En salle

Cemetery of Splendour

18 mars 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans la grande salle commune d’un hôpital installé dans une ancienne école, sont alignés les lits où dorment presque continuellement des soldats démobilisés, en proie à une étrange maladie.

LE FILM DE LA SEMAINE
« Meilleur film étranger »
Online Film Critics Society Awards 2015

Cemetery of Splendour_En salle

EXTRAIT
Texte : Anne-Christine Loranger
★★★★ 

DU RÉEL, CONDUIS-MOI VERS LE RÉEL

Les fans de Matrix se souviennent de la chanson finale de la trilogie, intitulée Neodammerung, référence à l’opéra Götterdammerung (Le Crépuscule des Dieux), de Wagner. Les mordus en connaissent les premières paroles en sanskrit: ‘asato mā sad gamaya’. Les fans finis savent que cette ligne est tirée du Brihadaranyaka Upanishad, texte hindou sacré formant le corpus du Yajur Veda. Et les tout-à-fait enragés vous en réciteront la signification i.e. ‘de l’irréel, conduis-moi au réel’. Tout cela pour dire que Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethkul accomplit l’effet inverse: il nous conduit du réel vers l’irréel. De l’anti-Matrix, en somme. Et ô combien!

Weerasethakul doit être le seul réalisateur au monde à pouvoir endormir son public sur une scène de fellation. Non que ses films soient inintéressants: au contraire l’humour, le surnaturel et le sexe – de même que des paysages de rêve, y sont toujours au rendez-vous. Mais ils sont traités avec une candeur d’une innocence telle qu’elle renvoie à la plus simple et la plus ordinaire. La qualité hypnotique des films de ce réalisateur thaïlandais, leur magie même, tient au fait que les moments généralement traités par le cinéma dans un branle-bas de combat d’images et d’effets sonores passent dans le champs de sa caméra dans une simplicité cinématographique quasi totale. Il en résulte une impression de quotidienneté, le spectateur demeurant à peine étonné – et pas du tout choqué, de ce qu’il voit. Une scène de masturbation en gros-plan ? Tiens… (Blissfully Yours, 2002). L’amant de ce type s’est transformé en un tigre ? Ah bon… (Tropical Malady, 2004). Cette jeune fille s’est fait violer encore enfant par son employeur ? Certes, mais racontez-nous. plutôt une histoire… (Mysterious Object at Noon, 2000). La palme est (littéralement) revenue à Oncle Boonmee – celui qui se souvient de ses vies antérieures (2010), où un poisson-chat effectue, sans façon, un cunnilingus sur une princesse défigurée. Ah ouais…

Dans Cemetery of Splendour, c’est dans le monde
virtuel  que se déroule le combat tandis qu’on roupille
dans le monde réel.  Le peuple thaïlandais est-il l’acteur
ou le prisonnier de ses rêves? C’est là toute la question.

Dans un hôpital, des soldats frappés d’une mystérieuse narcolepsie, s’endorment à tout bout de champs. Jenjira, une femme âgée qui a une jambe plus courte que l’autre, s’attache à l’un d’eux, le visite, le masse, lui fait la lecture. Un lien se tisse entre elle et lui, alors que les pensées du soldat endormi lui deviennent perceptible. Jenjira apprendra que l’hôpital est bâti sur un cimetière des ancien rois thaïlandais et que ces derniers tirent l’énergie vitale des soldats pour continuer à guerroyer. Keng, une médium qui communique les messages des soldats endormis à leur famille, offre à Jenjira de servir de conduit spirituel entre elle et le soldat, lui permettant ainsi de visiter le palais des rois guerriers. Cette promenade donnera lieu à un geste de guérison physique et psychique aussi grotesque qu’intime.

… La topographie de l’expérience cinématographique s’en trouve bouleversée, les canyons devenant montagne et les fleuves laissant place au désert. Dans Matrix, le virtuel et le réel représentent deux mondes séparés, le but étant de s’éveiller du premier pour combattre au sein du second l’esclavage dans lequel se trouve l’humanité, prisonnière d’un rêve collectif. Dans Cemetery of Splendour, c’est dans le monde virtuel que se déroule le combat tandis qu’on roupille dans le monde réel. Le peuple thaïlandais est-il l’acteur ou le prisonnier de ses rêves? C’est là toute la question.

Texte intégral
Séquences ( nº 301, pp. 3-5,  suivi
d’une entrevue avec le réalisateur)
En kiosque

Sortie : vendredi 18 mars 2016
Version originale : thaï
Sous-titres : anglais
Rak ti khon kaen

Genre :  ESSAI POÉTIQUE – Origine :  Thaïlande / Grande-Bretagne / France / Allemagne / Malaisie / Corée du Sud / Mexique / États-Unis / Norvège -–  Année :  2015 – Durée :  2 h 02  – Réal. : Apichatpong Weerasethakul – Int. : Jenjura Pongpas, Banlop Lomnoï, Jarinpratta Rueangram, Petcharat Chaiburi, Sakda Kaewbya, Tawatchai Buawat –  Dist. / Contact : EyeSteelFilm.
Horaires :  @ 
Cinéma du Parc

CLASSEMENT
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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