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Constellations

8 octobre 2016

THÉÂTRE
★★★★
Texte : Élie Castiel

L’INSOUTENABLE
PHYSICALITÉ DE L’ÊTRE

Lui, c’est Roland. Elle, c’est Marianne. Et puis, une violencelliste, Jane Chan, tout aussi discrète qu’adaptée à une mise en scène circulaire et inventive signée Peter Hinton, en pleine possession de ses moyens techniques, l’œil observateur, l’imaginaire fertile, apprivoisant les mots de Nick Payne en les incarnant à travers deux corps en transition.

PHOTO : © Andrée Lanthier

PHOTO : © Andrée Lanthier

Deux comédiens, Graham Cuthbertson, convaincant, investi dans un rôle ingérable parce que dominé par les lois de la science ; puis Cara Ricketts, impeccable, encerclée dans le même paradoxe terrestre. Entre eux, une histoire d’amitié, puis d’amour, puis de bonheur, suivie de mots tendres, mais aussi déchirants, les soumettant à une prise de conscience sur la notion de couple.

La science et le théâtre trouvent dans Constellations un terrain d’entente, une raison d’être qui comporte également des fissures, des compromis, des erreurs de parcours, des courts-circuits. Tout cela au nom de l’indélébile corporalité de l’être.

Marianne dira à quelques reprises que le spirituel, qui aide à ne pas avoir peur de la mort, semble avoir disparu de nos vies, existences, aujourd’hui, faites de matière, de courses vers une logique implacable, mais pourtant si utopique.

Vivre l’univers, le sentir jusqu’à qu’il traverse nos veines, aimer et se faire aimer, dans un sens,  à brûle-pourpoint, quitte à ce que ça finisse un jour… et ça finira un jour. Pour mettre en évidence cette idée de l’existence, Peter Hinton déploie un espace scénique comme s’il s’agissait d’une piste de cirque qui ne fait que tourner (ou presque), une façon comme une autre de signifier la circonférence du monde, tournant perpétuellement.

Comme fond de scène, un miroir déformant qui
avale les personnages, soulignant ainsi jusqu’à
quel point le beau, le logique et le raisonné
ne sont que des abstractions éphémères.

Pour rendre le langage commode à l’ouïe, l’humour est de rigueur, les gestes explosent parfois et les deux personnages se donnent entièrement à un énigmatique jeu de séduction en même temps qu’étrange et proche de nous.

Comme fond de scène, un miroir déformant qui avale les personnages, soulignant ainsi jusqu’à quel point le beau, le logique et le raisonné ne sont que des abstractions éphémères. Beau jeu de mise en situation qui nous fait prendre conscience de nos vies et de nos priorités. Avec Constellations, grand succès au Manhattan Theatre Club de New York  et en Grande-Bretagne, le Centaur inaugure la saison 2016-2017 sous le signe de l’intelligence et de l’interrogation ; c’est aussi une pièce méditative qui range la métaphysique de l’amour et du partage au service de tous. Entre la vie et la science, les fragments de tous les possibles ne sont pas si éloignés les uns des autres. Il suffit d’y voir de près.

À Montréal, le théâtre de langue anglaise doit être découvert parce qu’il cache de multiples talents. Le détour en vaut la peine.

Séquences_Web

Texte : Nick Payne – Mise en scène : Peter Hinton – Décors : Michael Gianfrancesco – Costumes : Michael Gianfrancesco – Éclairages  : Andrea Lundy – Conception sonore : Peter Cerone – Comédiens  : Graham Cuthbertson (Roland), Cara Ricketts (Marianne), Jane Chen (violencelliste) – Production : Centaur Theatre / Canadian Stage Compagny (Toronto) | Durée : 1 h 30 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 30 octobre 2016Centaur.

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). (Mauvais). ½ [Entre-deux-cotes]

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