En salle

Une chaise pour un ange

26 février 2015

La contemplation en héritage

Charles-Henri Ramond
CRITIQUE

★★★★

Les Shakers sont aujourd’hui reconnus comme la représentation parfaite de la simplicité et de la dévotion. On connaît peu ou prou le style du mobilier épuré qui porte ce nom, mais on connaît beaucoup moins, pour ainsi dire pas du tout, leur apport dans le domaine du chant monodique. Une chaise pour un ange de Raymond St-Jean, déjà auteur de plusieurs films mettant en images musique et danse, se penche sur l’héritage d’un mouvement religieux aujourd’hui en voie d’extinction.

Une chaise pour un ange

Pratiquement un an après avoir remporté le prix de la meilleure œuvre canadienne au Festival des films sur l’art de Montréal, le film, qui fut tourné aux États-Unis et en Finlande en 2012-2013, prend enfin l’affiche. Nous ne saurions que trop nous en réjouir et nous lui souhaitons de rencontrer auprès du public québécois un aussi bel accueil que celui qui lui fut réservé lors de son long parcours dans les festivals internationaux.

Réduire le sujet au synopsis ci-dessus est presqu’une injustice. Certes, le film nous en apprend plus sur le mode de vie novateur à bien des égards des Shakers, sur leur architecture ou leur mobilier dont la pureté des lignes perdure encore et toujours, alors que leurs fonctions originelles n’étaient qu’utilitaires. Mais au-delà du documentaire explicatif, le film a ceci de particulier qu’il nous ouvre les portes vers l’intime et le sacré au travers d’une culture oubliée, ayant pourtant voyagé partout dans le monde.

Une chaise pour un ange de Raymond St-Jean
s’avère l’une des plus belles représentations de l’art à l’écran
qu’il nous ait été donné de voir.

De cet héritage, qui a beaucoup influencé le style des pays scandinaves, le chorégraphe finlandais Tero Saarinen a tiré Borrowed Light, dont certains passages ont été recréés spécialement pour ce documentaire. En reprenant certains passages de cette œuvre reconnue mondialement, St-Jean fusionne l’épure des mouvements de Saarinen à l’extase des chants traditionnels shakers interprétés par l’ensemble vocal Boston Camerata. Les lumières bleutées ou ocres des éclairages mettent en valeur les chorégraphies, tandis que les voix imprègnent des lieux étrangement déserts de leurs résonnances extatiques. Autant de scènes possédant une rare énergie spirituelle que la caméra légère et aérienne de Jean-François Lord restitue avec grâce.

En plongeant notre regard dans le passé et dans ce qu’il a de plus spirituel, le film décloisonne aussi les époques et questionne notre propre rapport avec le temps. Dans un monde où tout va à cent à l’heure, où la performance, la compétition nous éloignent de plus en plus de préoccupations autrement plus fécondes et où la simplicité volontaire refait surface, pensons à ces Shakers, à la pureté de leurs rapports aux formes et au dépouillement de leur art.

Abordant le thème du legs aux générations futures de notre patrimoine culturel en présentant une communauté religieuse dont il ne restera bientôt plus que des artefacts dans les musées, Une chaise pour un ange de Raymond St-Jean s’avère l’une des plus belles représentations de l’art à l’écran qu’il nous ait été donné de voir. Un film que nous vous conseillons de ne pas manquer lorsqu’il passera sur un écran proche de chez vous

revueséquences.org

Sortie : Vendredi 27 février 2015
V.o. : multilingue
S.-t.f. – Une chaise pour un ange

Genre : Documentaire – Origine : Canada [Québec] / Finlande – Année : 2013 – Durée : 1 h 15 – Réal. : Raymond St-Jean – Dist. / Contact : Ciné Qua Non.
Horaires
: Excentris

CLASSIFICATION
En attente de classement

 

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

 

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