En salle

X Quinientos

12 avril 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Ils sont trois : Alex, Maria et David, issus de différents endroits du monde : la Colombie, le Mexique, les Philippines. Chacun, à sa façon, tentera de trouver sa place dans la société.

COUP DE CŒUR
★★★★
Texte : Mathieu Houle-Beausoleil

CES CITOYENS-NNES DU MONDE

Le cinéma contemporain semble retrouver un intérêt envers les thèmes engagés. Ceci est sans doute une réponse forcée aux discours politiques pollués, haineux et d’une idiotie profonde dont les nations sont victimes ces derniers temps. Le deuxième long-métrage de Juan Andrés Arango Garcia s’inscrit dans cette tendance du cinéma réaliste.

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Il met en scène trois variations sur l’intégration. Du Mexique au Canada en passant par la Colombie et les Philippines, X Quinientos rappelle sans cesse l’intérêt de notre époque pour ces « citoyens du monde ». En effet, les trois personnages tenteront, pour améliorer leur condition, de faire face aux troubles de la migration. Ces déracinés seront l’objet, parfois catastrophique, de transformations identitaires. Le fait d’avoir choisi trois adolescents n’est pas anodin puisque cette période reflète la transformation physique et morale de la puberté. David fera face à la stigmatisation des marginaux et en même temps sera propulsé par une révolte libératrice. Alex, un déporté colombien, aura le récit le plus pessimiste. La criminalité ambiante de son pays natal l’entraînera à confondre son rêve à la grandeur mégalomane.

Ici, Garcia semble nous dire que ces criminels sont directement liés aux complications de la déportation. Le dernier récit se passe à Montréal où Maria tente de se conformer à sa nouvelle société. Celle-ci deviendra très agressive quant aux discours contrôlants de l’école et de sa grand-mère. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard que Maria soit confrontée à une professeure et à la police qui ont chacun un rôle idéologique de domestication. Garcia arrive à approfondir les thèmes de la criminalité, de l’identité et des supposées valeurs de l’Amérique d’une façon remarquable.

X Quinientos est pertinent à une époque
où les discours nationalistes et où la
stigmatisation de la migration triomphent, parfois.

Une chose frappe au visionnement de ces récits d’une crédibilité hors pair : l’absence de nationalisme. L’identité de ces adolescents ne se construit pas autour d’une culture propre à un pays. Au contraire, les transformations des personnages témoignent de l’hybridité de l’identité nationale. Comme quoi, cette nouvelle génération sera dénuée de nationalisme. La mondialisation inévitable dans laquelle la jeune génération est née mettera peut-être un terme aux débordements de cette vieille conception politique moderne des « nations », du patriotisme, etc. Ce film reflète la remise en question constante de l’époque contemporaine envers le nationalisme.

On fera bien des liens entre le cinéma d’Alejandro González Iñárritu (Babel) et celui de Garcia. On a, de chaque côté, des citoyens du monde dont les liens forts sont démontrés malgré la distance. Les deux utilisent aussi une narration chorale et une esthétique réaliste engagée. On pourrait opposer deux utilisations de la caméra épaule inspirées par le cinéma direct. Par exemple, les frères Dardenne (Rosetta) utilisent une esthétique se caractérisant par une caméra épaule nerveuse dont la mise en scène n’est pas connue de l’équipe au cadre. Le spectateur est alors un témoin impliqué dans le récit qui prend corps au travers du point de vue de la caméra. Garcia se compare davantage à une esthétique plus omnisciente comme le cinéma de Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours). Le cadre, dans ces cas, connait très bien la mise en scène. D’un côté, le réalisme vient du fait que le spectateur a l’impression que le tout est pris sur le vif, sans intervention d’un metteur en scène et de l’autre, l’effet de réel naît d’une sorte de reconstitution authentique. Le choix de non-acteurs vient d’ailleurs nourrir cet effet et peut-être compenser les interventions de la mise en scène. Le spectateur est alors un observateur plus froid et certainement, plus critique. Ceci est un choix esthétique bien habile dans notre cas.

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X Quinientos est pertinent à une époque où les discours nationalistes et où la stigmatisation de la migration triomphent, parfois. Même, si l’épisode de Montréal est moins bien exécuté (ce n’est pas la même direction photographique et le récit est moins solide), ceci témoigne bien de l’ouverture nécessaire du cinéma québécois. Cette coproduction Canada/Colombie/Mexique réclame un cinéma parfois subversif créé par ces gens d’autres nations… pas si « autres » au fond. Garcia, lui-même, un Colombien migrant au Mexique et à Montréal est l’un de ces citoyens du monde qui font un cinéma québécois? Un cinéma du monde plutôt !

Sortie :  vendredi 14 avril 2017
V.o. :  anglais, espagnol, français, tagalog
Sous-titres : anglais, français
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Genre :  Documentaire  – Origine : Canada / Colombie / Mexique –  Année :  2016 – Durée :  1 h 44  – Réal. :  Juan Andrés Arangao – Int. : Jemble Almazan, Bernardo Garnica Cruz, Jonathan Diaz Angulo  – Dist. :  Filmoption International.

Horaires
@
  Cinéma BeaubienCinéma du Parc

Classement
NC
(Non classé – Exempté)

MISE AUX POINTS
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