En salle

L’homme de l’Isle

22 mars 2018

| PRIMEUR |
Semaine du 23 au 29 mars 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
Gilles Gagné, guide de chasse, se remémore les moments privilégiés qu’il a partagés pendant près de trente ans avec le peintre Jean-Paul Riopelle sur l’Isle aux Oyes, au cœur du fleuve Saint-Laurent.

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★

LE BEAU DÉSIR DE DIRE

Quel magnifique film que L’homme de l’Isle, évoquant les meilleurs documentaires de l’époque-(Michel)Perrault, dont l’hommage transparaît ici, dans divers plans de la nature. Mais parler d’une amitié improbable entre deux individus de milieux opposés tend du pari risqué, d’une part pour les vrais intervenants Gilles Gagné et Jean-Paul Riopelle (par la présence de sa force créatrice) qui finissent par la cultiver et en faire un souvenir de vie ; mais de l’autre, pour Bruno Boulianne qui, à travers les images en mouvement, doit procéder à un travail de mémoire et de lieux de tournage pour rendre justice aux deux principaux intéressés.

Gilles Gagné est un être extraordinaire, de ces Québécois qui ne parlent pas pour rien dire, car pour l’Homme d’une certaine génération, particulièrement celui des territoires lointains, ruraux et purement sauvages, hors des grandes villes, la parole est mesurée. Et Boulianne présente cette caractéristique avec une attendrissante quasi volupté.

Soulignons que la délicatesse de la direction photo d’Alex Margineanu épouse harmonieusement cette toile de Riopelle au titre énigmatique, L’hommage à Rosa Luxembourg, sans doute pour conjuguer la liberté naturelle des lieux et la vision politique de la militante socialiste et essayiste marxiste juive, née en Pologne, et devenue plus tard, intellectuelle engagée, à une époque où ces idéologies n’étaient pas vues comme des utopies.

Leçon de vie, amour de la nature, importance de l’art
dans la culture de tout peuple qui se respecte, le film de
Bruno Boulianne est sans contredit l’un des plus beaux
poèmes d’amour consacrés à notre cinématographie nationale.

Pendant trois décennies, Jean-Paul Riopelle a eu comme guide, Gilles Gagné, avec le temps, une sorte d’alter ego spirituel puisque présent dans la création de l’artiste. La caméra de Margineanu et celle de François Vincelette deviennent ainsi les témoins privilégiés d’une belle histoire d’amitié où la nature sauvage et ses habitants et l’art se rejoignent pour finalement devenir des complices, chacun avec sa propre richesse.

Car avant tout, L’homme de l’Isle est un bouleversant récit sur l’art et la création, mais également sur la passation de l’esprit critique ; sur ce point, Gilles Gagné visite tous les ans le Musée de Québec pour rendre visite à la toile. Et à chaque fois, il découvre qu’elle est différente. Une autre façon de dire humblement qu’il découvre à chaque rendez-vous quelque chose de fondamental qui lui aurait échappé auparavant.

Leçon de vie, amour de la nature, importance de l’art dans la culture de tout peuple qui se respecte, le film de Bruno Boulianne est sans contredit l’un des plus beaux poèmes d’amour consacrés à notre cinématographie nationale. Cinéma qui, par ses documentaires notamment, propose ses plus magnifiques fleurons.

Sortie : vendredi 23 mars
V.o. : français 

Réalisation
Bruno Boulianne

Genre : Documentaire Origine : Québec [Canada] – Année : 2017 – Durée : 1 h 12 – Dist. : Les Films du 3 mars.

Horaires & info.
@ Cinémathèque québécoise

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

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