En salle

La chute de l’empire américain

28 juin 2018

| PRIMEUR |
Semaine 26
Du 29 juin au 5 juillet 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
Pierre-Paul Daoust, obligé de travailler pour un service de messagerie malgré son doctorat en philosophie, n’hésite pas à partager avec tout un chacun sa vision cynique du monde suivant laquelle l’argent fait foi de tout. Lors d’une livraison, il se retrouve sur une scène de vol qui tourne à la fusillade. Les bandits s’enfuient en laissant derrière eux deux sacs remplis de billets de banque. Jouant le tout pour le tout, il s’empare du butin.

CRITIQUE
| Élie Castiel |

★★★

ICI-BAS, TOUT N’EST QUE DÉSORDRE ET VANITÉ,
LUXE VAIN, TOTALE INDIFFÉRENCE ET CUPIDITÉ

Si l’on tient compte des citations dans les médias de cette fin de semaine, toutes catégories confondues, les quelques vrais spécialistes de la critique, à qui se sont joints des chroniqueurs, donc pas critiques, mais plutôt donneurs d’opinions, le nouvel Arcand semble avoir été bien accueilli. Une chose est certaine : La chute de l’empire américain est le genre de film qui, pour diverses raisons, suscite des réactions intellectuelles, mais faut-il également ajouter que celles émanant de la critique spécialisée détiennent les arguments les plus solides. Les propos se rapportent au film et non pas à un Nom. Ce sont ces réponses au film qui comptent le plus pour le cinéaste car elles proviennent des tripes et d’une connaissance du cinéma, arguments d’autant plus motivés si l’on tient compte que la plupart parmi lesdits « spécialistes » et très souvent les meilleurs, ne sont même pas rémunérés. Prenons la liberté de clamer haut et fort le cliché « on le fait pour l’amour du cinéma! ». Quand justice sera faite? Retournons au sujet même si ce préambule était nécessaire pour remettre les pendules à l’heure.

Le compte est bon. La morale est sauve

Après l’écueil du Règne de la beauté (2014) qui entretenait un rapport presque incestueux et doublement colonialiste entre deux pôles d’attractions, disons-le, linguistiquement opposés, l’Ontario, par le truchement de Toronto, et le Québec, par celui de Montréal, cette chute de l’Amérique pour toutes sortes de raison, particulièrement due au pouvoir de l’argent, résonne comme un cours 101, à la rigueur 201, de sciences politiques, agrémenté de tirades philosophiques à la disposition du commun des mortels.

C’est dans le dialogue, extrêmement travaillé pour satisfaire tous les courants de la société, voire même toutes les classes sociales que le scénario semble avoir été rédigé. Les adorables et prétentieux bourgeois de l’exceptionnel Déclin de l’empire américain sont venus à la conclusion que les secteurs sociaux n’existent plus. En fait, ces protagonistes vivant jadis dans une bulle protégée (les cercles universitaires) ont rejoint les rangs de ceux qui croient ferme à un populisme de bon aloi, mais inconscients des conséquences qu’il peut entraîner à court ou à moyen terme. Et il me semble qu’il s’agit d’une idéologie culturelle plus que politique contre laquelle personne n’y peut rien.

Oui, il y a, comme toujours chez Arcand, des clins d’œil à
certains de ses films, comme par exemple, dans la séquence
de la soupe populaire. Mais soyons respectueux envers celui qui
nous a donné des perles comme
Le confort et l’indifférence.
Arcand n’est pas devenu indifférent, loin de là, mais ne devrait-il
pas se départir de son confort qui ne lui sied pas bien?

Denys Arcand s’adresse au grand public, et cela n’est pas un défaut, mais que fait-il de Pierre-Paul, ce doctorant en philosophie un peu trop candidement hagard et bien campé par un Alexandre Landry en pleine forme? Va-t-il abandonner tous ses appris sur l’existence au nom de l’argent?

Aujourd’hui, il y a, partout dans le monde occidental, une lutte entre la raison et les forces d’un populisme politique, social et culturel (donc, intellectuel) réactionnaire. Ces données sont absentes dans La chute de l’empire américain, titre qui méritait un traitement plus féroce, sans avoir peur de provoquer, de choquer, de jeter du vitriol sur les apparences, sur les faux rêves auxquels nous croyons, sur nos corps trop sensibles, sur notre égocentrisme impitoyable.

Oui, il y a, comme toujours chez Arcand, des clins d’œil à certains de ses films, comme par exemple, la séquence de la soupe populaire. Mais soyons respectueux envers celui qui nous a donné des perles comme Le confort et l’indifférence. Arcand n’est pas devenu indifférent, loin de là, mais ne devrait-il pas se départir de son confort qui ne lui sied pas bien?

Ajoutons néanmoins, pour notre simple plaisir, que l’animatrice Maripier Morin s’avère une excellente comédienne et possède, comme la plupart des Québécoises, un visage splendide et rassurant. Elle a pour prénom, dans le film, Aspasie, prénom féminin grec qui, si l’en croit les légendes antiques, cette femme farouchement vaillante et hautement cultivée aurait eu de l’influence auprès des Grands hommes de l’époque, dans tous les aspects de la vie. Le compte est bon. La morale est sauve.

Sortie
Vendredi 29 juin 2018

V.o.
Français, anglais; s.-t.f.
The Fall of the American Empire

Réalisation
Denys Arcand

Genre
Satire sociale
Origine
Québec [Canada]
Année
2018
Durée
2 h 09
Distributeur
Les Films Séville

Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien

Cineplex

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul / ½ [Entre-deux-cotes]

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