En salle

A Cure for Wellness

16 février 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Sur la trace de son patron dans un centre de bien-être, quelque part en Suisse, un jeune cadre devient la proie des dirigeants de l’établissement qui proposent à leurs clients des méthodes de soins inusités.

CRITIQUE
★★★
Texte : André Caron

LE SYSTÈME DU DOCTEUR HAYTHE
ET DU PROFESSEUR VERBINSKI

Gore Verbinski adore le cinéma de genre : horreur (The Ring), pirates (les trois premiers Pirates of the Caribbean), animation (Rango), western (The Lone Ranger), ce dernier film ayant coûté les yeux de la tête et connu une débâcle spectaculaire malgré des qualités indéniables. Pourtant, on oublie que le cinéaste a commencé sa carrière avec un petit film modeste mais délectable, Mousehunt, une comédie burlesque mâtinée de fantastique. Pour lui, ce qui compte par-dessus tout, ce sont les idées cinématographiques et le potentiel visuel du récit. Tout cela est amplement illustré dans A Cure For Wellness. Son amour pour le cinéma d’horreur (et son sous-genre sur les savants fous) se manifeste dans cette histoire tordue, concoctée par son scénariste Justin Haythe et lui-même, qui semble prendre racine autant dans la chanson des Eagles Hotel California (« You can check-out any time you like, but you can never leave » [Vous pouvez quitter quand vous le voulez, mais vous ne pouvez jamais partir]) que dans la nouvelle à la fois satirique et horrifique d’Edgar Allan Poe, The System of Dr. Tarr and Professor Fether (1845), qui raconte la soirée angoissante d’un jeune homme visitant un château délabré transformé en asile où les fous ont pris le contrôle et emprisonné le personnel.

Dans la chanson inspirée de cette nouvelle sur le disque Tales of Mystery and Imagination du Allan Parson’s Project (1976), une strophe traduit bien l’esprit de ce film : « Just what you need to make you feel better, (…) All that you need is wine and good company » (Tout ce dont vous avez besoin pour vous sentir bien, (…) Tout ce que vous avez besoin est du vin et de bons copains). Remplacez le vin par l’eau et bingo ! Vous vous retrouvez dans le sanatorium du docteur Volmer (Jason Isaacs, au regard glacial et à la mâchoire crispée) qui s’apparente à celui bien réel que le docteur John Harvey Kellog, un adventiste du 7e Jour, avait inauguré au début du XXe siècle au Michigan. Sa méthode de purification de la flore intestinale par l’eau ressemble à s’y méprendre à celle du docteur Volmer, quoique son but n’était pas aussi… diabolique.

Certains seront sans doute déçus de la tournure en série Z qu’emprunte le film à la fin, mais je n’en ai cure : moi, j’ai apprécié le travail de mise en scène de Gore Verbinski, les trouvailles narratives de Justin Haythe et la lumière de Bojan Bazelli, le directeur photo de The Ring (2002), qui passe sans crier gare d’une opacité ténébreuse à une luminosité flamboyante.

A Cure for Wellness

Ce système fantastique développé par Haythe et Verbinski
repose sur un procédé fort simple mais diantrement efficace :
introduire un clin d’œil ou une référence, puis les détourner de leur
fonction ou de leur association première pour créer un nouvel impact.
Le résultat est souvent étonnant, parfois ludique et carrément
jubilatoire vers la fin, surtout si vous vous laissez prendre au jeu.

Dès la séquence d’ouverture, Verbinski installe davantage un climat d’angoisse que d’horreur. Il filme une situation très simple (une crise cardiaque) avec des détails insolites : le choc de la douleur, l’œil hagard de la victime, les très gros plans sur l’eau qui s’écoule et… y a-t-il quelque chose dans cette eau ? Ce climat imprègne tout le film et rappelle fortement le Shutter Island de Scorsese (il y a même un plan à l’entrée du sanatorium qui est un hommage direct à ce film). D’autant plus que Lockhart (« locked heart » – cœur fermé à clé), le protagoniste conservateur et pragmatique, est joué avec aplomb par Dane DeHaan qui ressemble à Leonardo DiCaprio dans sa période Titanic. L’étrangeté nous guette à chaque détour de ce château restauré et transformé en maison de santé : un bruit sourd provenant d’une grille souterraine, le cliquetis de la clenche du réservoir d’une toilette, des dépôts blanchâtres dans les échantillons d’urine des patients. Très tôt, Lochart soupçonne qu’il y ait anguille sous roche. De vraies anguilles ! Qui infestent les eaux sous les fondations du château et qui envahissent les rêves et les hallucinations de Lockhart. Il y a une scène formidable dans sa terreur sourde qui renvoie au caisson d’isolement aperçu au début du Altered States (1980) de Ken Russell : flottant dans une cylindre vertical, Lockhart se réveille entouré d’anguilles géantes… pour se rendre compte qu’il ne s’agit que d’une hallucination. Mais les a-t-il vraiment imaginées ?

Ce système fantastique développé par Haythe et Verbinski repose sur un procédé fort simple mais diantrement efficace : introduire un clin d’œil ou une référence, puis les détourner de leur fonction ou de leur association première pour créer un nouvel impact. Le résultat est souvent étonnant, parfois ludique et carrément jubilatoire vers la fin, surtout si vous vous laissez prendre au jeu. Ainsi, le château typique des films de Frankenstein et de Dracula produits par la Hammer devient le sanatorium, les masques de peau des Yeux sans visage de Franju changent de fonction, la jambe dans le plâtre de Lockhart (allusion à Misery) ne le rend pas impuissant mais le retient tout de même sous l’emprise de Volmer, les visages hideux et déformés du Phantom of the Opera, de The Abominable Doctor Phibes et de Face/Off sont fusionnés dans une scène grandguignolesque et grotesque. Le final ne manque pas de rappeler The Fearless Vampire Killers (1967) de Polanski, avec ce feu rougeoyant et ces convives déjantés. Certains seront sans doute déçus de la tournure en série Z qu’emprunte le film à la fin, mais je n’en ai cure : moi, j’ai apprécié le travail de mise en scène de Gore Verbinski, les trouvailles narratives de Justin Haythe et la lumière de Bojan Bazelli, le directeur photo de The Ring (2002), qui passe sans crier gare d’une opacité ténébreuse à une luminosité flamboyante.

Sortie :  vendredi 17 février 2017
V.o. :  anglais  / version française
Cure de bien-être

Genre :  SUSPENSE – Origine :  États-Unis / Allemagne  –  Année :  2017 – Durée :  2 h 27  – Réal. :  Gore Verbinski – Int. :  Dan DeHaan, Jason Isaacs, Mia Goth, Harry Groener, Ivo Nardi, Celia Imrie – Dist./Contact :  Fox.
Horaires : @  Cineplex

CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Horreur)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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