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Silent Night

17 mai 2015

CONFIDENCES DE TRANCHÉES

Élie Castiel
CRITIQUE
★★ ½

On aurait voulu accorder le plus d’étoiles possibles à ce nouvel opéra, attendu avec impatience depuis qu’il a été annoncé. Adaptation libre du brillant film Joyeux Noël, de Christian Carion, Silent Night est sage, trop sage, lent, trop lent, traitant le drame qui se joue pour ses combattants de la Première Guerre mondiale par le biais de l’illustration plutôt que de l’émotion (dans le film, palpable, retenant nos sens). Si les voix traduisent une certaine harmonie, dans l’ensemble, elles tiennent cependant plus de la récitation que du chant, d’autant plus irritant que plusieurs idiomes sont utilisées.

OP_Silent Night

Mariane Fiset, Joseph Kaiser et Daniel Okulitch (PHOTO : © Yves Renaud)

Avouons tout de même que les chanteurs passent de l’un à l’autre sans véritables accros. Mais un récit comme celui-ci est beaucoup plus cinématographique que scénique. À moins qu’on ne soit assis aux dix premiers rangs, de loin les visages sur scène ne suscitent aucune émotion, aucun partage entre comédiens, aucun rapport au public. Ne reste que la voix. Pour le genre qu’est Silent Night, un mélange de chant et de paroles échangés. Théâtre et opéra se côtoient, parfois sans heurts, d’autre part avec des malformations qui finissent par irriter.

Nous comptons alors sur les surtitres, seul moyen de suivre ce drame qui se noue devant nous. Les affres de la guerre, le souvenir de jours plus heureux, l’amour de la famille, mais aussi le nationalisme exacerbé, le refus de la guerre et particulièment son unitilité.

C’est donc avec une fin de saison plutôt hermétique que
l’Opéra de Montréal poursuit sa nouvelle mission, aborder
régulièrement, ne serait-ce qu’un seule fois par année, des
opéras risqués. Sur ce point, il faut féliciter les programmateurs.

Les beaux décors simples et efficaces de Francis O’Connor brillent par leur fonctionalité. Dommage, par contre, que chaque changement de perspectives se fasse dans le bruit. Les nombreuses références musicales de Kevin Puts, entre les classiques Beethoven et ce qu’on croit saisir, par moments, comme du Malher, et la tendance minimaliste, se confirment ici dans une œuvre musicalement complexe, sommant nos idées sur la musique de se réajuster. Sur ce point, Silent Night ressemble aussi à un opéra surréaliste dont le traitement naturaliste nous protège de la totale désorientation. C’est donc avec une fin de saison plutôt hermétique que l’Opéra de Montréal poursuit sa nouvelle mission, aborder régulièrement, ne serait-ce qu’un seule fois par année, des opéras risqués. Sur ce point, il faut féliciter les programmateurs.

SILENT NIGHT
Compositeur : Kevin Puts – Livret : Mark Campbell, d’après le film Joyeux Noël, de Christian Carion – Direction musicale : Michael Christie / Orchestre Métropolitain ; Chœur de l’Opéra de Montréal – Mise en scène : Eric Simonson – Décors : Francis O’Connor – Éclairages : Marcus Dilliard – Projections : Andrzej Goulding – Chanteurs : Marianne Fiset, Josef Kaiser, Phillip Addis, Alexander Hajek, Daniel Okulitch, Alexandre Sylvestre, Thomas Goerz, Christopher Enns… |  Durée : 2 h 20 (incluant 1 entracte) | Prochaines représentations : 19, 21 et 23 mai 2015, à 19 h 30 /
Place-des-Arts (Salle Wilfrid-Pelletier).

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais . ½ [ Entre-deux-cotes ]

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