En couverture

Dialogue des carmélites

29 janvier 2017

OPÉRA /
CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

LE BON DIEU SANS CONFESSION

Contemporain de Georges Bernanos (1888-1948), écrivain français controversé au style romanesque et pamphlétaire qui passe d’un antisémitisme de mauvaise conscience à une dénonciation franche de l’antisémitisme nazi et pétainiste, Francis Poulenc (1889-1963) compose, entre autres, la musique du Dialogue des carmélites, seule pièce de théâtre de Bernanos, inspirée de la nouvelle de Gertrud von Le Fort, La Dernière à l’échafaud (Die letzte am Schafott), marquant le retour du compositeur au catholicisme après la mort, pourtant lointaine, de son père, en 1935.

Auparavant, ses œuvres ne sont-elles pas le résultat d’une vie « marginale » (aujourd’hui, ça se ne dit plus, et c’est tant mieux ainsi !) d’homosexuel bourgeois ? Musique minimaliste au diapason d’une ère musicale moderne qui se distingue par ses abstractions et un sens inné de l’instinct. Les temps changent.

© Yves Renaud

Une histoire de vocation, de foi, de peur de la mort, mais aussi de résignation et sans doute de rédemption (PHOTO : © Yves Renaud)

Le récit commence en 1789 lorsque Blanche de la Force annonce à son père qu’elle a l’intention d’entrer au Carmel de Compiègne. Mais bientôt, c’est la Révolution française avec tout ce que cela apporte de sentiments anti-religieux. Une histoire de vocation, de foi, de peur de la mort, mais aussi de résignation et sans doute de rédemption. La fin de ce délicat et profond récit, à vous de la découvrir si vous n’avez pas encore lu la pièce de Bernanos, l’opéra de Poulenc, ou encore le film de Philippe Agostini, Le dialogue des carmélites (1960).

Ensuite, il y a une mise en scène, celle de l’Opéra de Montréal, signée par l’inimitable Serge Denoncourt. Incapable de se dégager de son emprise théâtrale, et cela nous convient parfaitement bien, le metteur en scène propose à Guillaume Lord des décors d’une simplicité monacale, dégageant une palette de couleur blanche et grise qui convient indiscutablement à l’état d’esprit de l’œuvre en question.

Trait à souligner. À l’instar des mises en scènes théâtrales,
Serge Denoncourt a tenu à s’entourer d’une équipe artistique
triée sur le volet, s’assurant que cette proposition tombe à point.

Les éclairages de Martin Labrecque, magnifiquement étalés, se présente comme des annonciations, notamment dans la dernière scène, à couper le souffle, raison de plus de se laisser séduire par une trame musicale dont l’accent dramatique transcende l’émotion. Cette scène, c’est de la pure imagination, de la création artistique dans ce qu’elle a de plus viscéral. Trait à souligner. À l’instar des mises en scènes théâtrales, Serge Denoncourt a tenu à s’entourer d’une équipe artistique triée sur le volet, s’assurant que cette proposition tombe à point.

© Yves Renaud

La fin de ce délicat et profond récit, à vous de la découvrir (PHOTO : © Yves Renaud)

Si on peut émettre quelques légères réserves quant à la transposition de l’action au XXe siècle, évoquant les bouleversement d’une Première Guerre mondiale menaçante – sur ce point, les costumes de Dominique Guindon s’accordent harmonieusement à l’époque voulue, notamment en ce qui a trait aux soldats et aux rôles masculins –  on ne regrettera pas cette incursion en milieu confessionnel, là où les rapports à Dieu, à la foi, à l’être humain et aux sacrifices demeurent encore d’une actualité indéniable. Oui, comme notre titre l’indique, « Le bon Dieu sans confession », car pour ces religieuses du Carmel, le péché n’est-il pas remis en cause chaque jour de leur existence ?

La diction claire et précise des chanteuses et chanteurs nous évitaient souvent d’avoir recours au sous-titres : clarté, tonalités dramatiques à points, rythme convenu. Par ailleurs, on ne louera jamais assez la direction musicale de Jean-François Rivest et les accords des musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal, tous plein d’assurance pour une œuvre exigeante qui appelle au sens de la perfection.

sequences_web

DRAME EN TROIS ACTES | Compositeur : Francis Poulenc – Livret : Francis Poulenc, d’après la pièce de Georges BernanosMise en scène : Serge Denoncourt – Décors : Guillaume Lord – Costumes : Dominique Guindon – Éclairages  : Martin Labrecque – Distribution  : Mariane Fiset (Blanche de La Force), Marie-Josée Lord (Madame Lindoine), Mia Lennonc (Madame de Croissy), Aidan Ferguson (Mère Marie de l’incarnation), Magali Simard-Galdès (Sœur Constance de Saint Denis), Gino Quilico (Le Marquis de La Force), Antoine Bélanger (Chevalier de La Force), ainsi que Caroline Gélinas, Lauren Margison, Keven Geddes, Max Van Wick, Geoffroy Salvas, Dominic Lorange – Direction musicale : Jean-François Rivest  / Orchestre symphonique de Montréal & Chœur de l’Opéra de Montréal – Production : Nouvelle production de l’ODM Inc. | Durée : 2 h 50 (1 entracte) – Autres représentations : 31 janvier, 2 et 4 février 2017 / 19 h 30 – Place des Arts (Salle Wilfrid-Pelletier)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon   ★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]

2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.