En couverture

Raphaël à Ti-Jean

4 avril 2014

L’ESPRIT DE FAMILLE

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★
½

Tout en étant conscient des nouvelles normes ethno-démographiques, le théâtre québécois est en constante recherche d’une identité nationale qui lui est propre. Force est de souligner que cette quête se traduit par une écriture qui privilégie souvent la nostalgie, mais qui est au fond un cri politique pour la survie.

Car, ici, derrière cette famille disloquée, dont un des membres, l’aîné, tente par tous les moyens de maintenir l’héritage familial, c’est aussi le cri de tout un peuple qui ne tient pas à disparaître. Partir, s’exiler, tout oublier, épouser le temps présent, se confondre dans la foule anonyme parmi toutes les ethnies du monde. C’est aussi de cela que parle Raphaël à Ti-Jean. Titre d’autant plus évocateur qu’il suggère l’Histoire qu’un grand raconte à un petit, pour qu’il reconnaisse ses origines, sa langue, pour qu’il les conserve à son tour et les lègue à ceux qui le suivront. Sur ce point Cédric Landry a écrit une pièce d’une émouvante sonorité politique. Tout cela est inscrit en filigrane, à travers des mots simples, des paroles de tous les jours, des émotions qu’on cache, des sous-entendus qu’on caresse puisque occultés.

Mais lorsque dans une scène exceptionnelle, les mots éclatent, directs, sans symbolisme, crus, le cri de désespoir et de rédemption se fait entendre courageusement. C’est là l’un des moments les plus forts dans Raphaël à T-Jean. Pièce farouchement québécoise (et c’est tant mieux !), elle ne sombre jamais dans le pathos ni dans la démagogie gratuite, optant pour un naturalisme bienvenu.

La proximité de la scène avec le public rend le drame encore plus humain, rapproche l’imaginaire au réel et donne à ce vibrant hommage aux racines une poignante véracité. Pour rendre ces personnages aussi vulnérables que courageux, des comédiens hors-pair : Catherine Allard, sensible et combative ; Hubert Proulx, d’une immense tendresse derrière son accoutrement de street-wise, Frédéric Blanchette, d’un charisme bienveillant, et surtout Yves Bélanger, magnifique comédien, jouant le registre de la force et de la tendresse avec une vibrante émotion. Mais il y a aussi un metteur en scène, Eudore Belzile, judicieusement inspiré par la plume raffinée d’un Cédric Landry humain, trop humain.

DRAME FAMILIAL
Texte :
Cédric Landry – Mise en scène : Eudore Belzile – Décors : Marc Senécal – Costumes : Dominic Thibault – Éclairages : André Rioux – Musique : Sébastien Thériault – Comédiens : Catherine Allard, Yves Bélanger, Frédéric Blanchette, Hubert Proulx – Durée : 1 h 20 (sans entracte)  – Représentations : Jusqu’au 19 avril 2014 – La Licorne.

COTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. Moyen. Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi ½ — LES COTES REFLÈTENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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