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Le Repas des fauves

17 mai 2015

LA CONDITION HUMAINE

Élie Castiel
THÉÂTRE
★★★★

Cette brillante adaptation du Repas des fauves se classe définitivement parmi les meilleures pièces de la saison 2014-2015 du TRV. Intemporelle par son sujet, furieuse remise en question de l’individu, de sa condition dans la société et de ses peurs internes, l’œuvre du franco-arménien Vahé Katcha est encore d’actualité même si elle date de cinq décennies.

Denise Filiatrault ne se trompe jamais. Tout à fait consciente de son époque, elle fait émerger, par le choix de ce texte intensément libérateur, toutes les faiblessse humaines, les tourments qui nous assiègent quotidiennement. Dans un décor parisien pendant l’Occupation allemande, les propos prennent une place encore plus pertinente. Lutte individuelle pour la survie, frontière fragile entre la vraie et la fausse amitié, peur et courage, insensibilité et compassion, autant de paradoxes qui s’étalent en 90 minutes de dialogues autant de sourds que de combattants.

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L’ensemble des comédiens, à l’exception de Marc Béland (PHOTO : © François Laplante-Delagrave)

Pour que tout semble véridique, des comédiens hors-pair qui s’investissent dans un jeu du chat et de la souris qui s’apelle « Survie ». Ils sont tous innocents, mais un officier allemand en a décidé autrement. Leur culpabilité vient de leur manque de courage, de leur égoïsme inné, propre à l’homme qui tient simplement à vivre, ou plutôt dit, survivre.

Ces démons intérieurs s’extériorisent grâce à un mise en scène limpide, direct, allant droit au but. En harmonie avec un texte écrit sans compromis, n’y allant pas par quatre chemins. Dans les temps que nous vivons, où la rectitude politique vit ses heures de gloire et que la droite conservatrice prend de plus en plus de terrain, l’écrit de Katcha peut paraître rebelle, antisocial, provocateur. Filiatrault ose le remettre à l’heure du jour en lui redonnant ses lettres de noblesse.

Inoubliable, en dehors du temps, angoissante et  essentielle
remise en interrogation des démons  perturbateurs
qui traversent nos vies, ce repas demeure ineffaçable.

Le soir de la Première médiatique, les spectateurs ont retenu leur haleine pendant toute la durée de la représentation. Pour le suspense, pour les situations évoquées, pour un sujet brûlant qu’on préfère taire et occulter, et surtout pour une interprétation inoubliable de tous les comédiens. Impossible de dire qui construit mieux son personnage. Avouons tout de même que Benoît McGinnis dépasse ici ses capacités d’homme de scène, déjà confirmées auparavant. Les deux personnages féminins sont défendus sensiblement par Sophie Faucher (remarquable) et Marie-Pier Labrecque (changeant de nature dans le ton voulu). Malgré quelques réserves, François-Xavier Dufour s’en tire agréablement bien, apportant à son personnage les zones grise que lui impose le texte. Chapeau aux autres.

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Marc Béland (PHOTO : © François Laplante-Delagrave)

Très à l’aise avec ce décor années-40 parisien, magnifiquement transposé par Jean Bard, Denise Filiatrault évoque la chaleur de ce salon, contrastant avec un espace urbain (extérieur) qu’on devine tout à fait déshumanisé. Car Le Repas des fauves, version-TRV, transmet au spectateur toutes ces vibrations de l’âme qui finissent par nous envahir sans qu’on s’en rende compte. Inoubliable, en dehors du temps, angoissante et essentielle remise en interrogation des démons perturbateurs qui traversent nos vies, ce repas demeure ineffaçable.

revuesequences.org

LE REPAS DES FAUVES
Texte 
:
Vahé Katcha – Adaptation : Julien Sibre – Mise en scène : Denise Filiatrault, assistée de Marie-Hélène Dufort–Décors : Jean Bard – Éclairages : Claude Accolas– Musique : Yves MorinMontage vidéo : Lüz StudioCostumes : Suzanne Harel– Comédiens : Marc Béland, Jean-François Casabonne, Patrice Coquereau, Fédéric Desager, François-Xavier Dufour, Sophie Faucher, Marie-Piere Labrecque, Benoît McGinnis | Durée : 1 h 30 (sans entracte)  – Représentations : Jusqu’au 6 juin mai 2015 – Théâtre du
Rideau Vert.

MISE AUX POINTS
★★★★★
Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

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