En salle

Red Joan

9 mai 2019

| PRIMEUR |
Semaine 19
Du 10 au 16 mai 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
La vie de Joan Stanley, qui détient le record d’années de service en tant qu’espionne du KGB.

< CRITIQUE >
Anne-Christine Loranger

★★ ½

LE BEIGE EST LE NOUVEAU ROUGE

Le monde du cinéma a récemment commencé à utiliser ses actrices du troisième âge. La France avec Catherine Deneuve et Charlotte Rampling, les États-Unis avec Meryl Streep et Jane Fonda et la Grande-Bretagne avec les Dames Helen Mirren et Judi Dench. À 84 ans, Judi Dench est la senior de ce groupe sélect d’actrices au sommet de leur art.1 Dans Red Joan, elle interprète un rôle qui semblerait taillé pour son talent, celui de Joan Stanley, une britannique employée dans un centre de recherche qui fournira pendant des décennies l’Union soviétique en secrets militaires sur la fabrication d’une bombe atomique. Alors qu’elle est interrogée par les services secrets britanniques, l’octogénaire revit ses années de jeunesse et son amour avec Leo (Tom Hughes), le jeune communiste qui l’entraînera à trahir son pays.

Le film s’inspire du roman éponyme de Jenny Ronney, lui-même puisant ses sources dans la vie de l’espionne anglaise Melita Norwood. Les spectateurs patients trouveront un dilemme intrigant au centre de cette histoire d’espionnage arrachée à l’actualité. S’il est assez facile de condamner Joan au premier abord, plus on en apprend sur elle, plus elle devient sympathique. Profondément attachée à une souche idéaliste du communisme, elle ne cherche qu’à uniformiser la balance du pouvoir des deux côtés du Rideau de Fer. « Si tout le monde sait comment fabriquer une bombe », raisonne-t-elle, « tout le monde aura trop peur des représailles pour en faire exploser une. »

Du coup, les scènes de conversation remplacent souvent les moments où pourraient retentir des explosions. Au lieu de meurtres, on assistera à des trahisons. Et au lieu de réponses faciles, il y aura des interrogations complexes et nuancées, ce qui constituera un délice pour certains spectateurs.

Jouant le rôle d’une femme dont la politique enflammée s’est refroidie après plusieurs décennies d’une vie ordinaire, Dame Dench, comme toujours, est magnétisante à l’écran. Mais elle est sous-utilisée, ses scènes se déroulant majoritairement dans des salles d’interrogatoire ternes ou autour de sa maison de banlieue. Pendant ce temps, Sophie Cookson, qui interprète la jeune Joan vêtue de superbes costumes d’époque, tient la plus grande partie de l’action : elle brandit des pancartes lors de rassemblements politiques, apprend à échapper aux autres espions grâce à des ruses utilisant habilement la mentalité des hommes de l’époque (une boîte de serviettes sanitaires constituera son instrument d’espionnage de choix), et a des relations passionnées avec des hommes convaincus du bien-fondé humaniste de leurs attachements politiques.

Le choix chromatique et le traitement visuel (surtout en ce qui a trait aux détails de guerre) ressemblent fortement à The Imitation Game, cependant dépourvu de la sauce homosexuelle qui rendait ce dernier film si merveilleusement troublant. On peut cependant admirer Trevor Nunn d’avoir réalisé un film d’espionnage dépourvu de poursuites ou de fusillades. Du coup, les scènes de conversation remplacent souvent les moments où pourraient retentir des explosions. Au lieu de meurtres, on assistera à des trahisons. Et au lieu de réponses faciles, il y aura des interrogations complexes et nuancées, ce qui constituera un délice pour certains spectateurs.

1 Allez voir Deneuve dans La dernière folie de Claire Darling de Julie Bertuccelli si avez (encore) besoin d’être convaincu.

FICHE TECHNIQUE
Sortie
Vendredi 10 mai 2019

Réal.
Trevor Nunn

Origine(s)
Grande-Bretagne

Année : 2018 – Durée : 1 h 41

Langue(s)
V.o. : anglais

Red Joan

Genre(s)
Drame d’espionnage

Dist. @
Métropole Films

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cineplex

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.  Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

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