En salle

Neruda

19 janvier 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Critique acerbe du gouvernement chilien pendant la Guerre Froide, en 1948, le célèbre poète Pablo Neruda doit se cacher avec son épouse, la peintre Delia del Carril, alors que les instances gouvernementales ont confié à un certain inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de l’arrêter.

CRITIQUE
★★★★★
Texte : André Caron

LA POÉSIE DE NERUDA,
LA VIRTUOSITÉ DE LARRAÍN

Avant de se lancer dans l’aventure de Jackie avec Nathalie Portman, son premier film américain, le cinéaste chilien Pablo Larraín (No, El Club) s’est permis une réflexion à la fois poétique et politique sur l’escapade du grand poète Pablo Neruda. Il construit un récit énigmatique où s’entremêlent vérité et fiction avec une magistrale virtuosité : de longs travellings langoureux ponctués de jump cuts judicieux qui créent cadence et rythme, des projections arrières volontairement artificiel qui renvoient directement aux vieux films hollywoodiens des années 1940 (période évoqué dans le film), des extérieurs ensoleillés baignant dans une lumière surexposée et des couleurs délavées qui rappellent le vieux procédé Ektachrome, des intérieurs aux décors somptueux et minutieusement détaillés dont la photographie épouse le Technicolor d’autrefois avec ces couleurs primaires riches et saturées. Le tout enrobé d’une musique grave, parfois originale mais souvent composée de morceaux choisis. Les dissonances de Penderecki n’auront jamais été employées aussi dramatiquement et efficacement depuis The Shining.

Un récit énigmatique où s’entremêlent vérité et fiction avec
une magistrale virtuosité : de longs travellings langoureux
ponctués de jump cuts judicieux qui créent cadence et rythme,
des projections arrières volontairement artificiel qui renvoient
directement aux vieux films hollywoodiens des années 1940…

Si la fuite de Neruda à travers les montagnes du Chili est réelle, le personnage du policier Óscar Peluchonneau incarne la fiction. D’ailleurs, son nom sonne phonétiquement comme « polichinelle », un détective factice, réactionnaire, maladroit, naïf, bureaucrate. Il est tout droit sorti du chef-d’œuvre de Bertolucci, Le conformiste, dont les motifs contrastés empruntés au directeur photo Vittorio Storaro imbibent quelques scènes où il est présent. Sa voix-off commente les faits et gestes du périple de Neruda. On ne peut donc pas la prendre au premier degré ni au sérieux, car il représente le point de vue fasciste, mais en même temps, il est la création du poète. C’est comme si Neruda inventait une fiction qui le traque pour mieux se remettre lui-même en question, telle une conscience malfaisante. En effet, Neruda se comporte comme un aristocrate décadent qui défend dans ses textes les intérêts des travailleurs, qu’ils le veuillent ou non. Mais les écrits demeurent et Neruda a raison de craindre le pire, puisque l’éclosion du fascisme au Chili en 1948 va conduire irrémédiablement à Pinochet, introduit brièvement dans le film.

Pablo Larraín retrouve dans Neruda ses trois interprètes principaux de No : le formidable Luis Gnecco, véritable sosie du poète engagé ; Gael Garcia Bernal, magnifique caméléon transformé pour l’occasion en policier conformiste et le délectable Alfredo Castro, suintant l’arrogance dédaigneuse et le dignité feinte dans le rôle ingrat du président Videla.

Neruda

Sortie : vendredi 20 janvier 2017
V.o. :  espagnol, français / s.-t.f. & s.-t.a.
Neruda

Genre :  DRAME BIOGRAPHIQUE  – Origine : Chili / Argentine / France / Espagne / États-Unis  –  Année :  2016 – Durée :  1 h 47– Réal. :  Pablo Larraín – Int. : Luis Gnecco, Gael Garcia Bernal, Pablo Derqui, Alfredo Castro, Mercedes Morán, Emilio Guttiérrez Caba – Dist./Contact :  [The Orchard].
Horaires : @  Cinéma BeaubienCinéma du Parc

CLASSEMENT
NC
(Non classé)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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