En salle

Adieu au langage

15 octobre 2014

En quelques mots

Texte : Élie Castiel
Cote : ★★★ 1/2

Je dois avouer que c’est à reculons que je m’aventurais à voir le dernier Godard, Prix du jury à Cannes, ex-aequo avec Mommy de Xavier Dolan. Et pourtant, la surprise fut surprenante. Le cinéaste, réputé pour sa verve anti-cinéma depuis quelques décennies, continue à explorer méticuleusement les mécanismes qui régissent la fabrication des images en mouvement, et tout particulièrement leur résonance métaphysique.

Si l’utilisation de la technologie du relief 3D peut paraître à certains comme un caprice d’adolescent, force est de souligner le discours que le cinéaste en fait. En observant de près, dans certains brefs passages, notre regard se transforme comme par magie ; est-ce un mauvais ajustement des lunettes 3D ? Par instinct, nous fermons l’œil gauche pour mieux capter ce qui se passe à l’écran ; ça ne dure que quelques secondes. Le tout reprend son cours normal comme si de rien n’était. L’énoncé sur cette nouvelle technologie devient alors clair à notre yeux. – À Rome, faites comme les romains.

Mais narrativement, l’histoire du chien finit par nous lasser ; les épisodes scatologiques nous semblent totalement gratuits, n’apportant rien de nouveau au discours. C’est là où Godard divague, se perd dans des citations littéraires (et sonores) qu’il affectionne et qui ne font plus effet.

Il y a, comme d’habitude, les faux raccords (jump cuts), les digressions provocantes ou inoffensives, le jeu avec le son, la musique syncopée, bref tous ces éléments qui composent le mythe godardien, à l’intérieur duquel il semble s’accommoder, probablement jusqu’au dernier souffle.

Godard évoque en filigrane, sourdement, les thèmes politiques qui lui sont chers, tous les ismes, comme socialisme, capitalisme, communisme envahissent notre esprit. Che Guevara n’est pas loin. Comme dans chaque film, le corpus godardien est évoqué par soubresauts, idées fixes, tout ce qui excite le regard. Le cinéaste passe ensuite à autre chose.

Puzzle, mise en abyme de son propre jeu dont il est le seul à connaître intimement les règles, Adieu au langage est une expérience hallucinante qui assume avec une fierté à la fois touchante et désespérée sa différence. Godard continue de croire que le monde, donc le cinéma, n’est que la décadence de lui-même. Si pour Bazin « le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs », pour Godard, il s’agit d’un monde qui s’accorde sans doute à notre angoissante impuissance.

Sortie : Lundi 20 octobre 2014
V.o. : anglais ; français
S.-t.a. – Goodbye to Language

Genre : Essai dramatique | Origine : France – Année : 2014 – Durée : 1 h 10 – Réal. : Jean-Luc Godard – Int. : Héloise Godet, Kamel Abdeli, Richard Chevallier, Zoé Bruneau, Christian Gregori – Dist. / Contact : Cinéma du Parc / Kino Lorber | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du Parc

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) 1/2 (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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