En salle

Et au pire, on se mariera

14 septembre 2017

Semaine du 15 au 21 septembre 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Aïcha ne pardonne pas ce qui est arrivé à son beau-père algérien qu’elle adorait. Et puis elle rencontre Baz, un jeune homme le double de son âge. Il veut bien l’aider, mais celle-ci veut plus que de la tendresse.

CRITIQUE
Texte : Julie Vaillancourt

★★★ 

REGARDS FÉMININS ÉLOQUENTS

Suite au succès critique et populaire de La passion d’Augustine, sacré meilleur film au Gala Québec Cinéma en 2015, et pour lequel Léa Pool recevra le Prix de la meilleure réalisation, la cinéaste revient en force avec Et au pire, on se mariera. Ce plus récent opus, adapté du roman éponyme de Sophie Bienvenu, n’est guère étranger aux thèmes de prédilection de la cinéaste, à commencer par  l’exploration de l’adolescence/l’enfance, fil conducteur de sa filmographie (Anne Trister, Lost & Delirious, Maman est chez le coiffeur, Le papillon bleu, Emporte-moi, etc.). Avec Et au pire, on se mariera, Aïcha, 14 ans, mène le spectateur dans un labyrinthe émotif qui mêle crise d’adolescence, rébellion envers sa mère monoparentale, questionnements et émois liés au coup de foudre/premier amour (avec un homme beaucoup plus âgé, qui fait office de protecteur et considère avant tout Aïcha comme sa petite soeur). Cette dernière, par le biais d’adresses à la caméra (dans une salle d’interrogatoire), raconte son histoire, sa vision. Véritable fil d’Ariane, ou plutôt celui d’Aïcha.

Et au pire, on se mariera

Sans conteste, Sophie Nélisse y est magistrale et porte littéralement le film sur ses épaules. Entre les séances d’interrogatoire, qui constituent de longs monologues, les prises de becs avec sa mère, son interprétation oscille entre naïveté, vulnérabilité et force de caractère, rendant les scènes particulièrement émotives. Dans le rôle de la mère monoparentale ayant eu un enfant très jeune (à 17 ans), Karine Vanasse arrive carrément à nous faire oublier son jeune âge, et prouve une fois de plus sa force d’interprétation, notamment dans la scène de la voiture où elle discute de sujets difficiles avec Aïcha enfant (Isabelle Nélisse, la jeune soeur de Sophie).

Avec Et au pire, on se mariera, Léa Pool renoue non seulement avec la thématique de l’adolescence, mais aussi avec Karine Vanasse, qui brillait dans Emporte-moi (1999), son premier rôle au cinéma. Elle y incarnait Hanna, une jeune fille de 13 ans, vivant difficilement sa puberté. Ainsi, on ne peut qu’être touché de la voir interpréter, près de 18 ans plus tard, la mère d’Aïcha. Une mise en abîme dans laquelle la chimie des deux actrices est palpable.

Outre ses thématiques de prédilection, Léa Pool est
aussi en phase avec son style cinématographique qui
traduit sa signature, depuis ses débuts à la réalisation en
1980, avec
Strass Café. Léa Pool est de cette école de
cinéastes qui s’expriment par le biais des non-dits, des regards.

Si Et au pire, on se mariera met en scène deux rôles féminins forts avec à l’avant plan, la thématique de l’adolescence, celle de l’amour interdit/impossible que Léa Pool a abondamment exploré chez les protagonistes féminins de La femme de l’hôtel (1984), Anne Trister (1986) et Lost & Delirious (2001), constitue dans Et au pire, on se mariera, les fondements de la trame narrative; Aïcha flirt avec l’amour interdit/impossible, à divers degrés, que ce soit avec son « père » Hakim, son « ami » Baz, ou encore avec « l’amour maternel » (elle blâme sa mère d’avoir fait fuir « son père », mais doit néanmoins trouver une façon de lui pardonner, pour mieux l’aimer).

Outre ses thématiques de prédilection, Léa Pool est aussi en phase avec son style cinématographique qui traduit sa signature, depuis ses débuts à la réalisation en 1980, avec Strass Café. Léa Pool est de cette école de cinéastes qui s’expriment par le biais des non-dits, des regards. Si Et au pire, on se mariera, est beaucoup plus bavard (de par les monologues d’Aïcha) que d’autres opus de sa filmographie, les regards sont éloquents. Ce sont ces jeux de regards, exprimant les non-dits (abondamment explorés dans La femme de l’hôtel et Anne Trister), qui traduisent sa signature. Un cinéma des femmes, au sein duquel Et au pire, on se mariera, mérite abondamment sa place. Sans conteste, malgré un succès fracassant au box-office avec La passion d’Augustine (qui s’inscrit aussi dans la lignée d’un cinéma des femmes), Léa Pool demeure fidèle à son style et à sa thématique de prédilection.

Sortie :  vendredi 15 septembre 2017
V.o. :  français

Genre : Drame  – Origine : Canada [Québec] / Suisse –  Année :  2017 – Durée :  1 h 31 – Réal. :  Léa Pool – Int. : Sophie Nélisse, Jean-Simon Leduc, Karine Vanasse, Isabelle Nélisse, Mehdi Djaâdi, Guillaume Rodrigue –  Dist. :  K-Films Amérique.

Horaires
@   Cinéma Beaubien Cineplex

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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