En couverture

Séquences à la Berlinale 2020

1er mars 2020

Jour 9 – Il y a du Arendt dans l’air

Anne-Christine Loranger

Undine de Christian Petzold

En ce jour 9 de la Berlinale, on oursine sérieusement. Les films préférés semblent tourner autour d’Undine de Christian Petzold, déjà honoré du prix de la presse cinématographique (FIPRESCI),  Schwesterlein de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, Never Rarely Sometimes Always d’Éliza Hitman et The Roads Not Taken de Sally Potter. Berlin Alexanderplatz de Burhan Qurbani récolte pas mal de voix et Rizi (Days) de Tsai Ming-liang a ses fans. 

En ce jour où on aurait aimé de jolis films faciles à appréhender, genre Pinocchio, l’horaire de la Compétition affichait Irradiés de Rithy Panh, un collage sur des images d’archives des guerres du XXe siècle, dont l’horreur n’a d’égale que la poésie. Effectuant des allers-retours entre la ferveur engendrée par les dictateurs et les conséquences horrifiques de leurs conflits, le cinéaste d’origine cambodgienne fait un montage d’une violence brutale sur ce que les guerres peuvent produire de pire. Le cinéaste ne nous ménage pas, même s’il mêle aux moments les plus difficiles des images d’une exquise délicatesse. Bref, 88 minutes éprouvantes mais sans doute nécessaires en cette époque où les dictateurs ont de nouveau la faveur.

L’Iranien Mohammad Rasoulof nous a en Compétition donné un goût des essais de la philosophe allemande Hannah Arendt sur la banalité du mal avec Sheytan Vojud Nadarad (Il n’y a pas de mal), une juxtaposition de quatre court-métrages sur les exécutants de la peine capitale en Iran. Quatre essais qui se répondent les uns les autres et permettent une discussion sur le degré de responsabilité des gens qui exécutent les prisonniers emprisonnés par un régime de plus en plus dictatorial. La soumission à l’autorité y est ici le thème central. Ce même thème est exploité dans la perspective opposée avec Police de la Française Anne Fontaine présenté dans la section Berlinale Special.  Trois officiers de la police parisienne (Omar Sy, Virginie Efira et Grégory Gadebois) qui doivent conduire un immigrant illégal à l’aéroport pour son extradition vers le Tadjikistan, apprennent que cela signifie pour lui un arrêt de mort. Si un parfum d’Arendt flottait également sur ce film, on pense également à I comme Icare (1979) de Henri Verneuil avec le regretté Yves Montand. Le film reproduisait l’expérience du psychologue Stanley Milgram en 1963, laquelle évaluait le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime. Pourquoi et comment des policiers dressés à obéir prendront-ils en effet la décision de sauver un pauvre type qui ne leur est rien et qui ne parle même pas leur langue? C’est subtil, bien fait au niveau cinématographique et merveilleusement joué par Sy, Sefira et Gadebois. Sy surtout, qui interprète un personnage au départ d’un machisme assez primaire, le laisse lentement découvrir comme un homme capable d’une grande profondeur.

Bonheur du jour

Le sourire et l’intelligence d’Omar Sy en conférence de presse.

Lendemain de veille

Retrouver aux nouvelles la même ferveur aveugle dans les rallyes de Donald Trump que dans ceux du film de Rithy Panh. Cela fait froid dans le dos. Bouge-toi, Bernie!

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