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Münchhausen : Les machineries de l’imaginaire

17 novembre 2015

SARAH ET LES AUTRES
AU(X) PAYS DES MERVEILLES

Élie Castiel
THÉÂTRE
★★★★

Spectacle forain, divertissement anodin, univers de l’enfance, imaginaire, rêve et fantaisie. C’est tout cela la création Münchhausen… lieu de tous les possibles, où l’utopie se concrétise en réalité. Un réel sorti tout droit de l’imagination de la troupe Galimard & Fils qui, de génération en génération, redonne le besoin de créer et la liberté de rêver.

L’adaption d’Hugo Bélanger est au goût du jour. Ce n’est plus Galimard & Fils, mais Galimard & Fille. Comme quoi les nouvelles traductions d’une œuvre millénaire peuvent et se doivent de s’adapter aux nouveaux mondes.

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Audrey Talbot (Sarah) et Félix Beaulieu-Duchesneau (Carl Friedrich Hyeronymus) — © Frédérick Bouchard

Mais la mise en scène, d’une luminosité incroyable fait sursauter de joie. Mises en situations complices avec les comédiens et une salle conquise par ces nombreux jeux de mots, pirouettes, sous-entendus, métaphores politiques actuelles, mélange de sérieux et de loufoque, imitant la vie comme jamais auparavant. Hugo Bélanger est totalement conscient de l’intelligence du propos et de sa répercussion chez le public ; d’où une mise en scène sur tons doux-amers évoquant l’idée de voyage, d’exil, de nostalgie.

Nous sommes constamment sur notre siège, comptant chaque seconde du spectacle, en attente qu’un nouvel événement vienne nous surprendre. Le jeu ne s’arrête pas, l’atmosphère ludique se propage partout, sur scène et dans le théâtre, rappelant sans cesse le succès de l’an dernier, D’Artagnan et les Trois Mousquetaires, mis en scène majestueusement par un Frédéric Bélanger aussi enthousiaste que jamais.

Mise en abyme également entre le rideau du théâtre imaginaire et celui, resté relevé, de la scène du vrai théâtre. En plus de deux heures, notre quotient intellectuel devient enfant, donc beaucoup moins cynique, naturel, imaginatif. Nous y sommes conscients et en demandons plus. L’enthousiasme se propage dans la salle, prouvant jusqu’à quel point le théâtre est le lieu de toutes les réconciliations. On parle d’abord de rêves et d’imaginaire, mais aussi de politiciens qui n’ont rien compris aux enjeux sociaux ; d’argent et de son importance dans le monde ; de la transmission des valeurs ; de l’amour filial et finalement de l’humain dans son cadre social.

Marie-Ève Trudel (Vénus) et Félix Beaulieu-Duchesneau)

Marie-Ève Trudel (Vénus) ; Félix Beaulieu-Duchesneau (Carl Friedrich Hyeronimus) et Audrey Talbot (Sarah, parterre) — © Frédéric Bouchard

Cinq actes, cinq situations, cinq (ir)réalités. Et Münchhausen dans chacune d’elles. Présent, essayant de voler la vedette, à juste titre, comme il se doit. Il représente le philosophe volage, le désir de vivre sans obstacles, la liberté de choisir.

Le rideau sur la scène est en piètre état. Peu importe : le Baron Münchhausen le transforme de mille et une façon, rencontre les personnages les plus colorés de la terre imaginée et se permet des voyages dans des ailleurs improbables, nous faisant découvrir quelques-uns des moments et iondividus les plus excentriques : Sarah, La Sirène, L’Impératrice de la lune, Vénus, la vieille Dame et la Mort. Mais toutes ces créatures font face à nous selon les codes immémoriaux de jeu, sans nous faire peur, proches de nous.

Fable existentielle, humaniste et tout autant contemporaine, Münchhausen… carbure à la vitesse des grands chemins, se permet quelques arrêts tout aussi brillants qu’agréablement intempestifs, mais finit par nous donner une leçon de morale fort bien méritée. Nous ressortons de la salle réjouis et prêts à affronter la vie, beaucoup moins accomodante néanmoins que celle du Baron Münchhausen. Le jeu en vaut la chandelle.

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MÜNCHHAUSEN : LES MACHINERIES DE L’IMAGINAIRE | Adaptation : Hugo Bélanger, d’après Les Aventures véritables et véridiques du Baron de MünchhausenMise en scène : Hugo Bélanger – Scénographie : Francis Farley-Lemieux – Éclairages  : Martin Gauthier – Musique / Son : Patrice d’Aragon – Costumes : Véronique Denise – Comédiens : Félix Beaulieu-Duchesneau, Eloi Cousineau, Carl Poliquin, Bruno Piccolo, Audrey Talbot, Milva Ménard et Marie-Ève Trude – Chacun campe des personnages différents  |  Durée : 2 h 20 approx. (incluant entracte)  – Représentations : Jusqu’au 9 décembre 2015 – TDP (Grande salle)

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). ★ (Mauvais). ½ [ Entre-deux-cotes ]

 

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