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Peter et Alice

19 septembre 2014

LE MIROIR AUX ALOUETTES

Élie Castiel
THÉÂTRE
★★★

L’auteur du remarqué Red, présenté il n’y a pas longtemps en anglais au Segal et en français (Rouge) au Théâtre du Rideau Vert, propose ici une rencontre inventée entre les deux personnages qui ont donné naissance à deux icônes de l’imaginaire populaire, l’Alice d’Alice au pays des merveilles et le Peter de Peter Pan, tels que conçus par Lewis Carroll pour l’un et James Barrie pour l’autre.

Alice Leddell Hargreaves est maintenant âgée. Peter Llewelyn Davies pourrait être son petit-fils. Entre ces deux personnages, une rencontre improbable dans un milieu idéal, une librairie, lieu du savoir, de l’imaginaire et de la fantaisie où tout est vraiment possible parce que ça n’existe que dans les livres.

Il est question des blessures de l’enfance, de ce qu’on n’ose pas avouer, pour soi-même et pour les autres, de ce qu’on voudrait que le temps balaie pour toujours. Sur ce point, la traduction de Maryse Warda pèse les mots, savoure chaque parole, demeure toujours de bonne tenue. D’autre part, la mise en scène d’Hugo Bélanger déploie avec ferveur un dispositif stratégique qui passe de la direction de comédiens à la mise en place des situations, parfois statique, par moments plus fébrile, notamment lorsque l’Alice et le Peter du conte apparaissent sur scène.

Les décors de Geneviève Lizotte rendent les différentes atmosphères aussi véridiques qu’onirique, grâce à un travail d’éclairage minutieux. Mais il y a, dans la mise en scène, un je-ne-sais-quoi de tendu, voire même de rigide qui rend l’ensemble assez lourd par moments, brisant ainsi l’équilibre.

Car Peter et Alice, c’est surtout la présence remarquable de la grande dame du théâtre québécois, Béatrice Picard, sur scène comme s’il s’agissait d’une seconde nature, livrant une performance hors-pair. Face à elle, Carl Poliquin semble un peu perdu, notamment dans la gestuelle qui aurait gagné à être retravaillée.

Les effets de miroir brillent par leurs symboliques, créant ainsi un univers entre rêve et réalité, entre fiction et imaginaire dont les éclairages de Luc Prairie, variant, entre autres, entre le rouge et le bleu, provoquent notre adhésion. La finale est magnifique de beauté ; à vous de la découvrir.

Grâce et beauté sont donc au rendez-vous, mais dans le même temps, des moments passagers d’ennui font de cette première œuvre de la saison une aventure risquée, mais qui vaut le détour.

[ DRAME ]
Auteur : John Logan, d’après les personnages d’Alice, dans Alice au pays des merveilles, et de Peter, dans Peter Pan Traduction : Maryse WardaMise en scène : Hugo Bélanger – Décors : Geneviève Lizotte – Éclairages : Luc Prairie – Musique : Patrice d’Aragon – Accessoires : Normand Blais – Costumes : François Barbeau – Comédiens : Béatrice Picard (Alice Leddell Hargreaves), Carl Poliquin (Peter Llewelyn Davies), Félix Beaulieu-Duchesneau (Lewis Carroll), Marie-Ève Milot (Alice au pays des merveilles), Éric Paulhus (Arthur Davies, Reginald Hargreaves, Michael Davies), Sébastien René (Peter Pan), Jean-Guy Viau (James Barrie) | Durée : 1 h 50 (sans entracte)  – Représentations :Jusqu’au 18 octobre 2014 – Théâtre Jean-Duceppe

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Passable) (Mauvais) 1/2 (Entre-cotes)

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