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Films à voir, ou pas, au 27e Festival Cinémania

1er novembre 2021

2-14 novembre en salle > 2-21 novembre en ligne

Daniel Racine

Festival dédié aux films francophones depuis plus de 25 ans, né avant son alter ego français d’Angoulême, Cinémania prouve année après année sa pertinence et son importance dans notre écosystème cinématographique montréalais. Nous sommes loin de l’époque où le cinéma français occupait une place de choix sur nos écrans, c’est pourquoi la cuvée annuelle de Cinémania permet de combler l’absence ou la présence furtive d’œuvres fortes aux signatures identifiables par les cinéphiles, en plus de films grand public qui n’auront jamais la chance d’être distribués sur notre territoire.

Voici donc un survol de quelques films qui seront disponibles en ligne et/ou en salle dans les prochaines semaines du mois de novembre durant Cinémania.

5ème set de Quentin Reynaud
À voir en ligne seulement (pendant 48 heures)

Il y a toujours un danger à mettre en scène une réalité fictive ancrée dans le monde du sport. Un peu comme les univers de la musique ou de la danse, la difficulté réside dans la crédibilité de la performance physique de l’acteur ou de l’actrice : allons-nous y croire! Pour un premier long métrage réalisé en solo, le cinéaste Quentin Reynaud s’en tire plutôt bien, grâce aux impressionnantes prouesses d’Alex Lutz (que nous avions découvert dans Guy en 2017, rôle pour lequel il a reçu un César). L’acteur a su devenir un joueur vieillissant d’un bon niveau, malgré que Lutz n’eût jamais touché à une raquette de sa vie avant le tournage. Bien que ces scènes réussissent à être parfois déchirantes, entre les souffrances du corps qui s’accrochent et le questionnement intérieur du personnage, 5ème set s’étire inutilement.

Cette musique ne joue pour personne de Samuel Benchetrit
À voir en ligne et en salle

Aucune étiquette ne colle au cinéaste Samuel Benchetrit. Après, entre autres, Janis et John, J’aurai voulu être un gangster et son précédent intitulé simplement Chien, celui qui est aussi auteur et dramaturge semble enfin trouver dans Cette musique ne joue pour personne l’équilibre idéal entre son humour décalé et une certaine humanité. Quel bonheur de voir JoeyStarr complice avec Bouli Lanners, le monolithe Gustave Kervern prendre vie aux côtés de la touchante Vanessa Paradis, et le duo Ramzy Bedia et François Damiens s’improviser poètes. Même si cette histoire de petits parias piétine un peu, de nombreuses séquences sont d’une redoutables efficacités, laissant place à des rires francs et un sentiment de perdre des connaissances sympathiques avec lesquels nous aurions poursuivies encore plusieurs minutes, ou quelques épisodes de plus.

France de Bruno Dumont
À voir en salle seulement

Léa Seydoux est partout cet automne : elle revient aux côtés de James Bond, elle est la muse de Benicio del Toro dans le nouveau Wes Anderson, et la voilà reine des ondes chez Bruno Dumont. L’ancien professeur de philosophie nous propose un regard cinglant sur le milieu des vedettes de l’information, et il a compris que Seydoux avait exactement ce qu’il cherchait pour ne pas tomber dans la facilité, soit l’aura d’une star et la fragilité d’une femme incomprise. Usant du malaise comme seul lui sait le faire, Bruno Dumont fait de France un puissant plaidoyer contre l’hypocrisie des médias de masse. France est une farce nécessaire à notre époque surmédiatisée et Bruno Dumont demeure le plus fascinant des réalisateurs français de notre époque.

L’événement d’Audrey Diwan
À voir en ligne et en salle

Lion d’Or amplement mérité à la dernière Mostra de Venise, L’événement d’Audrey Diwan fait écho au film Never Rarely Sometimes Always de l’américaine Eliza Hittman sorti l’an passé. Difficile d’admettre qu’il y a presque soixante ans d’écart entre ces deux époques fictives proches du réel, même si le premier se situe en France et le second aux États-Unis. Cela montre à quel point les femmes ne peuvent rien tenir pour acquis. Fortement influencé par la méthode des frères Dardenne, Audrey Diwan ne quitte jamais sa protagoniste et comme spectateur nous sommes carrément agrippés à la peau de la comédienne Anamaria Vartolomei, qui n’est rien de moins que formidable. Un film coup de poing avec certaines scènes quasi insoutenables, mais que tout le monde devrait voir pour bien comprendre les nombreux enjeux entourant l’avortement.

La fracture de Catherine Corsini
À voir en salle seulement

Définitivement le film le plus politique de la carrière de Catherine Corsini, La fracture raconte une nuit mouvementée (c’est un euphémisme) dans un hôpital parisien, un soir de manifestation des gilets jaunes. Si la cinéaste s’en tire bien dans son propos général, la surenchère des drames finit par nous faire décrocher. Toutefois, impossible de rester de glace devant l’intensité du jeu de Valéria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmaï et Aissatou Diallo Sagna, tous au sommet de leur art, passant avec aisance entre les différentes émotions que leurs personnages traverseront. Et pour qu’une réalisatrice habituée aux histoires d’amour prenne de front un sujet aussi brûlant, c’est qu’il y a réellement péril en la demeure.

La terre des hommes de Naël Marandin
À voir en ligne seulement (pendant 48 heures)

Retenez le nom de Diane Rouxel. Dans La terre des hommes, cette jeune actrice aux épaules fragiles montre avec force et nuance tous les sentiments qu’une femme peut traverser dans un monde dominé par les hommes. Le tour de force de Diane Rouxel, c’est de ne jamais tomber uniquement dans le rôle de la victime. Aidé du doigté du réalisateur Naël Marandin, le personnage porte bien le nom de Constance, car jamais la flamme en elle ne s’éteindra, peu importe les obstacles qu’elle devra affronter. Après l’excellent Petit paysan d’Hubert Charuel, voici un autre drame en milieu agricole qui nous prend à la gorge et durant lequel le spectateur ne craindra pas de se salir les yeux, à défaut des mains.

Médecin de nuit d’Elie Wajeman
À voir en ligne et en salle

Après Alyah et Les anarchistes, Elie Wajeman nous offre avec Médecin de nuit son film le plus maîtrisé, à la fois noir et plein de bonnes intentions. Une lente descente aux enfers, portée par un Vincent Macaigne magnétique qui tente par tous les moyens de ralentir sa chute. En voulant aider un peu trop les toxicomanes qu’il côtoie dans son travail, cet homme déchiré arrivera à l’heure des choix. Wajeman se la joue Scorsese, gardant bien en mains tous les aspects de son drame à la première personne. Une sombre pépite qui nous habite longtemps après le générique de fin.

Suprêmes d’Audrey Estrougo
À voir en salle seulement

JoeyStarr et Kool Shen, les deux porte-étendards du groupe rap français NTM, ont désormais leur film biographique. La réalisatrice Audrey Estrougo revient aux balbutiements de ce duo issu de la Seine-St-Denis, en suivant les codes du genre à la lettre, peut-être un peu trop. Mais les jeunes Théo Christine et Sandor Funtek sont tellement sincères et dynamiques dans leur performance, que nous nous laissons transporter par leur musique et nous suivons avec intérêt leur ascension jusqu’à leur premier concert au Zénith. Malgré le manque d’originalité, la formule est efficace et pourra satisfaire les fans comme les curieux.

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