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L’Abri / La Matrice de Morphée

29 mai 2014

À CORPS PERDUS

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★½

Chaque spectacle annuel de l’École nationale de cirque de Montréal aborde deux thèmes associés aux questionnements de l’individu. En ce qui a trait à l’édition 2014, on assiste à un nouveau virage pour les finissants de l’ÉNC. Tournant dû sans doute à la présence de Gioconda Barbuto, chorégraphe au Nederlands Dans Theater et ancienne soliste aux Grands Ballets Canadiens, ici metteure en piste.

En effet, dans L’Abri, La danse occupe une grande partie d’un spectacle qui aborde le thème du temps : passé, présent et futur s’enchevêtrent avec comme résultat une œuvre foisonnante en trouvailles narratives et numéros époustouflants.

Sur la quinzaine d’attractions, la Roue Cyr étonne par la flexibilité avec laquelle Justin Buss se demêle ; le duo Lindsay Culbert-Olds et Kia Melinda Eastman suggère la beauté du corps, non seulement pour son aspect sensuel, mais également pour la grâce avec laquelle cette sensualité est atteinte. On se laisse emporter aussi par les numéros de groupe qui emballent les spectateurs. Le temps que ça dure, le critique laisse justement son côté « critique » pour se joindre à la foule, totalement conquise. La sensation est simplement jubilatoire.

La musique, méticuleusement choisie, réunit du classique, du contemporain, du moderne et du populaire. C’est ainsi que Rossini côtoie Lou Reed et que Chopin se joint à Marie-Josée Gauthier ou encore à Noir Désir.

Le dernier duo, entre Mishannock Ferrero et Émile Pineault est une sorte de pas de deux masculin qui n’a absolument rien à cacher. Autant dans les gestes chorégraphiques que dans l’abandon des corps. Aussi bien que dans la finesse des traits ou la maîtrise de l’équilibre, Main dans la main est un grand moment de cirque où le concept de corporalité brille par sa rigueur.

Quant à la transition entre le passé et le futur, elle fait une halte dans le présent pour finalement donner un signe d’espoir aux temps à venir. Sublime !

Si L’Abri suscite un intérêt constant, force est de souligner que La Matrice de Morphée, bien qu’il s’agisse d’un spectacle enlevant, ne possède pas la force dramatique nécessaire. C’est sans doute en raison du trop plein d’enfantillages et de gestes saugrenus sans véritables motifs. Le thème, le voyage entre le rêve et la réalité, ne nous est pas totalement clair tout le long du spectacle.

Caressons néanmoins le numéro la Roue Cyr tel que parfaitement exécuté par Eric Brown, reprise plus tard par Lea Toran Jenner, elle aussi aussi magnifiquement inspirée. Les numéros de groupe sont trop exaltés pour qu’on puisse vraiment suivre. Michal Watts, concepteur et metteur en piste a opté pour le côté sensationnaliste plutôt que le viscéral (comme c’était le cas chez Barbuto). Ce choix exige une maîtrise parfaite de tous les intervenants, alors qu’en fait, quelques erreurs, vite oubliées se glissent dans l’ensemble. Mais bon…

On retiendra, entre autres, le duo cerceaux chinois entre Dominic Cruz et Marta Henderson, habiles et enthousiastes, ainsi que le duo trapèze Anouk Blais et Guillaume Mesmin, d’une complicité contagieuse aussi bien qu’agréable pour les sens.

Quoi qu’il en soit, le spectacle annuel de l’École nationale de cirque de Montréal est un rendez-vous avec la beauté du geste, la sensualité du mouvement, l’érotisme du corps et la recherche constante de l’autre.

Représentations : En alternance jusqu’au 8 juin 2014, à la TOHU.

MISE AUX POINTS
★★★★★  (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) ½ (Entre-deux-cotes)

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