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Festival du cinéma israélien de Montréal

26 juin 2017

| ÉVÉNEMENT |

NOUVEAUX COURANTS
ÉLIE CASTIEL

Je dois avouer que j’hésitais avant commenter sur la 12e édition du Festival du cinéma israélien de Montréal, tenu du 4 au 15 juin dernier. L’acrréditation, je l’ai reçue de justesse. Un oubli, m’a-t-on dit, alors qu’une des personnes en question porte le même nom de famille que moi !? Voici donc pour la petite histoire.

Par contre, nous avons eu droit à une belle programmation, versatile, dynamique, surtout « ouverte d’esprit », situant le cinéma israélien dans une mouvance mondiale où Est et Ouest se donnent la main comme par miracle. Israël, sans doute le pays du Moyen-Orien le plus occidentalisé, conserve cependant des caractéristiques orientales qu’il mêle aux principes de l’Occident, formant une double appartenance aussi limpide que bienvenue.

Des 13 films proposés, quelques-uns ont su retenir notre attention. Pour leur courage à aborder des sujets controversés (chose que le cinéma israélien fait déjà depuis une ou même deux décennies), pour leur ouverture au monde, pour les rapports ambigus qu’ils manifestent envers les Palestiniens, mais surtout pour finalement situer l’individu israélien dans une perspective mondiale, comme un citoyen du monde, en soulignant à gros traits un sujet autrefois tabou, la sexualité, y compris l’homosexualité.

Notre père

Notre père

Avec Notre père /Our Father (Avinu), Meny Yaesh réalise un film de genre où les codes subversifs de la narration prennent des proportions extrêmes. Hommage cinéphilique, regard sur le cinéma et sur la signification du plan. Usage du CinémaScope pour rendre compte de la réalité du milieu interlope insraélien. Et comme principal héros dans cette histoire de règlements de comptes, Ovadia, juif orthodoxe dont les valeurs du judaïsme ne coïncident pas avec son boulot, videur dans une boîte de nuit. Paradoxe d’une individualité israélienne qui a besoin, pour survivre, de porter des masques. Mais dans le même temps, un récit enlevant, une mise en scène alerte et solidement rythmée répondant aux sons d’une musique israélienne inspirée de la musique populaire grecque. Dans le rôle d’Ovadia, Moris Cohen projette une virilité remplie de tendresse et de dur à cuire, prête à tous les coups. D’un charisme puissant.

Née en Hongrie de parents Palestiniens, Maysaloun Hamoud signe un premier long métrage d’une absolue liberté de ton. Je danserai si je veux / In Between / Bar Bahr / Lo Po, Lo Sham suit le parcours de trois femmes palestiniennes partageant un appartement à Tel-Aviv. La première, musulmane, totalement intégrée à la société israélienne, n’en demeure pas moins consciente de sa double identité, assume une sexualité franche, débarrassée de tout obstacle, mais refuse néanmoins de sortir avec un Juif israélien, par principe, par logique sans doute ; la seconde, également musulmane, est confrontée à la liberté de gestes et de mouvements de ses collègues et au conservatisme d’un fiancé ultra-traditionnaliste qui n’hésite pourtant pas une seconde à… Et finalement la troisième, chrétienne, qui vit son homosexualité ouvertement, jusqu’à la confrontation avec ses parents. Elle finit par faire un choix et nous n’en sommes que plus contents.

Je danserai si je veux

Je danserai si je veux

En filmant presque entièrement dans des intérieurs, Hamoud donne la place qu’elle mérite à la présence arabe en Israë l, d’où jaillit une sorte de confort et de conciliation entre le pays et ses voisins. Il ne reste donc que la paix. Une sorte de film-illusion. Mais Je danserai si je veux est aussi un films sur la femme, sur la pertinence de sa voix, de sa liberté, de son affranchissement, sur ses rapports avec les hommes et essentiellement sur sa sexualité, dépourvue de tout tabou.

Les frères Tomer et Barak Heymann ont signé un documentaire puissant sur la place de l’homosexuel en Israël. Avec Who’s Gonna Love Me Now? (Mi yohav otti akhshav?), qu’on pourrait traduire par Qui va m’aimer maintenant ?, ils sont plus radicaux sur le sujet que dans leurs films précédents (principalement signés par Tomer et produits par Barak). À en juger par ce film, l’homosexualité, comme dans tous les endroits du monde, n’est tolérée que dans les grandes villes (et pas partout). Renvoyé du kibboutz et rejeté par sa famille, Saar, juif israélien, s’installe à Londres pour vivre sa vie. À la suite d’un diagnostic porteur du VIH, il doit composer avec sa nouvelle réalité et essayer de rétablir des contacts avec sa propre famille.

Who's Gonna Love Me Now

Who’s Gonna Love Me Now?

Nous avons également pu voir Past Life (Ha’khata’im) du vétéran Avi Nesher. Film sensible sur la mémoire, le souvenir et le pardon, pierre angulaire pour continuer à vivre, mis en scène avec une rare élégance. Métaphore biblique, Harmonia (Armonia), de Sivan Orin, montre jusqu’à quel point l’Islam et le Judaïsme ont plus de points en commun qu’on ne le croit. Un séquence finale à la fois émouvante et significative confirme que la musique (donc l’art) adoucit les mœurs  et que les Hommes ont tendance à oublier leurs origines et les liens profonds qui les unit.

Produit pour la télévision, Ben-Gurion, testament politique nous a laissé une très bonne impression sur l’Homme, sa carrière et notamment sa vision du monde, d’Israël et de l’individu.  Si Israël s’est construit sur des principes issus du socialisme européen et soviétique, il n’en demeure pas moins qu’à travers les années, le pays s’est transformé en un terrain démocrate ou les codes du capitalisme se sont intégrés avec rage et envoûtement. Après la projection, un débat pour/contre a eu lieu, provoquant des discours aussi passionnants que variés, comme l’absence des Sépharades dans la construction d’Israël.

Finalement, nous ne parlerons pas du jury pour la simple raison que nous n’avons jamais su quel était le film gagnant. Longue vie donc au FCIM, en prenant soin que les organisateurs n’oublient pas certaines de leurs obligations médiatiques.

 

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