En salle

La Quietud

25 avril 2019

Semaine 17
Du 26 avril au 2 mai 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
Après de longues années d’absence et à la suite de l’AVC de son père, Eugenia retourne à La Quietud, le domaine familial situé près de Buenos Aires, où elle retrouve sa mère et sa soeur. Les trois femmes doivent faire face aux traumatismes émotionnels laissés par les sombres secrets de leur passé, enfouis depuis la fin de la dictature militaire.

PRIMEURS
critique |
ÉLIE CASTIEL

★★★ ½

LES SŒURS INDIGNES

Devrions-nous demeurer coincés avec le magnifique premier long métrage de Pablo Trapero, Mundo grúa (1998), un film jeune, innovateur, replaçant le cinéma latino-américain parmi les plus ambitieux du monde et donnant au cinéma argentin un souffle nouveau qui n’a cessé de croître.

Cette fois-ci, une histoire dans la haute bourgeoisie de la finance où les différentes générations, les parents, les deux sœurs, leurs maris ou prétendants racontent en filigrane, sans qu’ils s’en rendent compte, l’Histoire d’un pays, d’une dictature, à travers le passé et le présent.

En quelque sorte, le parcours d’une Amérique latine contrôlée, comme toujours, par les grandes puissances mondiales, notamment les États-Unis d’Amérique. Mais la mise en scène, sans doute incomprise par une certaine critique opte pour un drame intime à l’intérieur d’une famille tout à fait normale. Et pourtant !

Chaque membre issu de ce clan cache quelque chose qui a à voir sans doute avec la roue du destin, les changements sociaux et politiques impossibles à gérer et tous les coups qu’on est capable de faire pour « mieux vivre », les arrangements qu’on se crée, les silences qui détruisent, les coups bas qui blessent sans qu’on s’en rende compte, les amours interdites, voire même incestueuses qui inventent des mise en scènes ressemblant à des fantaisies de cinéastes (mâles, bien sûr).

C’est cela la « Quietud », tout d’abord cet immense domaine laissé à la famille par le paternel dans le coma et qui finit par mourir, mais aussi la signification d’un mot espagnol traduit en français par le calme, le silence, la quiétude, notions qui n’existent dans le film que lorsqu’il s’agit de ces quelques rares moments de nostalgie, de montrer passagèrement un paysage serein en collision avec ce qui se passe vraiment chez les individus et surtout lorsque le destin s’occupe des êtres, sans compromis.

Indignes ou pas, les deux sœurs dont il est question nous ouvrent grand les portes de la psychanalyse évolutive, c’est-à-dire, de renouer d’autres façons avec les sens et les envies en prenant en compte des changements politiques et surtout comportementaux dans la société.

Choisir, ne pas choisir. Prendre des décisions ou pas. Croire en la famille ou, contrairement, la déclarer « je vous hais » comme si Gide intervenait. Et une histoire d’amours interdites que Trapero prend le courage de montrer avec une liberté d’action et de mouvements époustouflantes, particulièrement à la toute fin, démoralisante à souhait, mais propice à un nouveau cinéma de tous les possibles.

Martina Gusman (Mía), qui partage sa vie avec Trapero, et Bérénice Bejo (Eugenia) – conjointe de Michel Hazanavicius – forment un duo d’actrices magnifiques, totalement investies dans des rôles déterminées par la grâce de la liberté de mouvement, de pensée et de sexualité. D’où cette touche sensuelle, érotique d’où puise le cinéaste dans certaines séquences. L’acte sexuel n’est plus une simple convention biologique, mais une expérience où sexualité, désir, domination, engouement, amour, perversion, fétichisme, jalousie et faux-semblant, voire même angoisse, se donnent rendez-vous pour finalement libérer le corps… ou pas.

Indignes ou pas, les deux sœurs dont il est question nous ouvrent grand les portes de la psychanalyse évolutive, c’est-à-dire, de renouer d’autres façons avec les sens et les envies en prenant en compte des changements politiques et surtout comportementaux dans la société. Et comment ne pas oublier la présence merveilleuse d’une des grandes Dames du cinéma argentin, Graciela Borges, passant du cinéma grand public (Los viciosos, d’Henrique Carreras) à celui d’auteur (La Ciénaga, de Lucrecia Martel) avec un raffinement de tous les instants.

FICHE TECHNIQUE

Sortie
Vendredi 26 avril 2019

Réal.
Pablo Trapero

Origine(s)
Argentine

Année : 2018 – Durée : 1 h 51

Genre(s)
Thriller dramatique

Langue(s)
V.o. : espagnol; s.-t.a.

The Quietude

Dist. @
MK2 / Mile End

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cineplex

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.  Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

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