19 janvier 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
Jeune adulte et ex-prostituée, Isabelle Fortier est l’auteure d’un roman à saveur autobiographique devenu célèbre au Québec et en France. Sous son nom de plume, Nelly Arcan, elle mène une carrière publique, mais elle a de la difficulté à concilier ses identités multiples.
Si Nuit # 1 (2011) révélait une réalisatrice prometteuse grâce à la maîtrise de la mise en scène d’un huis clos amoureux ouvert sur toutes les possibilités, portrait en somme d’une certaine jeunesse urbaine de québécois, le film suivant, Les êtres chers (2015), affirmait l’ouverture de la jeune cinéaste à aborder un autre cinéma, plus grand public, même si au fond, le thème du mal de vivre se retrouve dans ses deux premières production et plus encore dans Nelly.
Et puis l’adaptation de Putain et Folle de la tristement suicidée Nelly Arcan. Film-synthèse d’une écriture autobiographique qui privilégie le moi, courant littéraire très en vogue aujourd’hui, résultat sans doute d’une société où le collectif perd du terrain.
La mise en scène, prise entre deux textes de la littérature bourgeoise, oscille d’une approche à l’autre; l’élégance côtoie le bas-fond, la rhétorique rejoint le langage jouissivement licencieux. Par la voie de son personnage, Émond semble dire que nous naviguons tant bien que mal dans un monde sexualisé quelle que soit notre condition sociale. Ce qui est vrai au fond.
Ces fondements narratifs qui traversent le film ne sont sans défauts et les transitions paraissent parfois un peu balourde. La beauté diaphane et miraculée de Mylène MacKay, que nous avons remarqué dans l’excentrique et surréaliste Endorphine (2015), d’André Turpin, s’harmonise avec le portrait d’un personnage complexe empreint d’une dose de sérénité envoûtante qui manifeste la sexualité avec une sensualité limpide, sans honte. La direction photo de Josée Deshaies (entre autres, Saint Laurent de Bertrand Bonello, en 2014) brosse un tableau de cet univers comme une caresse interdite et pourtant avouée.
Pas aussi réussi que ses deux premiers longs métrages, Nelly confirme tout de même que la réalisatrice se dirige vers la bonne voie avec assurance et sincérité. Une chose est certaine : le cinéma québécois s’universalise, montrant jusqu’à quel point les personnages décrits sont le résultat d’une mondialisation culturelle, partageant avec tous les peuples occidentaux une pensée commune. Un tel constat confirme également qu’il y a quelque chose de politiquement souterrain dans le nouveau film d’Émond. Et en plus, c’est intensément sexy.
Genre : DRAME BIOGRAPHIQUE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 39 – Réal. : Anne Émond – Int. : Mylène Mackay, Mickaël Gouin, Sylvie Drapeau, Catherine Brunet, Mylia Corbeil-Gauvreau, Francis Leplay – Dist./Contact : Séville.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 16 ans
(Érotisme)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
4 mars 2021
Un simple voyage dans le temps
Céline Sciamma n’est est pas à ses premières armes à la Berlinale ou sur la scène internationale. Cinéaste de films prisés comme Portrait de la jeune fille en feu (2019) et Tomboy (2011), elle compte également des collaborations en tant que scénariste pour les très beaux Ma vie de Courgette (2016) de Claude Barras et Avoir 17 ans (2016) d’André Téchiné. Avec Petite Maman, elle raconte une histoire d’une immense complexité sous des dehors de simplicité absolue. Nelly, une petite fille de huit ans qui vient de perdre sa grand-mère, se retrouve avec sa mère Marion et son père dans la maison de la défunte. La mère, encore plus triste qu’à son d’habitude, délaisse son mari et s’en va. Nelly, désœuvrée alors que son père vide la maison, s’aventurant dans les bois, rencontre une autre petite fille de huit ans. Elle s’appelle Marion et elle construit une cabane dans la forêt. C’est, tout simplement, la mère de Nelly à huit ans qui se prépare à subir une opération dont Nelly a entendu parler toute sa vie. Les deux petites filles s’amusent avec leur cabane, puis retournent à la maison de Marion. Nelly revoit sa grand-mère de 18 ans plus jeune et expérimente la jeunesse de sa mère, une jeunesse un peu triste que cette nouvelle amitié éclaire comme un éclat de soleil entre les nuages.
Petite Maman constitue une nouvelle approche dans le récit des voyages dans le temps. Un voyage sans machine ou véhicule et où la finalité du voyage n’est ni le présent ou le futur mais le temps partagé. Le film lui-même et son montage constituent le véhicule. Une simple coupe d’image téléporte les personnages et les rassemble. Sciamma filme ses jeunes interprètes de près dans des lumières tamisées, presque glauques, et des extérieurs boisés. Cela donne le ton à la fois doux et triste qui permet de saisir d’où vient la mélancolie de Marion la mère et le désir de Nelly de se rapprocher d’elle, de trouver la source de sa tristesse et de la soutenir. Sous-tendu par un scénario intime et délicat, l’histoire nous porte avec douceur, sans émotion indue malgré le trouble de la situation.
L’art du cinéaste réside dans sa façon de permettre la suspension du doute et d’évoquer des mondes. On peut tenter de le faire avec un immense paquet de fric et une brochette de vedettes, à la Marvel, et se ramasser avec du fast food sur grand écran. On peut aussi choisir d’y aller avec une extrême simplicité, comme on trouve une talle de fraises chauffées au soleil, un beau jour d’été.
Petite Maman n’est peut-être pas le film haut en couleurs qu’on voudrait. C’est peut-être celui dont on a besoin…
ANNE-CHRISTINE LORANGER
4 mars 2021
Il est tout de même surprenant d’apprendre que le tournage de Petite maman de Céline Sciamma a débuté il y a à peine quatre mois. Cette œuvre succincte (72 minutes) et modeste semble avoir été filmée en retrait du monde, dans un hors temps affranchi des présentes secousses de l’actualité. Œuvre-refuge donc, contre laquelle il fait du bien de se lover.
Petite maman, c’est l’enfance vue de l’âge adulte (Sciamma qui scénarise et met en scène) et l’âge adulte vu de l’enfance, alors que la petite Nelly (Joséphine Sanz), 8 ans, retourne avec sa mère Marion (Nina Meurisse) dans la maison où celle-ci a grandi. La mère de Marion vient de mourir, et cette disparition révèle chez elle une mélancolie profonde, ancrée. Un matin, elle disparaît, laissant Nelly avec son père. Celle-ci a l’âge de vouloir tenir dans la paume de sa main toute la complexité du monde. L’énigme qu’elle tentera de résoudre en explorant ce qui l’entoure : « Pourquoi maman est toujours triste. »
Le film revêtira rapidement les allures d’un conte, la forêt entourant la petite maison délabrée rappelant celles des contes de Perrault, lieux de rencontres magiques, de dangers et de repos, où l’on va se perdre protégé de l’emprise du temps. En mode mineur, Sciamma détaille une sororité inédite dans son œuvre avec la même intelligence et acuité. Il y a quelque chose du film-somme dans Petite maman, qui rappelle à bien des égards Tomboy, Portrait de la jeune fille en feu (un plan de dos « révélateur » au tout début), et même son scénario du film d’animation Ma vie de courgette. Au détour de jeux d’enfants, les monstres imaginaires se dépoilent de leurs symboles et se révèlent sous leur vrai jour. Ils se nomment « la peur du père » ou « l’opération », tout simplement.
Magnifique dans son évocation des liens profonds qui unissent mères et filles, ce retour attendu après le canonisé (et avec raison) Portrait de la jeune fille en feu est un joli aparté, éclairé par la performance subtile et complexe de la jeune Joséphine Sanz. L’assurance tranquille de son scénario et de sa mise en scène culmine en une petite phrase dite à la toute fin, presque chuchotée, synthèse déchirante d’une enquête aux touches merveilleuses. Si votre mère est à un appel de distance, elle est tout près de vous.
JASON BÉLIVEAU
15 juin 2019
< SÉRIE DE FILMS >
| Festival RÉTROMANIA |
Labyrinth
Réal.
Jim Henson
Langue(s)
V.o. : anglais / Version française
Labyrinthe
Distribution
David Bowie
Jennifer Connelly
Durée
1 h 41
Classement
Tous public
Première diffusion
Ven 14 juin 2019
— Suite
24 mai 2019
Wajdi Mouawad, maintenant la cinquantaine, est arrivé à une maturité qu’il arborait de toute façon depuis ses débuts, comme le légataire d’une idée qu’on se fait de l’art dramatique, de ce qui touche à sa morale, à sa place dans la communauté des humains. Quelque chose qui s’assimile au souffle de la vie, à l’âme de l’individu, aux êtres et, paradoxalement, au néant, autant que ce vide possède une quelconque vérité. Avec Tous des oiseaux, titre on ne peut plus tributaire de liberté, on assiste à un laboratoire humain en permanente rupture, tels des corps dont les os déplacés se remettaient à leur place à la suite du procédé thérapeutique que représente la vie. Suite
9 avril 2018
19 octobre 2017
Genre : Drame – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 2 h 14 – Réal. : Joseph Kosinski – Int. : Jennifer Connelly, Miles Teller, Josh Brolin, Jeff Bridges, Andie MacDowell, Taylor Kitsch – Dist. : Columbia Pictures.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
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