasconi – Int. : Jonathan Zaccaï, Evelyne Brochu, Marthe Keller, Marco Collin, Marie-Hélène Bélanger, Charlie Acouette – Dist. : Filmoption International.
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Dans le très fort Hearts of Darkness: A Filmmaker’s Apocalypse (1991), Eleanor Ford Coppola avait collaboré à la réalisation de Fax Bahr et de George Hickenlooper en s’assurant du montage documentaire. Le résultat paraissait tout de même prometteur dans sa façon de choisir les moments les graves et représentatifs de ce film épique.
Avec Paris Can Wait, première long métrage de fiction qu’elle se permet, à l’âge vénérable de 81 ans, de mettre en (plusieurs) images ; elle illustre un monde presque révolu, peuplé de gens vivant dans une soi-disant indifférence à ce qui se passe autour d’eux et dans le monde. Ça débute à Cannes, lieu où, annuellement, pendant quelques jours importants du mois de mai, une faune cinématographique s’éclatent autour des regards avisés que le réalisateurs du monde entier ont sur la vie sur terre. Stratégiquement, Ford Coppola choisit le dernier jour du festival (qu’on constatera par le vide des lieux) pour mettre en scène des personnages du monde des producteurs puissants (Michael, l’un d’eux , est Américain) qui n’arrêtent pas pour continuer à brasser des affaires. Son prochain tournage doit être effectué au Maroc. Mais la question n’est pas là.
Le détour consiste à placer sa femme Anne (Diane Lane, tout de même attachante) à Jacques (très bon Arnaud Viard), séducteur d’un autre temps, d’un autre monde, et que la belle Anne ne semble pas réaliser. À moins qu’elle joue le même jeu que lui. Pour que cette carte du tendre au mi-temps de l’âge fonctionne, la réalisatrice nous offre un voyage touristique à travers le Midi de la France ; et comme dans tout film se passant dans l’Exagone qui se respecte, il est question de bouffe, bien entendu. Pardon, de gastronomie, puisque les plats, les entrées et les désserts qu’on livre en pâture à nos yeux sont à eux-mêmes des personnages du film.
Séduire par un geste du visage, par des faux-mouvements attachants, par une incursion dans une église majestueuse qui éveille en Anne des souvenirs tristes et douloureux. Le moment le plus vrai du film. Et le voyage continue jusqu’à l’arrivée à Paris.
Une ville calme, magique, bien française, sans l’âme d’un étranger illégal, le Paris des baguettes et des croissants et des petits pains au chocolat (ici, on djit « chocolatines »). Le Paris que plusieurs craignent car tout simplement, on n’en a pas pour son argent. Toutefois un Paris qu’on aime aussi et qu’on a toujours aimé. Les paysages (nombreux), les lieux (magiques) et les restaurants (le plus souvent presque vides) sont toutefois assez d’ingrédients pour nous consoler. Une France vue par l’œil superficiel et fatigué de la caméra.
Genre : Comédie dramatique – Origine : États-Unis – Année : 2015 – Durée : 1 h 32 – Réal. : Eleano Coppola – Int. : Diane Lane, Arnaud Viard, Alex Baldwin – Dist. : Métropole Films.
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Genre : Drame – Origine : Australie / Vanuatu – Année : 2015 – Durée : 1 h 44 – Réal. : Martin Butler, Bentley Dean – Int. : Kapan Cook, Mungau Dain, Charlie Kahla, Lingai Kowia, Dawda Mungau, Albi Nagia– Dist. : MK2 | Mile End.
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Dans le monde des films de super-héros, le véritable affrontement se déroule loin des écrans entre les deux compagnies rivales et leurs propriétaires hollywoodiens : Marvel (Disney Studios) et DC Comics (Warner Bros.). Chacune a créé son propre univers et son lot de films, essayant à chaque nouvelle production de dépasser l’autre au box-office et en envergure. Les personnages de Marvel semblent à prime abord plus cohérents car ils proviennent de la science-fiction (Captain America, Iron Man, Spider-Man, Hulk) sauf le mystique Docteur Strange et Thor, le dieu d’Asgar de la mythologie nordique, les films ayant malgré tout justifié ce dernier en le transformant en extraterrrestre. Du côté de DC, l’équivalent de Thor est Diana, la princesse amazonienne, fille de Zeus et de Hippolyta, la reine des Amazones, élevée sur l’île Themyscira, qui s’inscrit dans la mythologie grecque. Telle que présentée dans Wonder Woman, ses origines surannées se révèlent beaucoup plus difficiles à avaler que celles de Thor ou même de Superman.
La réalisatrice Patty Jenkins et son scénariste Alan Heinberg (surveillés de près par Zack Snyder) font tout leur possible pour rendre crédible l’île mythique, cachée et protégée par Zeus, où résident les Amazones, mais l’on ne peut pas échapper à l’impression de se retrouver dans Clash of the Titans (choisissez votre version) ou dans Immortals de Tarsem Singh. Bien que ces quinze premières minutes soient enlevantes et même vivifiantes grâce à la présence de Robin Wright en convaincante maîtresse d’arme et de Connie Nielsen en reine autoritaire, dès que l’avion de l’espion américain Steve Trevor (Chris Pine) traverse la bulle de l’île, suivi d’un navire allemand, on se dit qu’elle est bien moins protégée que Skull Island ! Dès ce moment, toute logique prend le bord. Puisqu’elles n’ont jamais vu un seul homme depuis des lustres, pourquoi les Amazones parlent-elles toutes les langues humaines ? Pourquoi ne parlent-elles pas le grec entre elles ? Pourquoi la reine refuse-t-elle que Diana s’entraîne si elle est destinée à affronter Arès, le dieu de la Guerre? Pourquoi Diana ne peut reconnaître la forme humaine qu’a prise Arès alors que tout spectateur attentif le devinera immédiatement ? Et pourquoi 1918 ? Pourquoi Arès choisit-il la Première Guerre mondiale et non la Deuxième pour sévir comme dans les premières bandes dessinées de Wonder Woman créées par William Moulton Marston en 1941 ?
Sans doute qu’une des raisons qui a poussé les auteurs du film vers la Première Guerre est d’éviter la comparaison avec Captain America : The First Avenger qui se déroule durant la Deuxième Guerre et qui sert aussi d’introduction au personnage. Mais cette comparaison est inévitable, surtout que Diana et Steve recrutent aussi des compagnons d’arme particuliers, que leur première victoire est célébrée par la prise d’une photo, que Diana utilise un bouclier au combat et que la finale implique un avion gigantesque qui s’écrase tragiquement. Il est clair en plus que Wonder Woman est la version féminine de Superman : son alter-ego Diana Prince fait penser à Clark Kent (elle aussi porte des lunettes pour cacher son identité), sa relation avec Steve Trevor rappelle celle de Superman avec Lois Lane et il y a même une scène où Diana intercepte une balle dans une ruelle. L’affrontement final nous offre une énième cavalcade d’effets numériques avec l’équivalent du Général Zod dans The Man of Steel, encore une autre scène de destruction massive. Et n’oublions pas la tonitruante musique qui noie tout le film sans répit. Combien de scènes seraient bien meilleures et plus fortes s’il n’y avait pas cette abominable orchestration tumultueuse !
Tout cela serait bien lassant s’il n’y avait pas la magnifique Gal Gadot dans le rôle principal. Elle parvient à insuffler une sincérité, une intensité et une fougue à un personnage qui menace à tout moment de devenir risible. Merveilleusement douée, l’actrice israélienne semble y croire encore plus que les acteurs qui l’entourent et sa détermination naïve emporte l’adhésion, surtout lorsque Diana prend l’initiative devant des hommes médusés par ses actions, dans un monde où les femmes n’ont pas le droit de se mêler aux affaires des hommes. Sa maîtrise des langues lui donne en plus un avantage certain sur ces hommes. Une féroce intelligence transperce son regard envoûtant, alors que sa beauté physique n’est pas utilisée comme un objet de désir mais comme un atout supplémentaire pour commander les hommes autour d’elle. Malgré tout son talent, elle ne peut à elle seule résoudre le syndrome Superman qui soutend une telle héroïne et que le scénario ne parvient pas à résoudre de façon satisfaisante : puisqu’elle est si puissante, invulnérable et immortelle, pourquoi demeure-t-elle dans le monde des humains ? L’amour universel ne semble pas une raison suffisante.
Genre : Aventures fantastiques – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 2 h 21 – Réal. : Patty Jenkins – Int. : Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright, Connie Nielsen, Elena Anaya, Danny Huston – Dist. : Warner Bros. Canada
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