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Batsheva Dance Company

20 janvier 2017

DANSE /
CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

LAST WORK
           CORPS POLITIQUE

Indiscutablement, il s’agit du représentant par exception de la danse moderne en Israël et parmi les plus acclamés à travers le monde. Et pourtant, ce n’est qu’à 22 ans qu’il joint l’univers de la danse, à un âge ou certains sont déjà au beau milieu de leur carrière dans le domaine.

Toujours est-il que Last Work, présenté à Tel Aviv en 2015 se classe parmi une de ses propositions les plus personnelles et discursives. Le corps, ses composantes, ses multiples possibilités. Et puis l’individu, ses limites, son énergie, son rapport organique à lui-même et aux autres.

Batsheva Dance Company

© Gadi Gadon

Une filiation physique qui traverse irritablement la scène pour rejoindre un public, mais pas n’importe lequel, celui attiré par l’inconscient du réel devenu forme. Car chez Naharin, c’est aussi le forme, la structure, la géométrie du mouvement. Comme un refus conscient d’intellectualiser la danse, de la rendre démocratique (d’où son mouvement populaire Gaga, qui ne cesse de croître en Israël. Mouvement artistique rebelle dans un pays où les conflits sont une façon de vivre. Le classique n’existe ici que dans le mouvement. Les danseurs sont formés car il proviennent de grandes écoles de danse, notamment européennes.

Défenseur de la chorégraphie moderne, sans doute dû à un début en danse aussi tardif qu’inattendu, le célèbre chorégraphe n’interdit pas l’improvisation maîtrisée, ou peut-être même quelque chose qui n’a pas de nom, mais qui serait une sorte d’impulsion venant des viscères et du cerveau. Comme un affect momentané et réjouissant qui arrive également à atteindre l’âme.

C’est bien le cas puisque le danseur, notamment le mâle, n’est plus un artiste maquillé, rasé, convenu, mais un être animal, survolté, souvent barbu, qui se plie aux instants de la vie. Tel est le constat d’Ohad Naharin, sociologue de la danse, intellectuel bien entendu, contredisant notre pensée antérieure puisque le corps est fait de correspondances et de désaccords. Qu’importe puisque Last Work est menée au rythme lancinant d’une musique minimaliste qui peut agacer certains, mais qui apèse nos sens si on suit avec attention les mouvements des danseurs.

L’énergie, la force, la résistance sont
ainsi convoquées. Et vers les dix dernières
minutes, le son musical annonce un autre
extrême, nous réveillant de notre douce
torpeur par un rythme enlevant et électrisant…

Les lois de la gravités sont interpellées ; les artistes sont debout, ensuite au sol ; seuls ou accompagnés. Jamais gestes collectifs n’ont été aussi souverains. Et puis la danseuse en bleu, à la queue de cheval qui vue de loin, de profil, nous paraît rousse (ou est-ce l’éclairage qui nous fait faux bond ?). Cela importe peu, au fond la scène, elle court sans cesse tout au long du spectacle.

L’énergie, la force, la résistance sont ainsi convoquées. Et vers les dix dernières minutes, le son musical annonce un autre extrême, nous réveillant de notre douce torpeur par un rythme enlevant  et électrisant alors qu’à un moment, un drapeau blanc fait surface dans un geste d’arrêt des combats. Auparavant, le bruit fugitif d’un fusil. Geste politique d’une danse moderne sur l’état inconscient du monde, mais qu’Ohad Naharin ramène à un quotidien pour mieux raconter la vie sociopolitique d’aujourd’hui de son pays, et pourquoi pas de l’Occident.

Ils sont d’Israël et de partout, ces danseusrs. Car en ce qui a trait à l’art collectif, Israël démocratise son engagement et le rend universel. Les murs et les frontières finissent par tomber.  Un monde apparaît.

Batsheva Dance Company 2

© Gadi Gadon

Une coproduction Batsheva Dance Company / Danse danse, avec le soutien de l’Ambassade d’Israël et du Consulat général d’Israë à Montréal. | Repésentations : Ce soir et demain 21 janvier 2017 / 20 h – Théâtre Maisonneuve (Place des Arts) | Durée : 1 h (sans entracte).

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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