En salle

Le poirier sauvage

30 novembre 2018

| PRIMEUR |
Semaine 48
Du 30 novembre au 6 décembre 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
De retour dans sa ville natale de Çannakale avec un diplôme en poche, Sinan entreprend de trouver la somme nécessaire à la publication de son premier manuscrit, un roman-essai très personnel sur les charmes de la région, dont d’étonnants poiriers sauvages. Mais ses demandes de subventions auprès du maire et d’un industriel soi-disant amoureux de la littérature font long feu pour diverses raisons.

COUP DE COEUR
| Élie Castiel |

★★★★ ½

ESTHÉTIQUE DE LA CONTEMPLATION

Véritable Theo Angelopoulos anatolien, Nuri Bilge Ceylan est de ces maîtres des images en mouvement pour lesquels le plan n’est pas une simple affaire de cadrage et de contenu, mais un rapport philosophique entre l’artiste et l’intention. Jamais la parole n’a été aussi intense, libre, presque provocant la patience du spectateur. Et puis, comme par magie, des discussions sur la vie, la famille, la condition humaine, les préceptes de la foi et la présence de Dieu sur Terre; édifiantes, comme on entend peu de nos jours.

Film exisentiel sans être existentialiste, se basant sur une expérience de vie et d’observation de ses contemporains par un cinéaste humaniste, combatif, toujours fidèle à son approche cinématographique, faisant fi des nouvelles approches et tendances en matière de tournage. Dépassé? Jamais, puisque sa proposition demeure proche de l’humain, essentielle dans une société de plus en plus fragmentée et paradoxalement vide de sens, vide de valeurs, vide de morale, d’éthique et de destinée.

Un personnage omniprésent, Sinan, le fils (excellent Domu Dermikol) aspirant auteur, errant d’un endroit à l’autre de sa petite ville, essayant de renouer le sentiment amoureux avec une ancienne flamme, ou du moins c’est ce que le cinéaste nous laisse comprendre. Masculinité excessive et sensibilité se côtoient dans des séquences remarquables qui renouent avec la gestuelle. Et son père Idris (incomparable Murat Cemcir), alter ego sans doute de Bilge Ceylan, représentant d’une génération d’intellectuels qui croient avoir tout perdu. Présence hallucinante de véracité.

Comme dans le cas du regretté cinéaste grec, le cinéma de Nuri
Bilge Ceylan est celui de la contemplation, avec tout le sens moral,
esthétique et humaniste que cela comporte. Et cette dernière image
qui caresse au plus profond nos émotions, illustre, mémorable.

Car Le poirier sauvage, titre évocateur d’une certaine fin de civilisation, est avant tout un rapport entre l’Homme et la Nature, entre la modernité et le passé, entre la nostalgie et l’indifférence. Mais aussi, en filigrane, un discours sur la Turquie actuelle et sa position dans une Europe déconstruite.

Ce qui nous mène à penser que le film est également une œuvre en supension; elle ne cesse de flotter à mesure que le récit, pourtant linéaire, avance dans le temps. Paysages rocailleux et riches à la fois, liens humains souvent confrontationnels, mais une attitude orientale chez tous les protagonistes qui a à voir avec un rapport au monde primal, débarrassé de tout orenement superficiel créé par un Occident qui ne cesse de tout refaire depuis des siècles.

Comme dans le cas du regretté cinéaste grec, le cinéma de Nuri Bilge Ceylan est celui de la contemplation, avec tout le sens moral, esthétique et humaniste que cela comporte. Et cette dernière image qui caresse au plus profond nos émotions, illustre, mémorable.

Sortie
Vendredi 30 novembre 2018

Langue(s)
V.o. : turc ; s.-t.a. & s-t.f.
The Wild Pear Tree
Ahlat Agaçi

Réal.
Nuri Bilge Ceylan

Genre
Drame

Origine(s)
Turquie / République de Macédoine
France / Allemagne
Bulgarie / Suède
Bosnie

Année : 2018 – Durée : 3 h 08

Dist.
MK2 / Mile End

Info. @
Cinéma Beaubien
Cinéma du Musée
Cinéma du Parc

Classement
Tous publics


MISE AUX POINTS

★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul
½
[Entre-deux-cotes]

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