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L’avare

20 mars 2017

THÉÂTRE
★★★★
Texte : Élie Castiel

SOMMES-NOUS TOUS DES HARPAGON ?

La dernière pièce de la saison TDP n’a plus rien à prouver en ce qui a trait à son impact sur le public. Thème toujours actuel quelles que soient nos origines, des avares, il s’en trouve partout ; c’est une question d’individus et des idées qu’ils se font de l’argent, agent de tous les vices.

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Jean-François Casabonne (Harpagon) et Sylvie Drapeau (Frosine) — Photo : © Gunther Gamper

L’œuvre de Molière est toujours emblématique d’un nouvel ordre mondial marqué du sceau d’un capitalisme sauvage : en y regardant de près, car il s’agit, pour Claude Poissant, de situer l’œuvre dans un monde contemporain, Wall Street est dans les parages. Car ce n’est pas uniquement Harpagon qui veille sur son trésor, mais également ses proches, pourtant pas si éloignés de lui ; que seront-ils lorsqu’il sera mort ? Le comique, selon le metteur en scène, ou du moins c’est ce que nous observons, n’est pas essentiellement issu des situations, mais derrière ce que celles-ci cachent et nous empêchent parfois de voir clair.

La scénographie de Simon Guilbault y est pour quelque chose. Portes closes et ouvertes selon ce qui se passe sur scène. Changements de décors appropriés montrant un lieu où les personnages se défendent du mieux qu’ils peuvent pour résoudre une énigment pourtant pas si compliquée. Ce n’est pas seulement le pouvoir de l’argent qui est en cause, mais le pouvoir en soi, le contrôle, la domination.

Les victimes : l’amour, le filial, le familial, le personnel, mais aussi le rapprochement à l’autre. Pièce d’un autre siècle qui résonne encore aujourd’hui. Pour les élèves du secondaire, une ouverture sur le monde qui les attend on espérant qu’ils y prennent conscience et essaient de le changer. Pour les adultes, un rappel de leurs propres délires existentiels et de leur appartenance à une société obsédée par l’appât du gain.

Ce n’est pas seulement le pouvoir de l’argent qui est en
cause, mais le pouvoir en soi, le contrôle, la domination.

La lumière grise d’Alexandre Pilon-Guay illumine sournoisement cet univers glauque et pourtant si transparent de notre propre vécu. Entourés de nouvelles têtes, tous des comédiens fort convaincants, dont une Cynthia Wu-Maheux magnifique et un Bruno Piccolo, qui semble amusé et convaincu de son personnage de Dame Claude, aussi subtile que discret, Jean-François Casabonne et Sylvie Drapeau saisissent la scène, tout en permettant aux autres de s’exprimer librement.

Car le TDP, c’est la sobriété des mises en situations, une porte d’accès à l’aventure théâtrale. Ce constat nous amène à confirmer qu’il remplit magnifiquement sa mission. Sans compter que sa salle parallèle, celle du théâtre indépendant, manifeste admirablement bien le registre culturel de notre ville.

Mais en fait, sommes-nous tous des Harpagon ? À chacun de répondre.

Séquences_Web

Auteur : Molière – Mise en scène : Claude Poissant – Scénographie : Simon Guilbault – Costumes : Linda Brunelle – Éclairages : Alexandre Pilon-Guay – Musique : Laurier Rajotte, avec un thème intégré de F. Schubert – Distribution  : Jean-François Casabonne (Harpagon), Sylvie Drapeau (Frosine), Simon Beaulé-Bulman (Cléante), Laetitia Isambert (Élise), Jean-Philippe Perras (Valère), Cynthia Wu-Maheux (Mariane), Gabriel Szabo (la Flèche, valet de Cléantre), Samuel Côté (maître Jacques), Bruno Piccolo (le commissaire, Dame Claude), François Ruel-Côté (divers personnages) – Production : Théâtre Denise-Pelletier | Durée : 1 h 50 approx. (sans  entracte) – Représentations : Jusqu’au 8 avril 2017 – TDP.

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel.  ★★★★  Très Bon.  ★★★  Bon.  ★★  Moyen.   Mauvais.  ½ [Entre-deux-cotes]

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