En salle

La Bolduc

5 avril 2018

| PRIMEUR |
Semaine du 6 au 12 avril 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
À Montréal, en 1940, Mary Travers, dite La Bolduc, est une légende de la chanson folklorique québécoise. Avant ses années de gloire, la jeune femme originaire de la Gaspésie épouse Édouard Bolduc, employé d’usine et passionné de musique comme elle. Initiée en bas âge au folklore irlandais par son père, Mary sait jouer de l’harmonica et composer des airs amusants. Mais elle ne sait pas encore qu’elle deviendrait un symbole national québécois.

LE FILM DE LA SEMAINE
Élie Castiel |

★★★★

LA TURLUTE DES ANNÉES DURES

Quelque chose de pudiquement organique anime La Bolduc de François Bouvier. Quelque chose qui a à voir avec ce refus d’intrusion insistante dans la vie de la grande dame de la chanson populaire québécoise (dans le temps, canadienne-française), comme si le signataire, d’entre autres, le très émouvant Jacques et novembre (1984), coréalisé avec Jean Beaudry, l’efficace Les matins infidèles (1988), et plus récemment Paul à Québec (2015) aurait voulu se distancier de son sujet pour seulement lui extraire ses plus dignes particularités, lui octroyant ainsi une intimité nécessaire, ne voulant pas prendre le risque de trop en montrer.

C’est donc par le récit, entre autres, de sa fille, que nous sommes les témoins des grandes étapes de la vie de cette énigme musicale, car en elle le mythe devient réalité, confirmé lorsque de son balcon, portant une béquille à sa droite, elle salue la foule, finalement consciente de son apport au peuple. Issue d’une famille faisant partie des petites gens, ces Canadiens-Français d’alors dont la plupart encore colonisés, et qui affichaient « Grocery » plutôt que Dépanneur, comme nous disons aujourd’hui, Mary Travers (devenue La Bolduc) a ceci de particulier qu’à l’instar d’Alys Roby, il s’agit d’un personnage intrinsèquement cinématographique. Debbie Lynch-White l’incarne avec tout l’aplomb nécessaire, la sincérité au cœur, et une gouaille accueillante et pas si méchante.

Le vote des femmes, l’évocation de Thérèse Casgrain, cette personnalité importante Québécoise, l’affranchissement des femmes, autant de thèmes explorés dans ce film calme et serein, qui ne crie guère son appartenance, préférant se substituer au récit simple. On notera d’ailleurs la durée du film, moins que deux heures, ce qui dans la plupart des biographies, dépasse de loin cette longueur. Mais La Bolduc, c’est aussi un récit du Québec où, par exemple comme c’est le cas du tango en Argentine, la chanson du peuple est aussi une façon de raconter l’Histoire, en quelque sorte rendre compte de la prise de conscience de l’âme collective.

François Bouvier assume avec fierté le défi qu’il
s’est donné : parler de son pays par le biais de ceux qui
ont participé à sa  construction et ont forgé son identité.

Et que François Bouvier illustre dans ce film populaire, certes, grâce aux chansons que d’aucuns reconnaîtront, mais aussi en raison d’une transposition d’époque assez réussie. Pour ceux et celles d’aujourd’hui, il y a dans La Bolduc une importante remise en question des présents incertains où le politique ne montre pas son vrai visage. En fait, La Bolduc de Bouvier est un film en forme d’interrogation, une question posée aux spectateurs qui ne fait qu’ouvrir une plaie non cicatrisée depuis l’époque de Madame Travers, de père Irlandais… car, en filigrane, s’affichent les liens qui unissent Québécois et ceux venus d’Irlande. Une histoire d’amour qui ne finira jamais.

François Bouvier assume avec fierté le défi qu’il s’est donné : parler de son pays par le biais de ceux qui ont participé à sa construction et ont forgé son identité. Dans sa Bolduc, il faut savoir lire entre les lignes et les images. Encore une fois, le cinéma québécois navigue dans des eaux calmes, du moins en ce qui a trait à la création, tant il ne cesse de s’interroger sur un passé pas trop lointain et un présent qui a un peu de mal à intégrer dans son ADN les multiples racines ; à moins que ce ne soient ces souches d’ailleurs qui refusent de suivre le rêve national. C’est au public de le découvrir… sur Grand Écran. Tout compte fait, si turluter parvient à adoucir les mœurs et à ouvrir l’esprit, c’est déjà ça de gagné.

Sortie : vendredi 6 avril
V.o. : français ; s.-t.a.
La Bolduc

Réalisation
François Bouvier

Genre : Drame biographique – Origine : Québec [Canada] – Année : 2018 – Durée : 1 h 43 – Dist. : Les Films Séville.

Horaires & info.
@ Cinéma BeaubienCineplex

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.