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The Angel & the Sparrow

26 avril 2018

Critique SCÈNE
| Élie Castiel |

★★★★ ½

La chanson adoucit les mœurs

Un préambule s’impose parce que le hasard est parfois heureux. Je viens de lire l’article d’Odile Tremblay (Le Devoir) sur cette pièce incontournable. Avant le spectacle, perdue parmi la foule en majorité anglophone (et juive) au Centre Segal, la journaliste semble être dans un autre monde. Dans son écrit, elle exprime ses mots avec une authenticité lumineuse, vrais, sincères, sortant des tripes, exposant une réalité québécoise et plus particulièrement montréalaise avec autant d’émotions (au pluriel) et de paroles de réconciliation. Nous et les autres, les deux solitudes, moins senties qu’autrefois, certes, mais toujours présentes. La cause : une métropole magnifique qui, hors du centre-ville, ses citoyens s’agglomèrent selon ses appartenances raciales, ses idéologies politiques et parfois-même, ses orientations sexuelles. Des mots simples pour un rappel à l’ordre : pourquoi ne pas avoir dans le même quartier une église, une mosquée, un temple hindou, une pagode chinoise et une synagogue. Le résultat, vous le connaissez.

Et puis, The Angel & the Sparrow, une rencontre probable, oui plausible et en réalité, vraie, puisqu’il s’agit de deux grandes dames de la scène et du cinéma (car Piaf a joué aussi dans quelques films), deux femmes libres de chanter, d’aimer, de se brûler, d’aller jusqu’au bout du désir et de la passion, mais aussi de pas nier leurs origines sociales et surtout et avant tout, de souligner fermement ce refus de l’échec, non pas par égocentrisme, mais parce que vu les résultats, l’effort en valait la chandelle.

 
Crédits photos : © Leslie Schachter

Deux grâces, l’une tout de noir vêtue, d’un charisme qui emportait tout et tous sur son passage, et l’autre, diva des boîtes de nuit (qui, à l’époque n’avaient pas la mauvaise réputation qu’elles ont acquérie par la suite), des scènes réputées, sans parler de l’écran. Sur la scène intime du Centre Segal, elles font face aux spectateurs et chantent avec le cœur léger et l’élégance de leurs gestes minimalistes. Car c’est la présence qui compte. Par un heureux concours de circonstances, je passe de la rangée J à la rangée A. L’émotion, je la sens palpable, proche, le rapport aux deux excellentes comédiennes qui incarnent les deux divas est viscéral, comme si je les connaissais depuis la nuit des temps. Les titres des chansons (qu’on ne vous révéleras pas) marquent le temps de leur fragilité, de leur importance, de leur classicisme, de leur pérennité. Et puis, le moment du fameux standing ovation. L’auteur de ces lignes, finalement, se lève, emporté par ces deux heures d’abandon dans un monde qui n’existe plus.

… un pur bonheur, un éblouissement, une montée au
Paradis de la grâce, de l’élégance et de l’amour dans
une somptueuse mise en scène de Gordon Greenberg.

Et puis, en signant ces mots, je reprends l’entrée en matière sur les mots de Tremblay (Odile, non pas Michel), les transformant en souhait. Mais vous savez, il y a quelque chose d’autre qui unit de façon spectaculaire les personnes de toutes origines et d’orientations sexuelles : l’union consentie des corps.  Je crois que Marlene et Edith l’ont très bien compris. Et leur amitié, elle, demeure éternelle.

Au Centre Segal, au Centaur, dans toutes ces petites salles indépendantes anglophones, nous avons tous et toutes la liberté de nous s’exprimer en français, et dans la plupart des cas, on fera un effort ou simplement on vous répondra dans un français impeccable. Si ce n’est pas le cas pour telle ou telle raison, un peu d’ouverture d’esprit nous rappelle à l’ordre… après tout, nous sommes dans un territoire de la culture.

Et pour le spectacle, un pur bonheur, un éblouissement, une montée au Paradis de la grâce, de l’élégance et de l’amour dans une somptueuse mise en scène de Gordon Greenberg.

Crédits photos : © Leslie Schachter

Texte : Daniel Grosse Boymann, Thomas Kahry – traduction : Sam Madwar, de l’original Spatz und Engel adaptation : Erin Shields – concept : David Winterberg – mise en scène : Gordon Greenberg, assisté de Trevor Barrette – décors : Martin Ferland – costumes : Louise Bourret – éclairages : Claude Accolas – son : Steven Marsh – direction musicale : Jonathan Monro, assisté de Mark Camilleri – distribution : Louise Pitre (Edith Piaf), Carly Street (Marlene Dietrich), Lucinda Davis (les femmes), Joe Matheson (les hommes) – production : Segal Centre.

Durée
2 h (incl. entracte)

Représentations
En prolongation jusqu’au 13 mai 2018
Centre SEGAL

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

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