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École nationale de cirque 2016

3 juin 2016

CRITIQUE
Texte : Élie Castiel

RÉALISER L’UTOPIQUE

DEMAIN
★★★★

Spectacle annuel ENC 2016 à la Tohu.

Demain de Marie-Josée Gauthier (© Roland Lorente)

Marie-Josée Gauthier a conçu un espace circassien où la simplicité côtoie l’inventif, mais en même temps marquant indubitablement ce qui semble être une nouvelle approche à l’ÉNC. Les nombreux numéros trapéziens d’autrefois semblent plus réduits et donnent place à des prestations terrestres. L’ensemble des artistes s’animent autour de la scène dont les caractéristiques ovales, en plus de l’immense ballon-monde, rappellent un univers en pleine abandon et pourtant si peuplé de gens de bonnes intentions.

Demain présente des valises, signes du départ, de l’arrivée, de l’exil, de l’ailleurs, de la recherche d’un paradis tant souhaité, d’un oasis de paix où les humains pourraient s’entendre. En termes de danse, beaucoup plus chorégraphié que les spectacles précédents, Demain est une prise de conscience du corps dans tous ses états : calme, sérénité, abandon, rapport à l’autre et aux autres.

Les pas de deux ne sont plus le panache des couples hétérosexuels. Avec une élégance sans pareille, une subtilité de tous les instants, le duo masculin exerce un sentiment à la fois d’étonnement et de plaisir esthétique chez les spectateurs. Si l’on en croit par la mise en piste de Gauthier, « demain » caresse des signes  d’espoir et de réconciliation. Ces souhaits sont vivifiés par des partitions musicales qui font honneur aux Balkans. Certes, aux accents slaves de Goran Bregovic qui convoquent un Emir Kusturica à son meilleur, s’entrecroisent ceux mélancoliques de la Grecque Eleni Karaindrou, autrefois assurant la direction musicale dans les films de Theo Angelopoulos. Un premier spectacle de fin d’année somme toute époustouflant.

COLIBRI
★★★  ½

À partir de l’espoir promis dans Demain, Edgar Zendejas propose ici un nouveau départ, une vision du monde améliorée, revue et départie de ses multiples erreurs. À partir des concepts de Liberté, d’Épanouissement et de retour à la Beauté, le metteur en piste crée un univers entre l’attachement à la terre et l’envie de voler, d’où un recours plus régulier aux performances aériennes.

Colibri (PHOTO : Roland Lorente)

Colibri d’Edgar Zendejas (© Roland Lorente)

Les pas de deux se succèdent avec harmonie, donnant aux artistes un autonomie totale. Celui éxécuté sur un air de tango demeure le clou du spectacle. Sensualité, érotisme, intimité des rapports affectifs, complicité du regard complice avec les spectateurs, ces moments demeurent inoubliables tant ils éveillent nos sens, font vibrer nos cordes sensibles et accueillent en même temps un nouveau visage de l’acte chorégraphique circassien.

L’ensemble musical, plus classique, dominé par Atomos, soulève les passions et projette une sorte de révélation chez les artistes de cirque totalement absorbés par leurs personnages. Des rôles entre le réel réinventé et l’imaginaire reconduit à ses pulsions les plus profondes et instinctives.

Entre Demain et Colibri, un dénominateur commun : une volonté, par la jeunesse, de revoir un monde actuel aussi confus, malmené et sans espoir en lui administrant des doses d’imaginaire, de fantaisie et de songes utopiques prêts, malgré tout, à se réaliser. La cohorte 2016 de l’École nationale de cirque s’est donnée pour mission de repenser l’aujourd’hui, digne d’un autre idéal.

Séquences_Web

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★  Très Bon. ★★★  Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

Représentations : En alternance jusqu’au 12 juin 2016,  à la TOHU.

 

 

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