Recensions

Jeux interdits : Essai sur le Décalogue de Kieslowski

28 juillet 2014

VISAGES DE L’INTERDIT
Texte : Charles-Henri Ramond

Nous profitons de la rediffusion des 10 films du Dekalog (Décalogue) de Krzystof Kieslowski sur la chaîne TFO durant tout le mois d’août, pour vous présenter l’essai Jeux interdits : Essai sur le Décalogue de Kieslowski d’Yves Vaillancourt qui a récemment paru aux Presses de l’Université Laval.

L’auteur trace un lien direct entre nous et la profondeur de l’œuvre hautement symbolique du cinéaste emblématique qu’était Kieslowski. Les dix Décalogue sont analysés un par un sous deux angles de vue bien précis. Tout d’abord, l’auteur détaille la structure mimétique sur laquelle ces œuvres sont basées. Un mimétisme qui, tel que démontré par René Girard, définit que l’homme n’est pas à la source de son désir, mais qu’il opère par imitation. Un mimétisme qui permet aux personnages mis en contact les uns avec les autres de prendre conscience des interdits qu’ils transgressent. Les Décalogue 5 et 7 sont cités comme des exemples flagrants de cette théorie.

Dans la seconde partie, l’auteur lève le voile sur le symbolisme religieux dans les dix Décalogue en décortiquant les signes et symboles utilisés par le cinéaste. Grâce à cette analyse, Vaillancourt entend redonner au religieux une place prépondérante dans la compréhension de l’œuvre, bien que Kieslowski ne fasse aucune allusion claire à la religion pour nous rappeler l’interdit de la transgression. Une absence de référence directe qui se retrouve aussi dans les titres des films qui ne sont que numérotés, évitant ainsi de nommer le commandement concerné (la censure de la Pologne communiste d’alors ne l’aurait sans doute pas autorisé). C’est donc par références visuelles, lieux où se déroule l’action, prénoms de personnages ou encore situations symboliques que Kieslowski nous rappelle la prépondérance de la religion chrétienne dans la société polonaise. Dans cette seconde partie, Vaillancourt s’efforce en véritable orfèvre de débusquer un à un les attributs de cette symbolique religieuse.

Loin de tomber dans l’aridité d’une thèse universitaire, ce court livre à la plume poétique ajoute à la précision du propos une note lyrique bienvenue et parfaitement en phase avec son propos. On regrette cependant que les films aient été analysés séparément dans deux parties distinctes fonctionnant en vases clos, même si l’auteur a pris grand soin à varier les angles d’approche dans son exposé des intrigues. On aurait aussi apprécié, même si ce n’était pas vraiment l’objectif, que la mise en contexte par rapport à la société polonaise soit un peu plus affirmée. Enfin, signalons la présence de résumés à la fin de l’ouvrage ; ils n’apportent toutefois que peu d’indications supplémentaires puisque les intrigues décrites principalement dans la première partie de l’ouvrage sont parfaitement détaillées.

Malgré ces quelques remarques, Jeux interdits : Essai sur le Décalogue de Kieslowskid’Yves Vaillancourt, est un bouquin d’une efficace limpidité dont la qualité de la démonstration permettra de rassasier la soif du lecteur avide d’en savoir plus sur le Décalogue, cette œuvre phare de la cinématographie internationale qui, plus de 25 ans après sa première projection, n’a rien perdu de son magnétisme.

Yves Vaillancourt
Jeux interdits : Essai sur Le Décalogue de Kieslowski
Laval : Les Presses de l’Université Laval, 2014
Paris : Hermann Éditions, 2014
116 pages

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